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EDITORIAL

Ode à la tolérance dans un pays de Téranga…


Alwihda Info | Par Mamadou Oumar NDIAYE - 7 Février 2018



La chanteuse Rihanna à Londres, en septembre 2017. © Vianney Le Caer/AP/SIPA
La chanteuse Rihanna à Londres, en septembre 2017. © Vianney Le Caer/AP/SIPA
Star planétaire, chanteuse au talent inouï, aux tenues sexy et aux déhanchements provocateurs capables de faire damner un saint, Rihanna est donc dans nos murs. A la grande joie de ses innombrables fans — au premier rang desquels les jeunes — sénégalais. Mais aussi des adultes pervers qui vont pouvoir se rincer l’œil ! Et au grand dam des obscurantistes d’un autre âge qui ont décrété pour le peuple sénégalais qu’il n’était pas bon qu’il accueille une artiste « porteuse de plusieurs dangers socioculturels », et, accessoirement, « maçonnique ». Ils avaient décrété que la pauvre Rihanna, qui vient pourtant pour une cause plus que noble — la plus noble qui soit ! —, c’est-à-dire aider à lever des fonds pour l’éducation de millions d’enfants à travers le monde, devait être interdite de séjour au Sénégal, pays de la Téranga, pourtant ! Un pays dont l’hospitalité légendaire, ou ce qu’il en reste, a été mise à rude épreuve en ce mois de janvier 2018 puisque, avant la chanteuse barbadienne, les Rencontres fraternelles et humanistes d’Afrique et de Madagascar regroupant les maçons du Grand-Orient de France vivant sur le continent, avaient eux aussi été interdits de cité. Sous prétexte qu’ils combattraient l’Islam, ces maçons, comme Rihanna, ont été déclarés personae non gratae eux aussi par un obscur collectif contre les francs maçons et les homosexuels ! Lequel, encore une fois, s’arroge le droit de délivrer — ou de refuser — des visas d’entrée pour notre cher pays connu pourtant pour son ouverture à l’Autre, à l’Etranger quel qu’il soit. Un pays, le Sénégal, dont la principale richesse et la plus-value ont toujours été constitués par sa tolérance, son sens de la mesure, son hospitalité. Et voilà que tout d’un coup, des individus surgis d’on ne sait où décrètent au nom du peuple sénégalais qu’un tel doit entrer dans notre pays et qu’un tel autre ne saurait y être le bienvenu ! Mieux, nos croisés de l’Islam et nos hérauts de la vertu poussent l’outrecuidance jusqu’à déchirer notre Constitution qui reconnaît non seulement la liberté de réunion, mais aussi celle d’expression et de culte ! Sans compter la sacralité de la propriété privée. Les francs maçons voulaient tenir leur réunion dans un hôtel, lieu privé par excellence ? Nos intégristes ont menacé de brûler l’établissement ! Pour ne pas perdre son bien, le gérant de l’hôtel, propriété de l’Etat faut-il le préciser, a été obligé de demander aux organisateurs des « Rencontres fraternelles humanistes » d’aller voir ailleurs. Peut-être parce que je ne suis pas un aussi bon musulman que nos censeurs et moralisateurs, qui s’arrogent le droit de décerner des brevets de bon — ou de mauvais — musulman, en plus d’être les gardiens des portes du Paradis, peut-être aussi est-ce dû à mon absence de culture, mais enfin, je n’ai jamais pensé que les francs-maçons soient des ennemis de l’Islam ou de quelque religion révélée que ce soit. A ce que je sache même, les maçons ont joué un rôle extrêmement positif dans l’Histoire, ne serait-ce qu’en promouvant l’Education, en prônant les Lumières et en se battant, entre autres, pour l’abolition de l’Esclavage entre autres actions positives. L’Esclavage, justement, que certains sont en train de restaurer en Libye et ailleurs ! Pour le reste, je n’en sais trop rien puisque n’étant d’aucune obédience et n’ayant jamais été un « frère de lumière ». Et puis, pour autant que je me souvienne, au Sénégal ces gens ont toujours exercé leur culte, ou leur philosophie ou leurs rites, sans que cela ait dérangé grand-monde. Je connais des maçons qui sont des gens remarquables, aux antipodes du portrait que nos policiers de la pensée veulent dresser d’eux. Depuis mon plus jeune âge, j’ai vu aux environs du lycée Van Vo un endroit que l’on désignait comme « le temple des francs-maçons » et franchement, cela faisait partie du décor, est réellement intégré et accepté par tout le monde. Y compris par nos grands chefs religieux qui n’ont jamais éprouvé le besoin de prêcher contre les maçons. Ou contre les homosexuels ! Dans leur trop grande sagesse, ces chefs savent que la société sénégalaise, comme toutes les autres du reste, est trop complexe et qu’on y trouve du tout. Ils n’ont jamais rien entrepris qui puisse réveiller la « fitna » dans ce pays où toutes les pratiques ont toujours été recouvertes d’un voile pudique de « soutoura ». Hélas, des individus défenseurs autoproclamés de l’Islam prétendent purifier religieusement ce bon vieux pays d’Islam — mais où les catholiques ne sont pas ostracisés — en excommuniant, en décrétant des « fatwas » vengeresses, en jetant des anathèmes, en stigmatisant. Au début des années 80, le combat de ces gens, c’était contre l’ouverture d’un lieu de culte pour les catholiques à Tivaouane sous prétexte que c’est une ville sainte ! Aujourd’hui, les disciples de Jésus disposent dans la capitale de la Tidjania d’un lieu de prière et ça ne dérange pas les chefs de cette puissante tarikha. Car c’est ça le Sénégal, la coexistence harmonieuse entre les ethnies, les confréries, les religions et même… les partis politiques ! Lesquels ont toujours su se retrouver autour de l’essentiel quand les intérêts supérieurs du pays sont en jeu. Et quelle meilleure forme de cohabitation que celle entre le domicile, à Colobane, du grand marabout mouride Serigne Cheikh Mbacké Gaïndé Fatma et une église évangélique. Deux propriétés mitoyennes qui vivent ensemble côte à côte, chacune pratiquant son culte dans le meilleur des voisinages ! Ce depuis 1960 au moins. Ou cette église à Ziguinchor où sont enterrés à la fois des musulmans et des chrétiens. Autre combat mené— avec succès, hélas !— par certains de nos groupes d’agitateurs pyromanes et intolérants, dans les années 2000 cette fois-ci, la « criminalisation » du trafic de « drogue ». Drogue ? Un bien grand mot ! En réalité, il s’agit du chanvre indien, une herbe dont même la très puritaine Amérique est en train d’autoriser la vente libre dans certains de ses Etats. L’Amérique qui n’a pas hésité à aller appréhender un chef d’Etat étranger — Noriega de Panama — ou le chef d’état major de l’Armée de notre voisin du Sud, la Guinée Bissau, pour les punir de leur implication dans le trafic de la drogue qui détruit sa jeunesse. En légalisant le cannabis, l’Amérique sait bien qu’il ne s’agit pas en réalité d’une drogue. Et en France, une commission vient de préconiser que la consommation de cannabis soit punie d’une simple contravention, comme une infraction du code de la route. Dans notre cher Sénégal, de pauvres diables sont régulièrement condamnés à 10, 15 voire 20 ans de prison pour trafic de « yamba » ! De ce point de vue, les différentes sessions de nos cours d’assises ressemblent à des pelotons d’exécution, tellement nos juges massacrent ces malheureux trafiquants. Et si nos prisons connaissent la surpopulation carcérale que tout le monde dénonce, c’est bien parce que des centaines de gens pris avec quelques cornets de chanvre y purgent des peines de criminels endurcis et multirécidivistes. Que l’on nous comprenne bien : si c’est le trafic d’héroïne ou d’amphétamines qui avait été criminalisé, je n’y aurais pas trouvé à redire. Ce que je dénonce, c’est cette escroquerie qui consiste à faire passer le « yamba » pour une drogue « dangereusissime » et à criminaliser donc son trafic ! On se demande, du reste, pourquoi nos organisations de défense des droits de l’homme ne s’intéressent pas à ce combat-là… Parce qu’il n’est pas une priorité de leurs bailleurs de fonds occidentaux ? En toute chose, il faut de la mesure. Ce qui a fait la force du Sénégal et constitue sa marque de fabrique, c’est sa tolérance, le caractère pacifique de son peuple, l’ouverture et la tradition d’hospitalité de celui-ci. Et cela, ça vaut toutes les richesses du monde et est plus précieux que le pétrole et le gaz découverts au large de nos côtes et dont on nous rebat les oreilles. Cette richesse inestimable qu’est la tolérance, il convient de la préserver contre les menées obscurantistes et démagogiques de quelques illuminés qui prétendent défendre notre religion, l’Islam. L’Islam dont les plus grands ennemis en ce moment sont, hélas, ces gens qui égorgent des imams, dynamitent des mosquées, mitraillent des fidèles au nom d’une conception moyenâgeuse de la religion du Prophète Mohammed (Paix et Salut sur Lui). Laquelle est, comme tout le monde le sait, une religion de paix. Pour parler de notre pays, certes, au nom de la démocratie, ces activistes censeurs autoproclamés du peuple sénégalais qui s’agitent ces temps-ci ont le droit de manifester leurs opinions ! Mais la majorité silencieuse a le devoir de réagir pour montrer sa désapprobation lorsqu’ils écornent l’image de havre de paix qui a toujours été celle du Sénégal…

