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Tchad: Arche de Zoé, le 'deal' non avoué


Alwihda Info | Par - ҖЭBIЯ - - 12 Mai 2008


L’enlèvement d’Ibni Oumar par la garde présidentielle tchadienne atteste une nouvelle fois des méthodes expéditives et sanglantes, utilisées depuis 1990 par Idriss Deby. Quelques jours seulement avant sa tragique disparition, Ibni Oumar avait, dans une communication présentée lors d’un séminaire international à Dakar sur les processus de démocratisation en Afrique, mis en exergue les turpitudes du régime de Deby. Il s’exprimait en ces termes : « En usant alternativement et conjointement de la manipulation, de la corruption et de l’intimidation, le Président de la République (Idriss Deby) peut tout contrôler, au point de vider à volonté les lois et règlements de leur pertinence, et de pervertir tout processus électoral… » C’est très certainement cette liberté de ton, vertu minimale dans un système pluraliste qui lui a certainement valu de subir la répression implacable du maitre de Ndjamena.


Tchad: Arche de Zoé, le 'deal' non avoué

Par Albert BOURGI, Professeur à l'Université de Reims

Arche de Zoé : le « deal » non avoué

Comme il l’avait proclamé sans détour lors de son premier voyage à Ndjamena, en novembre dernier, Nicolas Sarkozy a finalement tenu, une fois n’est pas coutume, son engagement à ramener « à la maison » les membres de la pitoyable équipée humanitaire de l’Arche de Zoé dont on n’a pas fini de découvrir toutes les zones d’ombre A défaut d’être revenu avec tous les humanitaires à la petite semaine, à l’exception des membres espagnols de l’équipage de l’avion que devaient emprunter les 103 « orphelins » du Darfour, et de deux accompagnateurs français et belge, le Chef de l’Etat français a su très vite trouver les moyens de convaincre Idriss Deby d’amnistier tous les membres de l’Arche de Zoé qui purgeaient en France des peines prononcés par la justice tchadienne. En retournant une nouvelle fois et pour quelques heures à Ndjamena, le 27 février 2008, Nicolas Sarkozy ne pouvait guère douter de sa capacité de persuader son « obligé » tchadien. Pouvait-il même en être autrement, quelques jours seulement après que l’armée française ait, une fois de plus, sauvé la mise d’un président « bunkérisé » dans son palais et totalement isolé, tant militairement que politiquement.

Point n’est besoin d’insister sur les arguments avancés par le gouvernement français pour récuser toute intervention directe de son armée pendant les affrontements entre la garde présidentielle tchadienne et les rebelles, et s’en tenir à la version officielle du seul soutien logistique. Ils reprennent, à quelques nuances près, les litanies auxquelles la politique interventionniste de la France en Afrique a toujours eu recours, même lorsqu’elle s’abrite, et c’est là un registre inauguré en Côte d’Ivoire, derrière les dispositifs internationaux, en l’espèce le Conseil de sécurité de l’ONU. Quant aux références aux notions de légalité et de légitimité pour justifier ce qu’il faut bien appeler une « neutralité » très active sur le terrain (un soutien logistique, notamment sous la forme d’un ravitaillement en munitions !), elles ont bien du mal à s’appliquer dans le cas du Tchad avec un Président arrivé au pouvoir par les armes en 1990, et qui depuis lors n’a jamais montré le moindre respect pour le suffrage universel. .

De toute évidence, et cela a déjà été souligné à de multiples reprises, les turpitudes ont toujours caractérisé les relations franco-tchadiennes. Mais ce trait est encore plus marqué lorsqu’on sait que le nouveau « deal» passé entre Paris et Ndjamena, et dont l’absolution des membres de l’Arche de Zoé est l’illustration la plus caricaturale, passe par pertes et profits la disparition du chef de la coordination de l’opposition politique, Ibni Oumar Mahamat Saleh, dont on est sans nouvelles depuis qu’il a été enlevé au début du mois de février 2008 et sans doute torturé par les sbires de Idriss Deby. La ligne de défense des responsables politiques français sur ce sujet consiste à se retrancher derrière les efforts déployés pour retrouver et accueillir en France deux autres responsables politiques, arrêtés en même temps qu’Ibni Oumar, dès l’entrée des rebelles dans la capitale tchadienne.

Nicolas Sarkozy et son Ministre des Affaires étrangères, se sont satisfaits à ce jour d’avoir obtenu la mise en place d’une commission nationale chargée d’enquêter sur « les événements de Ndjamena …. Autant dire que cette initiative, même si elle a été complétée depuis, par la proposition du Secrétaire général de l’organisation internationale de la Francophonie (OIF) de créer une seconde commission internationale, ne laisse rien augurer de bon. C’est du même registre de la diversion politique fortement suggérée par Paris que relève la énième entrée au gouvernement de pseudos opposants totalement disqualifiés dans leur pays.

L’enlèvement d’Ibni Oumar par la garde présidentielle tchadienne atteste une nouvelle fois des méthodes expéditives et sanglantes, utilisées depuis 1990 par Idriss Deby. Quelques jours seulement avant sa tragique disparition, Ibni Oumar avait, dans une communication présentée lors d’un séminaire international à Dakar sur les processus de démocratisation en Afrique, mis en exergue les turpitudes du régime de Deby. Il s’exprimait en ces termes : « En usant alternativement et conjointement de la manipulation, de la corruption et de l’intimidation, le Président de la République (Idriss Deby) peut tout contrôler, au point de vider à volonté les lois et règlements de leur pertinence, et de pervertir tout processus électoral… » C’est très certainement cette liberté de ton, vertu minimale dans un système pluraliste qui lui a certainement valu de subir la répression implacable du maitre de Ndjamena.

Albert BOURGI
Professeur de droit public
A l’Université de Reims


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