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MONDE: Avions, trains et interdictions de séjour


Alwihda Info | Par Abou-Adil Ahmat - 2 Décembre 2008


Environ 70 pays ont imposé des restrictions aux voyageurs atteints du VIH, selon la Banque de données mondiale sur les restrictions aux voyageurs porteurs du VIH, mais à ce sujet, les informations sont si difficiles à obtenir, et souvent contradictoires


JOHANNESBOURG, 1 décembre 2008 (IRIN) - En 2002, Aleksic Jovan, trafiquant d’armes, a acheminé par avion plus de 200 tonnes d’armes au Liberia, un pays ravagé par la guerre, contribuant ainsi à un conflit qui aurait fait quelque 250 000 morts, selon les estimations. Il y a plusieurs années, le mari de Linda Kisuna a contracté une infection sexuellement transmissible. Qu’ont-ils en commun ? M. Jovan et le mari de Mme Kisuna sont tous deux interdits de séjour dans plusieurs pays du monde.

Environ 70 pays ont imposé des restrictions aux voyageurs atteints du VIH, selon la Banque de données mondiale sur les restrictions aux voyageurs porteurs du VIH, mais à ce sujet, les informations sont si difficiles à obtenir, et souvent contradictoires, que personne, même le Programme commun des Nations Unies sur le sida, ONUSIDA, ne sait vraiment ce qu’il en est.

Théoriquement, une dizaine de pays, dont la Chine, l’Arménie, le Soudan et les Etats-Unis, interdisent aux personnes séropositives d’entrer sur leur territoire, quelle que soit la durée de leur séjour, malgré les efforts déployés dernièrement aux Etats-Unis pour abroger l’interdiction d’entrée imposée aux visiteurs séropositifs depuis plus de 20 ans.

Bien que le Sénat ait abrogé cette loi en juillet, lorsqu’il a prorogé le Plan d’urgence de lutte contre le sida du président américain (PEPFAR) et que le président américain George W. Bush a signé le projet de loi, l’interdiction restera en vigueur jusqu’à ce que le ministère américain des Services sanitaires et humains (MSSH) retire le VIH de sa liste des maladies contagieuses.

Rachel Tiven, directrice exécutive d’Immigration Equality (IE), un lobby, a dit espérer que le MSSH reverrait sa liste des maladies contagieuses, mais elle désapprouve les changements apportés récemment aux dérogations qui permettent à certains voyageurs séropositifs de contourner cette interdiction.

« Nous sommes déçus que l’administration Bush ait imposé ces [conditions] de voyage "rationalisées", qui en fait n’ont pas été rationalisées du tout, à l’heure où l’abrogation totale de l’interdiction [d’entrée sur le territoire imposée aux voyageurs séropositifs] est imminente », a-t-elle déclaré.

À la fin du mois de septembre, le ministère de la Sécurité intérieure, chargé des questions liées à l’immigration, a amendé les dérogations de voyage accordées aux visiteurs séropositifs, imposant, selon l’IE, des critères plus stricts, au lieu de rationaliser le processus.

Les voyageurs doivent par exemple prouver qu’ils reçoivent une aide médicale privée acceptée aux Etats-Unis, et même les personnes ayant de la famille proche dans le pays n’ont pas le droit de déposer une demande de green card temporaire lorsqu’elles se trouvent sur place. Le groupe de lobbying soutient que le VIH est le seul problème médical soumis à ce règlement.

D’après Vanna Rainsey*, activiste cambodgienne de la lutte contre le sida, ces conditions étaient déjà assez strictes. Invitée à assister à la Session spéciale de l’Assemblée générale des Nations Unies (UNGASS) sur le VIH/SIDA, Mme Rainsey a reçu divers courriers d’invitation de la part de grandes organisations humanitaires internationales, stipulant à la fois son statut de séropositive et la raison pour laquelle elle se trouvait aux Etats-Unis, conformément aux règlements relatifs à l’immigration.

