Accueil
Envoyer à un ami
Imprimer
Grand
Petit
Partager
ANALYSE

Centrafrique : le Rwanda a dit non


Alwihda Info | Par Anatole GBANDI - 11 Mars 2021



Des soldats rwandais de la MINUSCA. Illustration © MINUSCA
Des soldats rwandais de la MINUSCA. Illustration © MINUSCA
Le génocide rwandais a barbouillé, puis balafré de honte le visage de l’Afrique tout entière. Et celui de l’Afrique centrale en particulier. C’est notre guerre mondiale comme l’ont écrit certains observateurs, la première guerre mondiale des pauvres. Elle nous hantera pendant longtemps, parce que nous n’avions pas levé le plus petit doigt pour défendre les civils, nos frères.

Je dis "nous", mais ce "nous" qui engage surtout les pays africains, m’engage aujourd’hui en tant que Centrafricain : le Rwanda n’avait aucune raison de voler à mon secours. On ne l’a pas aidé quand il était dans le pétrin. Il pouvait, sans encourir le moindre reproche, se contenter de nous regarder, comme tant d’autres, patauger dans nos innombrables rébellions. Au lieu de quoi, il est intervenu pour dire non à la barbarie, il est intervenu pour dire non à l’insécurité généralisée, il est intervenu pour dire non à l’instauration d’une stratocratie crapuleuse au cœur du continent.

Les exemples de pays africains aidant militairement d’autres pays africains ne sont pas légion. On peut les compter sur les doigts d’une seule main. L’exemple le plus récent est l’intervention des troupes angolaises dans la guerre civile du Congo-Brazzaville. Elle a été décisive. Sans cette intervention, la guerre civile en République du Congo n’aurait pas connu le dénouement que nous connaissons. Cela veut dire que les pays africains qui ont une armée aguerrie peuvent aider ceux qui n’ont pas d’armée, ou pas d’armée opérationnelle comme la Centrafrique dont l’armée s’était effondrée en même temps que Bozizé.

Le Rwanda ne nous apporte pas que son armée. Il nous apporte aussi sa formidable capacité de résilience. Il a triomphé du génocide tout seul et a réussi, sur ses cendres, en un temps record, à ériger tout seul un pays moderne. On va imiter le Rwanda, on doit le copier ! Car nous sommes en retard et même en régression dans pratiquement tous les domaines. Notre compteur d’universités, par exemple, est resté bloqué à une, une seule université pour cinq millions d’habitants. C’est probablement le ratio le plus indigent du continent. Au pays des mille collines a contrario, Kigali compte à elle seule huit universités, ce qui, proportionnellement à sa population, en fait une des capitales les mieux dotées en établissements supérieurs.

L’Afrique a besoin d’universités : un Français avait dit un jour : "Si Einstein était né dans un village perdu d’Afrique, il ne serait pas devenu le grand savant que nous connaissons". En effet, je connais plusieurs villages du Haut-Mbomou qui n’ont pas d’école, pas même une classe de C.P. ! Je connais des écoles maternelles, des écoles primaires et des collèges de Centrafrique qui ont été squattés par les groupes armés. Je connais des établissements scolaires dont les tables et les chaises ont été transformées en bois de cuisson par les rebelles.

La guerre dans un pays pauvre fait généralement triompher la pauvreté. C’est le cas de la Centrafrique, qui peut s’estimer heureuse qu’après huit années de guerre, il existe encore des Centrafricains pour parler d’elle. On peut s’estimer heureux que la nouvelle pandémie qui ravage la terre nous ait relativement épargné. Car si le covid n’avait pas eu pitié de nous, s’il nous avait frappés aussi durement qu’il frappe l’Occident, nous serions peut-être déjà au paradis, à l’heure où j’écris, parce que nous étions affaiblis par la guerre à outrance que nous livraient les groupes armés.



Pour toute information, contactez-nous au : +(235) 99267667 ; 62883277 ; 66267667 (Bureau N'Djamena)