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POINT DE VUE

LES GRANDES PLAIES DE LA SOCIETE TCHADIENNE


Alwihda Info | Par Abou-Adil Ahmat - 3 Décembre 2008


Il s’agit de créer une autre vision collective du citoyen tchadien en revalorisant ce qui à l’origine de la création de la République en 1960, signifiait au moins dans le discours et les mythes fondateurs, là où le logos rejoint et féconde le mythe de la fondation de la nation tchadienne : « Unité-Travail-Progrès ».


Proposer un certain nombre de repères aux tchadiens d’aujourd’hui et fonder des institutions qui leur servent de fer de lance doit être la nouvelle entreprise de tout nouveau dirigeant politique, économique et intellectuel projetant une nouvelle société tchadienne.

Il s’agit de créer une autre vision collective du citoyen tchadien en revalorisant ce qui  à l’origine de la création de la République en 1960, signifiait au moins dans le discours et les mythes fondateurs, là où le logos rejoint et féconde le mythe de la fondation de la nation tchadienne : « Unité-Travail-Progrès ».

48 ans après, au bout de l’élimination des chefs de bandes avec leurs luttes de chapelle et l’éviction de certains leaders par d’autres groupes, le Tchad avait quand même une promesse de départ, un grand mythe fondateur pluridimensionnel, celle d’une société « Unie, Travailleuse et cherchant le progrès ». Une société d’égalité des chances qui n’a pas tenu face à la mentalité néo-tribaliste des groupes, des sensibilités politiques et l’action carrément népotiste de classe de l’establishment économique d’aujourd’hui.

68 ans se sont écoulés, rien que des ressassements idéologiques, bavardages gratuits et trompeurs pour berner le peuple et niveler la société.

L’on ne mesurera jamais assez en effet, le choc permanent que constitue pour une société comme la nôtre d’avoir été dirigé pendant des années par de  grands fauves  qui ont érigé des systèmes politiques qui ont rendu ce pays humainement et matériellement exsangue.

Après 23 ans de « Monopartisme »  qui prétendit dénier à l’homme tchadien tout choix politique, il y eu le « Multipartisme » liberticide de nos dictatures sanglantes et successives. Dès lors, le rapport à l’espace tchadien devient pour les citoyens de facto que nous sommes qu’une forme de pathos difficile à soigner.

Le vampirisme politique qui s’est reproduit au cours des ans comme le  modèle de gestion  de la gouvernance du sous-développement a transformé la chose publique en une privatisation par la bande. L’outil étatique ainsi approprié est mis au service de forces économiques rétrogrades et de leurs clients ponctuels, gestionnaires temporaires de l’appareil d’Etat jusqu’au prochain messie.

Chaque chef de l’Etat qui venait à s’installer à la tête du Tchad  se targuait de bien connaître l’être Tchadien dans ses moindres forces et faiblesses et adorait cultiver  ses bas instincts. Il sait que l’éternité de la misère dans laquelle croupit notre société est un gisement inépuisable dans le cadre d’une politique totalitaire où corruption et peur de l’autre étaient la chose du monde la mieux partagée. Une certaine littérature d’un opposant tchadien, porte parole d’un groupe de politico-armés a fait de celui en poste, le « Démocrate absolu ». Pour le citoyen moyen que toi et moi sommes, l’originalité dramatique du pouvoir actuel a été de se placer au confluent de toutes nos satrapies.

Les membres de l’opposition armée qui connaissent bien l’homme, le Président  Idriss Deby, se sont livrés à d’intéressantes études du système politique qu’ils ont servi avant de le quitter. L’observation de leur analyse est un regard décapant sur un régime dont la complexité morbide échappe aux dénonciations sommaires.

Le procès idéologique et psychanalytique d’un mode de paternalisme étatique et criminel n’ayant pas été fait, sommes nous condamnés à le reproduire ?

Chaque fois que dans notre histoire nous mettions à bas un régime honni, les conditions de sa reproduction étaient déjà en nous...et nous déboulonnions des statues, sans nous débarrasser de cette peste émotionnelle, terreau fertile de toutes les dérives totalitaires.

Il y a encore des pages à noircir pour comprendre pourquoi ce système politique nous colle à la peau et comment, il se mue en des variantes plus ou moins létales dans le temps et dans l’espace.

Et pourquoi  fascine-t-il encore et peut-il toujours renaître de ses cendres aux braises jamais totalement éteintes ?

