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ANALYSE

Arrêt « crèche Baby Loup » : une victoire judiciaire contre l’« islamophobie » ou « la musulmanophobie »


Alwihda Info | Par Fayçal Megherbi - 21 Mars 2013



Arrêt « crèche Baby Loup » : une victoire judiciaire contre l’« islamophobie » ou « la musulmanophobie »
Par Fayçal Megherbi, avocat au Barreau de Paris
 
La Cour de Cassation a rendu, le mardi 19 mars 2013, son délibéré dans l’affaire dite « Crèche Baby Loup ». Elle a jugé que« le licenciement de la salariée, prononcé pour un motif discriminatoire, en l’espèce le port du voile, était nul ». La Cour de cassation demande le renvoi de l'affaire de cette employée licenciée en 2008 parce qu'elle refusait d'ôter son foulard islamique au retour d'un congé parental.
 
Dans ce dossier symbolique, la Cour s’est alignée sur la première recommandation de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité de mars 2010 qui était favorable pour la salariée. Elle a confirmé le principe qui consiste à dire «  le principe de laïcité n’est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé ».
 
Le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), une association française des droits de l’homme, souligne dans son communiqué de presse du 19 mars 2013 que la Cour de Cassation « a rappelé non seulement que le principe de laïcité n’est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public, mais que ce principe ne peut dès lors être invoqué pour priver les salariés de la protection que leur assurent les dispositions du code du travail, … ».
 
Cette organisation a, en 2012, constaté « que les actes dirigés contre les musulmans sont aussi en très forte hausse ». Le CCIF « a recensé 369 actes islamophobes, dirigés contre des individus ou des institutions, contre 298 en 2011. Soit une augmentation de 25% », « Une constante dans les actes islamophobes : les femmes en sont les principales victimes. Parmi les cas d'agressions visant des individus, 87% ciblent des femmes. Les femmes voilées sont la première cible des agressions physiques, à 76%. »
 
 
 
Depuis le 11 septembre 2011, en France et partout en Europe, les observateurs constatent une importante montée d’événements et de comportements antimusulmans.
 
L’affaire dite « crèche Baby loup » s´ajoute, en effet, à beaucoup d´autres. Après la condamnation, en 2008, d´une propriétaire d´un gîte dans les Vosges pour avoir refusé, et pour les mêmes raisons, la location d´une chambre à une française d´origine marocaine, après les répétitions de profanation de cimetières musulmans, inscriptions racistes dans des établissements scolaires, développement de sites islamophobes sur Internet, cette nouvelle affaire est un révélateur d´un enracinement de cette nouvelle forme de racisme à l´endroit des musulmans.
 
Dans un autre pays d´Europe, du 19 au 21 septembre 2008, un rassemblement de l´extrême droite européenne se tenait à Cologne (Allemagne), à l´initiative du mouvement xénophobe et raciste allemand Pro-Köln, appelant à un rassemblement contre l´islamisation.
 
Le motif initial de cette manifestation était de s´opposer à la construction d´une mosquée dans cette ville.
 
D´autres organisateurs s’étaient associés à cette initiative: le FPÖ autrichien - ancien parti de Jörg Haider -, le Vlaams Belang flamand -successeur du Vlaams Blok, qui s´est autodissous pour éviter une condamnation pour racisme et xénophobie, et la Ligue du Nord italienne, membre de la coalition gouvernementale italienne au pouvoir.
 
La presse d´extrême droite et les organisateurs annonçaient la venue de représentants du Front national et du MNR, de l´élu identitaire alsacien Robert Spieler, d´un député allemand qui a fondé un parti qui s´appelle Travail-famille-patrie, de groupes liés au néoconservateur américain Pat Buchanan, du parti fasciste britannique BNP.
Ce rassemblement visaient, à la fois à préparer les campagnes électorales de l´extrême droite en Allemagne, et à développer la coopération entre les mouvements d´extrême droite européens, sur le thème de la «Lutte contre l´islamisation.»
 
Cette provocation dans la mise en place d´une stratégie politique de l´extrême droite européenne visait principalement à désigner l´ensemble des musulmans vivant en Europe, comme des islamistes potentiels et des ennemis de la «civilisation» et de « l´identité européenne » et de contribuer à alimenter en véhiculant ces messages, l´idéologie de l´extrême droite, voire même des groupes néo-nazis. Le parallèle avec les idées et mouvements antisémites du XXe siècle est flagrant.
 
Ce rassemblement est d´autant plus dangereux qu´il se situe dans un contexte particulièrement inquiétant où l´antisémitisme et l´islamophobie progressent de façon inquiétante en Europe.
 
Après les multiples alertes signalées dans les rapports publiés dès le 10 octobre 2001, c´est-à-dire après les attentats du 11 septembre 2001, par l´Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes de Vienne, sur les réactions anti-islamiques dans l´Union européenne et renforcées par les différents rapports spéciaux du comité pour l´élimination de la discrimination raciale de l´ONU, les gouvernements des Etats européens autorisent des rassemblements prônant l´intolérance et le racisme.
 
M.Maurice Glele-Ahanhanzo a présenté, dans le cadre de son rapport du 13 février 2002, un chapitre relatif à l´« Impact des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis d´Amérique sur des musulmans, des Arabes et d´autres populations originaires d´Asie » et a déjà attiré l´attention des gouvernements en estimant qu´il est « bien évidemment trop tôt pour tirer des conclusions générales mais plusieurs rapports mettent en évidence le fait que les hommes politiques et d´autres guides d´opinion joueront un rôle essentiel dans l´influence de l´orientation future des opinions publiques ».
 
Lors de l´Assemblée générale de l´ONU tenue le 7 novembre 2007, M. Doudou Diène, rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l´intolérance qui y est associée, a attiré l´attention des Etats membres sur « les signes alarmants de régression du combat contre le racisme, la discrimination raciale et la xénophobie liée à deux développements graves: la banalisation du racisme et de la xénophobie par la prégnance des plates-formes racistes et xénophobes dans les programmes politiques des partis démocratiques, et la montée de la violence politique raciste. »
 
Il a recommandé «l´importance de la promotion et de la mise en œuvre de la déclaration et du programme d´action de Durban, particulièrement dans le cadre de la préparation de la Conférence d´examen de Durban, qui devrait se tenir en 2009.»
 
M. Diène suggère ensuite de « promouvoir le lien entre le combat contre le racisme et la xénophobie avec la reconnaissance et la promotion d´un multiculturalisme démocratique, égalitaire et participatif basé sur deux principes: la reconnaissance, le respect et l´expression des spécificités ethniques, culturelles et religieuses, et le principe de la nécessité de la promotion des interactions et interfécondations entre les différentes communautés. »
 
De son point de vue, ces deux principes constituent «l´expression de la dialectique de l´unité et de la diversité qui seule garantit l´équilibre dynamique d´une société multiculturelle et permet de transformer les tensions identitaires, sources de discrimination, en vivant ensemble, respectueux de la diversité.»
 
C´est pourquoi, il est fort recommandable que les Etats européens prennent en urgence les bonnes mesures politiques pour éradiquer ces fléaux qui touchent leurs sociétés et combattent les idéologies extrémistes et haineuses en prônant la tolérance et les principes des droits de l´homme.
 
Par Fayçal Megherbi, avocat au Barreau de Paris




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