Toutefois, à son arrivée à New York, les services de l’immigration ont invoqué son statut pour justifier l’annulation de son visa américain.

Lire entre les lignes

Pour justifier ces restrictions, les gouvernements invoquent généralement deux logiques : celles-ci permettent de maîtriser la propagation du VIH, et d’épargner aux pays d’accueil le coût du traitement contre le VIH.

Aucune de ces deux raisons n’est vraiment convaincante, à en croire Susan Blair Timberlake, conseillère principale en droit et droits humains à l’ONUSIDA.

« Empêcher les gens de se rendre dans un pays pour prévenir la propagation du VIH dans ce même pays [ne] rime à rien aujourd’hui, à une époque où chaque Etat est frappé par une épidémie nationale. Si l’on adopte cette stratégie, on devrait fermer les frontières aux nombreux ressortissants nationaux qui partent et reviennent ».

Lorsque le gouvernement cubain a commencé à traiter ses premiers patients séropositifs, en 1986, il a adopté une politique de quarantaine obligatoire, selon laquelle toute personne atteinte du virus devait être envoyée dans un sanatorium public ; cette loi a néanmoins été abrogée en 1993.

« Derrière [ces lois], il y a la supposition que les personnes séropositives vont se comporter de manière irresponsable - une idée qui n’est corroborée par aucune preuve - et c’est problématique », selon Mme Timberlake.

Si les frais de traitement étaient véritablement problématiques, les pays soumettraient à un dépistage individuel toute personne souhaitant s’installer de manière permanente sur son territoire, a-t-elle commenté.

Les services de l’immigration se préoccupent rarement des droits humains, notamment du droit de demander l’asile, du droit à la confidentialité des tests, et du droit de protéger la cellule familiale. En réaction, l’ONUSIDA a récemment formé une équipe de travail internationale chargée de sensibiliser [les populations] aux interdictions imposées aux voyageurs et aux violations des droits humains.

Relation à distance

Cela fait environ un an que Linda Kisuna* se bat pour que son mari séropositif quitte le Kenya pour venir habiter avec leur fille et elle-même, aux Etats-Unis.

« [Les autorités demandent] qu’il obtienne une dérogation VIH [et qu’il soit] assuré ; or, ils savent que c’est impossible », a-t-elle déclaré à IRIN/PlusNews. « Aucune [compagnie] d’assurance n’est disposée à assurer quelqu’un qui vit à l’étranger [hors des Etats-Unis], et si c’est le cas, elles refusent d’assurer une personne atteinte d’une maladie préexistante [comme le VIH] ».

Selon le gouvernement américain, l’exigence d’une assurance est raisonnable car cela permet d’éviter que la charge financière soit endossée non plus par le ressortissant étranger, mais par le contribuable, en cas d’urgence médicale.

« C’est humiliant de devoir retourner dans son pays pour voir la personne que vous aimez, à qui l’on a interdit de vous rejoindre en raison de son statut, bien que vous soyez vous-même disposé à la soutenir », a dit Mme Kisuna. « Chaque année, je retourne au pays parce que je ne veux pas briser les liens qui nous unissent, alors je fais des heures supplémentaires ; je travaille d’arrache-pied pour réunir la somme nécessaire pour m’acheter mes billets [d’avion] ».

Les avocats ont expliqué à Mme Kisuna qu’ils ne pouvaient pas faire grand-chose pour contourner la clause d’assurance. Elle tente donc à présent de trouver une clinique ou un organisme qui signera une déclaration sous serment stipulant qu’ils se portent responsables du traitement de son époux.

Si cela fonctionne, Mme Kisuna, qui a obtenu un permis de séjour temporaire pour pouvoir vivre aux Etats-Unis, déposera une demande de citoyenneté ; dans le cas contraire, son rêve de voir sa famille à nouveau réunie risque d’être brisé.

« Cette fois-ci, c’est ma dernière chance de le faire venir. Mais si ça ne marche pas, je vais devoir trouver autre chose : on ne peut pas vivre comme ça ».

 





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