Mamadou Oumar NDIAYE
« Le Témoin » quotidien sénégalais

PS : Selon Bennoo Bokk Yaakar (BBY), en appelant à manifester pour montrer qu’elle est « rouge de colère », l’opposition agirait contre les traditions du peuple sénégalais. Ce n’est pas tout à fait vrai puisque manifester à l’occasion de la visite d’un président français n’est pas une première. Je me rappelle en effet qu’à l’occasion d’une visite du président jacques Chirac au Sénégal, en 1995, le même Pds avait non seulement appelé à manifester mais était passé aux actes. Ses militants arboraient des tenues « jaune-bleu », criaient « Sopi » et brandissaient des pancartes et banderoles tout en distribuant des prospectus jaunes. Le président Abdou Diouf avait laissé faire. Bien entendu, les « jaune-bleu » avaient été noyés sous le vert des socialistes. A l’époque, l’envoyé spécial du « Monde » avait écrit que « malgré les démonstrations bruyantes de l’opposition, le président Chirac n’est pas convaincu par le multipartisme et pense que ce qu’il faut à l’Afrique c’est le parti unique multidendanciel ! » Je cite de mémoire, bien sûr. Pour dire que contrairement à ce que soutiennent les thuriféraires de Bennoo, la manifestation projetée par Oumar Sarr et compagnie n’est pas une première… Que le « marron-beige » noie le « rouge » et qu’on n’en parle plus !



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