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ANALYSE

Coronavirus : A quelque chose malheur est bon


Alwihda Info | Par Anatole GBANDI - 17 Avril 2020



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La pandémie du Covid-19 s’est déployée comme une succession d’ouragans géants, comme une succession de séismes de magnitude exceptionnelle. Elle fait trembler les systèmes de santé les plus avancés, elle paralyse l’économie des pays industrialisés et s’attaque sans pitié aux pays faibles et à leur système de santé déficient. En somme, sous nos yeux éberlués, elle est en train d’ébranler notre baobab, un arbre engoncé dans ses certitudes, un monde prétendument mondialisé, mais où chaque pays poursuivait son petit rêve de grandeur et de puissance. La terre était en pleine guéguerre économique depuis l’élection de Donald Trump ( Trump contre les Chinois, Trump contre les Européens, Trump contre les Canadiens…) quand le coronavirus est survenu comme pour lui annoncer que son réchauffement que contestent certains de ses dirigeants, pourrait bien s’accompagner de dangers beaucoup plus dévastateurs que ceux qu’ils ont connus jusqu’ici.

1. LE CORONAVIRUS RÉVÉLATEUR D’UN MONDE FRAGILE

En moins de deux mois, nous sommes revenus à l’ère des dinosaures, où les mammifères vivaient cachés sous terre pour ne pas se faire piétiner par les sauropodes ou dévorer par les carnivores dont les terribles tyrannosaures. Aujourd’hui, c’est l’homme, l’homo sapiens, le maître de la terre, celui qui a conquis la lune, le futur conquérant de mars, c’est lui, le savant armé jusqu’aux dents, qui se barricade pour échapper à un virus vorace très contagieux et potentiellement exterminateur.

Il opère à la manière d’un sous-marin : on ne le suspecte que quand il commence à faire des vagues. Il voyage vite et se joue des frontières et de la douane : tous les pays qui le croyaient encore en Chine, ont été surpris de le voir squatter leurs provinces, les faubourgs de leurs capitales et finalement leurs capitales.

La médecine de pointe a été prise de court et de vitesse, obligée de se rabattre sur la chloroquine et de polémiquer savamment ou pédantesquement sur son efficacité, alors que des malades partout dans le monde mouraient par milliers.

À défaut d’un traitement efficace, les pays riches se sont confinés au détriment de leur économie florissante. Les pays pauvres en revanche ne savent sur quel pied danser : là-bas, on vit au jour le jour une existence précaire : beaucoup de gens gagnent le matin ce qu’ils dépensent le soir. Ils n’ont ni réfrigérateurs, ni réserves de nourriture, ni bas de laine. Ce sont les journaliers du sous-développement. Les confiner reviendrait à les affamer, dans ces pays où l’assurance chômage n’existe pas, et où les plus démunis sont généralement abandonnés à leur sort.

Si l’ économie des pays riches est à l’arrêt, celle des pays pauvres pourrait bien plonger dans les abysses et y demeurer fort longtemps.

2. LE COVID-19 RÉVÉLATEUR DE L’INTERDÉPENDANCE

Le rôle de super gendarme de la terre est généralement dévolu aux Américains...par leur propre puissance économique et militaire. Le hic, c’est qu’ils en usent et en abusent, distribuant les sanctions comme des petits pains, aux organisations internationales comme l’OMS à laquelle ils viennent de suspendre leur contribution, aux petits pays qui ne peuvent rien contre eux, mais aussi aux grandes nations qu’ils soupçonnent de menacer leur hégémonie. Le territoire américain est probablement l’un des mieux sanctuarisés, par une armée opérationnelle. Ce paradis aux allures de forteresse défendue par les armes les plus sophistiquées est aujourd’hui ébranlé, non pas par les ennemis auxquels il s’attendait, mais par un virus très contagieux. Et l’on apprend avec étonnement que la première puissance du monde manquait de matériel médical et même de médecins. La Russie lui a envoyé par avion cargo des masques et des respirateurs, la Chine a promis mille respirateurs au gouverneur de New York. Et l’on apprend que là-bas aussi la médecine de pointe n’a encore rien trouvé contre ce satané virus. Et qu’en désespoir de cause, le président américain s’est rabattu lui aussi sur la chloroquine, tant vanté par le professeur français Raoult. Et l’on apprend que la santé là-bas est affaire d’argent, que les pauvres se soignent difficilement et que l’Obamacare, qui aurait pu les aider en cette période de pandémie, a été détricoté.

Dans un monde interdépendant, le concept de super puissance est une notion relative : on peut être militairement puissant et manquer de masques en période de pandémie respiratoire. À l’heure où j’écris, les pays qui ont suffisamment de masques, de tests et de respirateurs semblent tirer leur épingle du jeu .

