ANALYSE

République de Djibouti : Laisser la politique en dehors de l'éducation pour sauver nos enfants !


Alwihda Info | Par Farah Abdillahi Miguil - 8 Mai 2018


« Il y a 15 ans, nous avons pris la décision politique de laisser la politique en dehors de l'éducation. Et aujourd'hui, tous les secteurs du système éducatif sont là pour garantir l'apprentissage des élèves, ce qui signifie qu'ils font tout simplement leur travail. déclare le maire de Sobral, petite commune pauvre de l'Etat du Ceara, situe au Nord -Est du Brésil.» (Source article publié en avril 2018 par un blog de la Banque Mondiale et écrit par Jaime Saavedra)


Cette petite commune est passée en quelques années du bas du classement national à la première place en matière d'acquis scolaires. Ce n'est pas sorcier la recette est simple. Oui, c'est vraiment simple lorsqu'il y a une volonté politique derrière.

Il s'agit de faire en sorte que chaque membre du système éducatif fasse simplement et honnêtement son travail.

Que chaque acteur soit pleinement conscient que son travail a un impact direct et capital sur ce que les élèves apprennent et/ou sur le fonctionnement général du système.

Que les spécialistes de la pédagogie élaborent des programmes adaptés et utiles aussi bien aux enseignants qu'aux élèves en faisant un effort de réflexions tout en évitant les copier-coller inutiles et nuisibles.

Que le recrutement des enseignants se fasse selon le mérite en dehors de toute considération tribale, communautaire, de copinage et de services rendus.

Que les promotions et les nominations se fassent selon des critères de compétences pédagogiques, managériales et institutionnelles axés sur le mérite et la capacité à gérer des situations de plus en plus complexes.

Depuis bientôt 20 ans voire 25 ans sinon plus, notre école est devenue une voie de garage où le simple citoyen djiboutien manifeste beaucoup de mépris vis-à-vis de la qualité du produit de notre système éducatif. La fonction enseignante a perdu beaucoup de sa dignité et de son aura. C'est pour cela qu'une grande majorité de nos compatriotes chevronnés ont fait le choix des affres et de la souffrance de l'exil.

L'administration n'est plus ce qu'elle était. Les convocations se font par SMS et à la dernière minute. Il n'est pas rare de recevoir une convocation par SMS à 23h du soir pour une réunion le lendemain à 8h. La planification, la prévision et la programmation sont jetées aux oubliettes. Celles et ceux qui ont un minimum d'exigence et d'abnégation pour faire leur travail sont pointés du doigt. C'est comme si la rigueur et le sérieux sont des tares qu'il faut vite se débarrasser. L'échelle des valeurs et des promotions est inversée. On promet le ridicule, le pitre, la paillasse, le bouffon et le médiocre au dépend du sérieux, de la rigueur et de l'excellence. Ne soyons pas choqués que si les animations et le folklore occupent de plus en plus de places au ministère de l'Education.

Cette forme « d’assassinat » programmée et planifiée de notre école risquerait d’être l’élément déclencheur d’un état d’irréversibilité d’une conscience citoyenne sans boussole. En effet, il n'y a rien de plus dangereux et de plus risqué pour un pays lorsque les citoyens n'ont plus confiance aux institutions. Faire semblant en se voilant la face est suicidaire et dangereux. Et je ne suis pas sûr que certains tireront, à l'avenir, leurs épingles du jeu car lorsque le feu se déclenche, il ne fait pas de quartier.

Il est temps d'interroger notre conscience et de nous poser les vraies questions en méditant sur ces mots de Norbert Zongo :

«Face à la gabegie et à l'affairisme de la politique politicienne des responsables africains, qui préfèrent assurer leur avenir que celui de leur pays, doit-on se taire, s'emmurer dans un silence pour éviter les foudres de leur colère, .... (...) il y a longtemps que le sauve-qui-peut a gagné bien des consciences. (...)
Mais on ne peut éviter de se poser certaines questions que si on s'abstient de répondre à d'autres : quel est l'avenir de nos enfants quand celui de tout le pays est hypothéqué? Nos enfants pris individuellement auront-ils la sécurité et le confort garantis seulement avec ce que nous leur laisserons comme bien quand la horde des sans-abris, des sans emploi, des affamés ... des sans-avenir se dressera pour réclamer son avenir avec les armes de la haine?
Quel est l'avenir de nos fils quand le silence et la complicité de leurs parents ont anéanti l'avenir des fils des sans-avenir? » (L'Indépendant du 2 juin 1994)

Est-il possible de sauver du naufrage ce bateau ivre qu'est devenue notre école? Oui, il est encore possible car ce pays regorge encore d’hommes et de femmes d’intégrités morales, d’expériences et de valeurs qui refusent de franchir certaines limites à la fois indécentes et préjudiciables à l’avenir de notre système éducatif.

Farah ABdillahi Miguil

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