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ANALYSE

Congo : une élection présidentielle gagnée d’avance


Alwihda Info | Par Eric Topona - 21 Mars 2021



Denis Sassou Nguesso. © DR
Denis Sassou Nguesso. © DR
Les citoyens de la République du Congo sont appelés aux urnes le 21 mars 2021 pour l’élection de leur président. Ce pays est un pivot dans une Afrique centrale que l’intellectuel camerounais Achille Mbembe désigne comme le « cœur des ténèbres » de l’Afrique. 

Cette expression, empruntée au romancier polonais Joseph Conrad, est l’expression de son indignation au regard de l’immobilisme de cette région du continent africain, pourtant riche de son capital humain, de son sol fertile et de son sous-sol qui regorge de ressources naturelles. 

Denis Sassou Nguesso cumule 36 années à la tête de l’Etat congolais. Il faut néanmoins lui reconnaître une singularité dans cette sous-région du continent africain : il est le seul chef d’Etat d’Afrique centrale à avoir été défait, en 1992, à l’issue d’une élection présidentielle démocratique et transparente et à ne pas avoir contesté le verdict des urnes.

Toutefois, c’est par la force des armes que Denis Sassou Nguesso accède de nouveau à la magistrature suprême, le 24 octobre 1997, après avoir renversé son successeur, Pascal Lissouba, au terme d’une guerre qui a fait plusieurs milliers de morts et qui demeure une ligne de fracture au sein de la société congolaise. 

Denis Sassou Nguesso promulgue alors un Acte fondamental qui aménage une transition flexible de trois ans et qui va finalement durer cinq ans, de 1997 à 2002. 

Consolidation d’un pouvoir granitique

Depuis lors, le socle granitique du pouvoir de Denis Sassou Nguesso n’a cessé de se consolider. Les processus de renouvellement du personnel politique au sommet de l’Etat n’ont été que des rituels électoraux sans grand suspense. 

Denis Sassou Nguesso fera face, le 21 mars prochain, à six adversaires qui contestent le renouvellement de son mandat présidentiel. Tous ont été ses collaborateurs : Mathias Dzon, qui fut son grand argentier de 1997 à 2002, Guy Brice Parfait Kolélas, ancien ministre de la Pêche maritime et continentale, chargé de l'aquaculture, puis ministre de la Fonction publique et de la réforme de l'Etat, ou encore Joseph Kignoumbi Kia Mboungou qui brigue pour la quatrième fois la magistrature suprême. 

Séisme politique ?

Faut-il attendre un séisme politique de ces opposants ? Comme avant eux, le général Jean-Marie Michel Mokoko, aujourd’hui tombé en disgrâce et sous les verrous depuis 2016 (il a été reconnu coupable, en mai 2018, d'atteinte à la sécurité de l'Etat), les candidats croient en leur chance de battre dans les urnes le président congolais, comptant sur le mécontentement de la population. 

Ils auront cependant fort à faire face à la redoutable machine politique au service du président Denis Sassou Nguesso.

En plus de son maillage institutionnel et idéologique du territoire national, le Parti congolais du travail (PCT) au pouvoir, créé en 1969, est un puissant appareil politique dévoué au président sortant et à sa volonté assumée de se maintenir au sommet de l’Etat. 

Un nouveau quinquennat pour un septuagénaire ?

La grande interrogation de cette élection présidentielle porte donc moins sur le nom du vainqueur que sur l’usage que ferait Denis Sassou Nguesso d’un nouveau quinquennat… à 77 ans. 

L’un des enjeux de la séquence politique qui s’ensuivra sera inéluctablement axé sur sa succession ; et ce sera au sein de la grande famille du PCT qu’auront lieu les grandes batailles qui décideront de l’avenir de la République du Congo. 

Les mystères de la manne pétrolière

Le Congo est le sixième pays producteur de pétrole en Afrique avec une production estimée à 350 000 barils par jour. En 2019, l’Etat congolais annonce la découverte de quatre nouveaux gisements qui hisseraient sa production journalière à 980 000 barils. 

Cette annonce a pourtant suscité le scepticisme des spécialistes de l’exploration pétrolière qui y voient plus une tentative d’entretenir au sein de la population l’illusion de lendemains qui chantent. 

Situé au cœur de la forêt du bassin du Congo, deuxième poumon de la planète après l’Amazonie, le pays de Denis Sassou Nguesso est paradoxalement l’un des plus pauvres d’Afrique subsaharienne. 

Endetté à 87 % de son PIB, la moitié de sa population vit en dessous du seuil de pauvreté. Le Congo est à cet égard l’illustration de la « malédiction de l’or noir » pour une population qui espère toujours une juste répartition des richesses de son sous-sol.

En effet, de hauts dignitaires du Congo sont, depuis 2009, dans le collimateur de plusieurs ONG et des autorités judiciaires française, suisse, américaine.

Mais ceux-ci crient à l’acharnement judiciaire et à des tentatives de déstabilisation néocolonialiste. Depuis « l’affaire des biens mal acquis » en France qui a vu plusieurs officiels congolais mis en examen, la justice n’a cessé de se rapprocher de la gestion du pétrole congolais sous l’ère Sassou Nguesso. 

Deux procédures ouvertes devant la justice américaine sur la base d’un rapport de l’ONG Global Witness ont abouti à la saisie conservatoire d’une résidence à Miami (dans l’Etat de Floride, aux Etats-Unis), d’une valeur de trois millions de dollars, acquise par Denis Christel Sassou Nguesso, l’un des fils de l’actuel chef de l’Etat, lorsqu’il était numéro un de la Société nationale des pétroles congolais (SNPC). 

Plus récemment, en 2019, la société de négoce suisse Gunvor a été condamnée à payer une amende de 90 millions de francs suisses pour une accusation d’actes de corruption au bénéfice de responsables congolais. 

Il est manifeste qu’un nouveau mandat de Denis Sassou Nguesso ne sera pas de tout repos sur le front judiciaire.



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