3. LE COVID-19 RÉVÉLATEUR DE L’INDIGENCE DU SYSTÈME DE SANTÉ AFRICAIN

Tous les continents ont été atteints, à des degrés divers, par ce virus infernal. L’Europe concentre à elle seule les deux tiers des décès : une hécatombe qu’elle n’a pas connue depuis fort longtemps.

Or dans leur désolation, les épidémiologistes, les réanimateurs et les politiques européens sont unanimes à prédire le pire pour l’Afrique et ses États faillis, qui manquent de tout et surtout de masques et de respirateurs.

Dans ces pays instables minés par des guerres civiles et qui sont en butte à des catastrophes naturelles, la santé n’a jamais été la priorité des dirigeants. L’heure n’est pas à la controverse, mais on peut affirmer sans crainte d’être démenti que l’instabilité n’excuse pas tout. Que les observateurs occidentaux le savent et que s’ils ont invité Tiken Jah Fakoly en pleine pandémie pour parler du système de santé africain, c’est probablement pour qu’il leur répète ce que tout le monde sait : "Quand nos dirigeants sont malades, c’est en Europe qu’ils vont se soigner."

Le chanteur ivoirien n’a pas eu le temps, sur Europe1, d’illustrer sa phrase par des exemples récents. Nous allons le faire pour lui en commençant par l’Algérie...Mais vous conviendrez avec moi, amis lecteurs, qu’on ne tire pas sur une ambulance, surtout pas en période de pandémie. On va donc se détourner pudiquement des vivants pour citer lâchement quelques morts : Léon M’Ba, Sékou Touré, Neto, Kolingba, Mugabe, entre autres, n’ont pas trouvé dignes de mourir dans les hôpitaux mouroirs de leurs pays. Mais le terme « dirigeants », dans la bouche du chanteur ivoirien, est à prendre dans son acception de classe dirigeante. Car viennent aussi se faire soigner en Europe ou en Amérique ou en Asie les ministres, les hauts-fonctionnaires, les cadres du parti présidentiel et autres privilégiés. Tous ces gens qui sont aujourd’hui obligés de se soigner sur place, comme l’immense majorité de leurs compatriotes, par « un virus démocratique », selon les termes de Vincent Hervouet : un virus qui s’attaque aussi bien aux riches-puissants qu’aux pauvres.

4. LE CORONAVIRUS RÉVÉLATEUR DES ERREMENTS DU MONDE SCIENTIFIQUE

En cette période de communion, l’OMS s’est départie de sa réserve légendaire pour condamner les propos racistes de certains chercheurs français qui ont cru opportun d’évoquer sur une chaîne de télévision, « l’Afrique comme un terrain d’essai pour un vaccin. »

Je rappelle qu’à la fin des années cinquante, trois chercheurs travaillant aux États-Unis avaient réussi à développer quasi concomitamment trois vaccins contre la poliomyélite. Le plus pressé des trois, Hilary Coprowski, teste sans autorisation aucune son vaccin sur quelques enfants américains. Fureur des autorités qui le condamnent et lui coupent les subsides. Il se tourne alors vers le privé pour poursuivre ses recherches. Le vaccin de son concurrent Salk est homologué aux États-Unis, celui de Sabin, le troisième concurrent, se met sous le patronage de l’OMS pour immuniser quatre-vingts millions de personnes contre la polio. Que fait le chercheur polonais quand son vaccin est prêt ? Il retourne sur son continent et obtient de la Belgique, malgré les protestations de l’OMS, l’autorisation de le tester au Congo, au Burundi et au Rwanda. Dans la foulée, il fait vacciner, dans ces pays, un million de personnes entre 1959 et 1960. Or on sait aujourd’hui que son vaccin était contaminé par le virus du sida. Et donc on soupçonne le vaccin Chat de Koprowski d’être à l’origine de cette maladie sexuellement transmissible : il était fabriqué à base de reins de chimpanzés, le porteur du VIS, le virus simien de l’immunodéficience.

Ce qui est incroyable, c’est que l’alerte était donnée dès 1958 par Sabin, l’autre savant, qui informa Koprowski que son vaccin était contaminé par un virus. Le chercheur polonais le prend de haut et met fin à leurs relations. Voir ma tribune : "L’Afrique centrale berceau du sida ?".

En dépit de ses mensonges et dénégations, Koprowski est soutenu par la communauté scientifique. En dépit de l’alerte de Sabin, des protestations de l’OMS et de la méfiance des États-Unis vis-à-vis du vaccin Chat qu’ils n’utiliseront jamais. Bien leur en a pris.

Moralité. En période de pandémie, il faut savoir garder son sang-froid et ne pas confondre vitesse et précipitation dans la course au développement d’un vaccin. Il faut surtout se garder des déclarations racistes comme celle que l’OMS a promptement condamnée.

GBANDI Anatole



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