De ces longues années de dépravation sociopolitique qui remontent au tout début de notre histoire, a résulté un être Tchadien déconstruit, aux repères brouillés, dont le rapport au réel est réduit à un délire verbal. La chute de chaque régime ouvre la voie à un autre tondu idéologique masquant mal le vieil édifice politique indestructible dont les fondations tiendront aussi longtemps que la misère sera aussi insoutenable.

Nos dictatures successives ont bouté hors du pays des millions de déplacés, des réfugiés sans identité, des multitudes fuyant le dénuement des campagnes.

Aujourd’hui, des Tama, des Arabes, des Goranes, des Hadjarais  Saras, des Zagkawas, etc.., n’appartenant pas au cercle des « princes »,errent comme  des sans papiers dans leur propre pays. Ils sont considérés comme des citoyens entièrement à part au lieu de l’être à part entière.

Fille bannie de l’exode au temps de la dictature, la diaspora tchadienne qui s’est considérablement élargie sous le régime MPS  peine encore à recouvrer totalement ses droits de participer à la chose publique sans être taxée de rebelle.

Au Tchad, nous sommes dans un pays ou chaque implosion d’un appareil de sécurité  conduit aux vagues d’insécurité non étatique. Certains des organes chargés de délivrer la violence d’Etat entre dans la clandestinité et se mettent au service du crime organisé. Ce phénomène mal géré par nos différents leaders se répand dans les masses. Viendra plus tard  le motif politique du peuple en armes  appelés  « Politico-armés »  pour lancer son jihad de la protection de la « démocratie et de la constitution » dans la continuité du « binôme Ami du régime et Ennemi du régime ».

Les premières années de la transition verront s’épanouir mille et une idées pour la construction d’un Etat de droit. Mais à la faveur de la parole libérée s’engouffrera perverse, la délation publique, le naïf délire verbal, maladie infantile d’une démocratie balbutiante qui deviendra en des mains expertes un bûcher médiatique.

Une partie de l’opposition (armée et non armée)  s’est enfoncée depuis un temps comme le Titanic dans la mer de toutes les délations et l’on en parle timidement de peur d’éclabousser l’ensemble d’une profession qui a porté tout de même nos libertés sous les fonds baptismaux, offrant ainsi une bouée de sauvetage en or aux fils de nos colons.

La Démocratie, produit de La Baule que l’ex Président Habré avait voulu formuler à sa manière avec les tchadiens et  que nous avons en 1990 brandi fièrement comme un étendard contre celui que nous avons appelés « Tyran » s’est révélé pareil à un habit de Saint Sylvestre beaucoup trop ample pour un corps social squelettique, et on a peur d’y toucher au nom d’une formule suicidaire : « Ni Or, Ni Argent mais la Démocratie ».

Tant que l’être Tchadien ne se débarrassera pas de ses peurs qui remontent à la nuit du totalitarisme et de l’intolérance, j’avoue qu’il ne pourra pas se défaire du néant qui absorbe ses rêves de lumière.

Aux temps des baïonnettes a succédé celui des paroles enflammées. A la parole unique de la propagande d’Etat, la tour de Babel de la communication anarchique s’est développée. Et l’Internet, cette  toile  magnifique ou maléfique dont nous tissons une corde virtuelle pour pendre les meilleurs d’entre nous a rendu lui aussi plus redoutables nos traditionnels règlements de compte.

Le Tchad n’est pas le seul pays à s’être trouver dans l’épicentre de telles commotions politico sociales. Notre pays y est encore embourbé parce que piégé par l’actualité immédiate. Il n’a pas encore trouvé la pédagogie pour engager le processus complexe mais salutaire de la confrontation avec son passé ni de commencer enfin les vrais débats qui commenceront à baliser le futur.

Tout cela réclame une réflexion sur notre discours au quotidien, une prise de distance et une quête de sens.

Un débat d’un autre genre s’impose pour vider sainement nos différends, et nos incompréhensions. Et surtout, une modernisation de notre vie politique qui doit entrer dans une logique transformationnelle.

Il n’est pas bon pour un pays de laisser béantes ou mal cautérisées tant de plaies sociales. Cela ne peut que rendre plus pathogène un appareil politico administratif dans lequel ne se reconnaîtront que de grands fauves.

Par Félix Ngoussou
[email protected]
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