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POINT DE VUE

Djibouti : L'illusion d'un dialogue social


Alwihda Info | Par Mohamed Qayaad - 30 Mars 2018


Diagnostic managérial de la politique intérieure djiboutienne et axes possibles de nouvelles stratégies en matière de ressources humaines.


Pour une utilisation rationnelle du potentiel de toutes les filles et tous les fils de la nation djiboutienne

Djibouti : L'illusion d'un dialogue social
En nous appuyant sur le dernier discours de l’autocrate Ismaël Omar Guelleh, président de Djibouti, nous allons esquisser un exposé de principes et de stratégies d’actions s’inscrivant dans « cette recherche de construction d’un pays fondé sur le dialogue et la tolérance » dont il faisait son credo. Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, nous estimons qu’il est opportun de dégager quelques éléments du diagnostic illustrant le bilan d’un échec de la politique intérieure. En effet, toute politique de développement qui se veut conséquente, efficace et durable doit s’appuyer sur des ressources humaines. Les dirigeants doivent promouvoir non seulement la formation des élites, mais surtout assurer son utilisation rationnelle c’est-à-dire « chaque homme à sa place et une place pour chaque homme », précisons qu’ici la notion d’homme n’a aucun caractère discriminatoire, en d’autres termes, elle inclut aussi bien les hommes que les femmes.

En ce qui concerne le diagnostic de la situation djiboutienne, qu’avons-nous constaté depuis l’indépendance (27 juin 1977) ? Il ne s’agit pas d’évoquer tous les aspects de la gestion du développement à Djibouti, nous nous limiterons à traiter de l’utilisation des ressources humaines auxquelles nous faisons allusion pour démontrer les échecs d’une utilisation rationnelle de ce que notre pays renferme comme richesse incommensurable, l’homme. Comme le soutiennent les économistes « l’homme est à la fois sujet et objet de développement ». Or, à Djibouti, le constat est affolant, navrant et aberrant.

Cadres mal orientés, pratiques jacobines, "assistance" nuisible

Premièrement, notre pays dispose de cadres formés par la nation à la sueur de notre peuple, mais paradoxalement mal orientés d’où leur incapacité à concevoir une politique cohérente pour un pays en voie de construction.

Deuxièmement, notre administration dominée par des pratiques jacobines, extraverties et de surcroît centralisées concourt à l’étouffement des initiatives de nos cadres. L’attitude tutélaire et paternaliste de la soi-disant « assistance technique » française contribue à la marginalisation et au découragement de nos cadres. En effet, le comportement de cette « assistance » ne dispose nullement à l’instauration de ce dialogue constructif que prône Ismaël Omar Guelleh. En d’autres termes, il faut responsabiliser les cadres djiboutiens (nes) tant au niveau central que local. Notre sentiment est que seuls les cadres nationaux ayant une parfaite connaissance des réalités de notre pays et imprégnés des aspirations de notre peuple sont capables d’assurer une construction nationale durable. Pour y parvenir, il faut commencer par abolir la prééminence de toute assistance technique sur nos cadres et (nous ne le dirons jamais assez) il faut placer chaque cadre selon son mérite et ses compétences. Hélas, l’administration djiboutienne, avec un personnel d’une incompétence crasse, est consciente que son avenir ne dépend pas de la qualité de son travail, les rares esprits compétents sont perçus comme une menace et le lieu de travail se transforme en un champ de bataille pour toutes sortes de « guerres » non déclarées. La décadence en est la conséquence ultime.

Troisièmement, le tissu socio-économique se dégrade continuellement, le symbole de cette regrettable situation reste de nos jours, non seulement, la centrale thermique de Boulaos dont les fréquentes coupures perturbent la quiétude du citoyen et développent la promiscuité dans la capitale, mais surtout la privatisation anarchique de certains domaines stratégiques étatiques, le cas le plus exemplaire étant celui du port de Djibouti passé sous le contrôle d’une compagnie étrangère. Cette solution facile qui, au demeurant, entame la souveraineté nationale, ne constitue pas la baguette magique pour redresser l’économie nationale, car on connaît le marasme auquel ce modèle a conduit certains pays d’Afrique.

Quatrièmement, n’oublions pas que Djibouti est une jeune nation dépourvue de moyens financiers, sans ressources naturelles, tout au moins sans ressources connues à ce jour. Par conséquent, notre pays a besoin de compenser ce déficit par des idées nouvelles qui ne peuvent être portées que par des cadres de haut niveau.

Cinquièmement, la gestion du développement souffre d’une insuffisance de dialogue social d’où la pertinence démagogique de l’appel d’Ismaël Omar Guelleh lors de sa campagne présidentielle « à plus de dialogue dans cette recherche de construction nationale ». Ce point me paraît fondamental dans la mesure où le dialogue est une source de construction des idées qui sont traduites en programmes d’actions; ceci nécessite également des cadres compétents.

En somme, tous les éléments de ce constat dégagent la place centrale des ressources humaines. Notre pays, sans avoir la prétention de disposer et de remplir ces conditions, renferme tout de même un potentiel non négligeable de ressources humaines dont l’utilisation est à la limite du gaspillage (des cadres diplômés au chômage, voir exilés, des affectations qui ne correspondent pas au profil des titulaires des postes, une inadéquation entre profil et emploi). Ce sont là quelques éléments d’un diagnostic peu reluisant qui imposent l’adoption de nouvelles stratégies dans la perspective d’une construction nationale.

En quoi consisteraient de nouvelles stratégies?

Notre conviction est que toute approche s’inscrivant dans la perspective d’un développement durable autocentré et harmonieux passe nécessairement par une utilisation rationnelle de toutes les filles et tous les fils de la nation djiboutienne. Ceci implique premièrement la recherche d’une meilleure adéquation profil-emploi, c’est-à-dire qu’à tous les postes de responsabilité, des critères de compétence soient mis en avant pour le choix du titulaire à l’exclusion de toute autre considération ethno-politicienne. Entendons-nous bien, il s’agit de concevoir, planifier et mettre en œuvre des actions déterminantes pour l’avenir de notre peuple. Il est, par conséquent, essentiel que la justice et l’équité soient déterminantes dans la responsabilisation des enfants du pays.

Deuxièmement, la recherche d’une meilleure convergence entre la perception des gouvernants et les aspirations de la population suppose la promotion d’un dialogue social comme stratégie participante, un tel dialogue doit être conduit par des acteurs compétents ayant une bonne connaissance à la fois de nos institutions politico-administratives, de nos réalités et de nos partenaires au développement.

En fin de compte, notre cher pays a besoin de l’apport de tous ses enfants pour que ses élites puissent constituer des acteurs ayant la responsabilité de coordonner, d’impulser et d’animer le développement. – MQ



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