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REACTION

Djibouti : La citoyenneté à Djibouti, une réalité possible ou une illusion ?


Alwihda Info | Par Farah Abdillahi Miguil - 21 Janvier 2019



« Si l’on veut changer le monde, il nous faut nous libérer des apparences et des illusions, et développer notre conscience »

La citoyenneté, un idéal dans une démocratie fonctionnelle

On pourrait, de manière générale et les définitions données, définir la citoyenneté comme étant un statut juridique attestant de l'appartenance d'un individu à une communauté politique organisée (nation, ville, cité.. etc). Il y a un corollaire à cela, et il est d'une importance capitale, il s'agit des droits et de devoirs attachés à la qualité de citoyen. Dans une société démocratique, les citoyens jouissent d'un certain nombre d'attributs que leur confère, justement, ce statut.

En effet, ils sont égaux devant la loi, ils peuvent exprimer leurs opinions respectives et tenter d'influer sur les décisions politiques de leur Etat, ils peuvent choisir librement leurs représentants politiques ou aspirer eux-mêmes à briguer un mandat politique à différents niveaux. Bien entendu, la citoyenneté impose aussi le respect des lois en vigueur et de la liberté d'autrui. Idéalement, la citoyenneté devrait aller avec une certaine conscience de tous ces enjeux et donc d'une capacité à défendre ses droits, ceux de sa famille ou de sa communauté etc... Et tout cela en restant dans un cadre fixé par les institutions de son Etat. Ceci nous semble être un préalable à une démocratie fonctionnelle.

La citoyenneté, une notion étrangère aux africains en général et aux Djiboutiens en particulier ...

Or, tout porte à croire que la notion de citoyenneté est étrangère aux populations de la plupart des pays d'Afrique. Encore à ce jour, les peuples restent balkanisés par les divisions tribales et claniques. Les indépendances en Afrique n'ont été qu'un prolongement du système colonial “diviser pour régner”. Et pour cause, bien de dirigeants de ce continent se sont appropriés cette méthode et l'ont même utilisée plus efficacement profitant du fait qu'ils avaient une meilleure connaissance du terrain que le colonisateur.

Plus de 42 ans après l'indépendance, certains quartiers de Djibouti, portent toujours les stigmates de la séparation communautaire du colonialisme et l'idée d'une communauté de citoyens ayant le même destin semble largement supplantée par une méfiance quasi pathologique vis-à-vis de son proche voisin.

Diviser, diviser, diviser, le maitre mot ...

Ceci est voulu, entretenu et encouragé par le système politique. Surtout par le biais de toute une série de stratagèmes allant de la corruption aux recours à des intimidations, des chantages voire des menaces pouvant mener à la déchéance de la nationalité et donc de la citoyenneté justement. Ici, l’Etat est littéralement en guerre contre la citoyenneté.

Les méthodes utilisées par ce même pouvoir, nous confortent aussi dans ce sens. En effet, durant toutes ces années d'engagement syndical, sociétal et humanitaire, j'ai vu des hommes et des femmes en permanence tantôt courtisés, tantôt menacés par les ténors du pouvoir issus de leurs propres communautés respectives pour les dissuader d'être solidaire avec leurs concitoyens d'autres communautés. Leur discours se résumait en gros “ce n'est pas notre combat, c'est le leur”. Et leur seule mission première est de légitimer le statu quo.

Le plus incroyable, c’est que les tenants du pouvoir, eux sont, peu divisés sur une question tribale ou communautaire mais au contraire ils constituent un groupe d'intérêt. Les membres de cette alliance sont choisis pour leur cupidité et leur rapacité mais aussi pour leur capacité de manipulation de leurs communautés respectives de manière à les cloisonner et à les détourner des intérêts communs.

La violence de la réaction du pouvoir à l'égard de toute forme d'organisation libre et indépendante qu'elle soit associative, syndicale, culturelle, politique, ... trouve son explication dans sa crainte de voir un éveil de la masse pour ses droits et devoirs et, surtout, l'avènement d'une conscience citoyenne.

Révolution sociétale impossible tant que ...

Tant que "l'opium identitaire" sera utilisée par la classe dirigeante, toute révolution citoyenne semble impossible comme l'écrit le philosophe et historien camerounais Achille Mbembe "Tant que cette division entre une élite structurée en classe sociale intégrale et un peuple nourri aux fantasmes de la politique identitaire persiste, les chances d'une révolution sociale radicale seront maigres."

Farah Abdillahi Miguil



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