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Tchad : Deuxième partie de l'entretien exclusif avec Succès Masra, Leader des Transformateurs (Partie 2/4)


Alwihda Info | Par - 2 Novembre 2019


« Rien n’est impossible (…) chacun peut rêver, si moi qui venais du village, m’étais mis des barrières, je ne serai jamais arrivé là où je suis » ; « Je dis aux gens que si ça doit prendre 3 ans ou 30 ans, nous sommes prêts pour cela » ; « Les gens nous demandent où tirons-nous nos moyens ? Nous disons que c’est grâce aux ressources que les gens mettent (…) la première des ressources est la ressource humaine (…) pas l’argent. Ce sont les hommes et les femmes. Si les gens croient dans un projet, et je crois que beaucoup de tchadiens et tchadiennes croient en ce projet, ils y contribuent » ; « Notre continent souffre de manque d’hommes et de femmes d’État, c’est ça que nous devons projeter comme vertu » ; « Chacun des cadres ici s’est engagé vis-à-vis de moi avec un contrat de performance (…) Si vous êtes un médecin et que vous avez une clinique alors examinez trois, quatre, cinq, dix personnes, soignez-les gratuitement et à la fin dîtes leur que vous êtes un transformateur »


Après la publication le 23 octobre dernier de la première partie de notre "dossier entretien" avec Monsieur Succès Masra, Président du Parti politique Les Transformateurs (lien vers la première partie), la rédaction d'Alwihda Info vous propose de lire cette semaine la deuxième partie (dossier 2/4) de cet entretien exclusif .

Cette cause que vous croyez noble et plurielle que vous défendez et que tous les tchadiens doivent défendre, doit nécessairement passer par un processus qui nécessite une personne, un candidat qui défend tout le monde. Dans les différentes rencontres que vous avez eues avec les différents chefs de partis politiques tels que Dadnadji, Alhabo, Kebzabo et d’autres… est-ce que vous ne prévoyez pas une unité ? Est-ce que l’égo de chaque chef de parti politique ne porterait pas préjudice à cette volonté d’unité politique ?

La question concrète est : êtes-vous prêts à organiser une sorte d’élections primaires avec les autres partis politiques de poids pour désigner un candidat présidentiable et battre campagne aux futures élections présidentielles ?
 
Vous savez… et principalement pour les élections présidentielles puisque ça ne pose aucun problème pour les élections législatives… Vous savez, nous sommes un parti du 21ème siècle. Le seul parti à avoir une application. Nous travaillons à avoir un mécanisme qui peut permettre à tous les partis de centraliser leurs résultats. S’il y a internet et qu’on a des représentants partout. Dans la journée les gens peuvent filmer et centraliser les votes. Celui qui contrôlera les résultats pour Les Transformateurs pourra contrôler aussi pour les autres partis. Même le parti au pouvoir s’il veut que l’on contrôle les vrais résultats pour lui on n’a pas de problèmes pour cela. Nous sommes des républicains au service de la république donc celle de la vérité. Vous savez, nous avons aucun problème mais en fait c’est même de réunir des hommes et des femmes au-delà de la sphère politique. C’est de les emmener à comprendre l’enjeu.
 
Je pense qu’il y a aussi un enjeu générationnel, intergénérationnel, de transition aussi qui doit s’opérer. C’est fondamental et il faut avoir un minimum de sagesse pour l’avenir. Certains devront pouvoir accompagner cela. Être capable de comprendre la dynamique d’avenir et puis finalement de servir là où ils devraient pouvoir servir. Nous n’avons pas de problème pour tout cela. Nous ne pouvons pas être un parti de regroupement de l’opposition pour quelque chose. Il y a même des gens considérés comme issus de la minorité gouvernante dois-je dire mais qui comprennent ces enjeux-là et sont aussi des républicains. Qui sont noyés dans les peurs, dans des éducations, dans des considérations gastronomiques, etc.
Il ne faut pas insulter tout cela, c’est fondamental pour certains mais derrière, nous voulons dire que ceux-là aussi doivent avoir un élan patriotique qui va au-delà du… Courage…voilà ce courage qui doit nous permettre cette audace que nous avons au début de notre devise. Nous devons nous poser la question. Quel est le dénominateur commun ? C’est quoi le minimum républicain ? Ceux qui veulent aller dans ce sens-là, nous autres n’avons pas de problème pour cela. Je dis aux gens qui si ça doit prendre 3 ans ou 30 ans, nous sommes prêts pour cela.
Nous ne sommes ni dans la précipitation, ni dans l’hésitation. Demain matin s’il y a un changement, nous avons un gouvernement et nous sommes prêts et si ça doit prendre plus de temps, nous n’avons pas de problème, à condition de bien faire les choses et pour l’avenir. C’est là l’enjeu et certains qui ne comprendront pas cela vont s’inscrire dans une sorte de « sortie de route de l’histoire » et je leur dis à cela d’être capable de saisir l’opportunité d’avenir et nous autres nous venons avec cet esprit-là…
 
Mais Monsieur Masra vous êtes d’accord qu’il faut aussi une démocratie initiée et commencée au sein d’un parti politique. On peut revenir sur les faits historiques, nous avons certains partis politiques qui sont en activité depuis des dizaines d’années et qui nous disent que le Président de la République est là depuis 30 ans alors qu’il n’y a jamais eu d’alternance au sein même de ces partis politiques. Qu’est-ce que vous en pensez ?
 
Bon, le Président Lol l’a organisé, paix à son âme… C’est pour cela que je dis certains… exactement, mais oui votre question reste très très très pertinente. C’est pour cela que nous essayons d’être cohérent. La cohérence c’est fondamental. On a demandé dans le dialogue national pour un nouveau départ (DNNP), une clause colonne vertébrale portant sur la limitation de mandats au nombre de deux de cinq ans. Que vous soyez le génie envoyé du ciel vers la terre, à n’importe quel poste électif, et cette vertu de renouvellement, d’alternance est à la démocratie ce que l’oxygène est au corps humain. Si vous absorbez l’oxygène et que vous consommez cette même quantité, vous allez continuer à consommer du dioxyde de carbone et vous allez finir par en mourir. Il faut de l’oxygène additionnelle. Ce sont des énergies nouvelles. L’alternance fait partie des vertus de la démocratie.
 
Il faut l’installer dans les partis politiques. Je ne veux pas faire d’injonction dans les partis politiques, je veux parler pour ce que nous nous connaissons chez Les Transformateurs. Un mandat de 5 ans maximum et vous vous en allez. Parce que dans les contrats de performance dont je vous en ai parlé, tous les leaders transformateurs qui signent avec moi ont une obligation de former ceux qui les substitueront. Non pas seulement au moment où ils vont partir, mais même par exemple s’ils sont malades. Vous devez être capable de vous dupliquer dans les autres. Nous voulons faire de cela un réflexe pour tout le monde. Je leur dis si moi après deux mandats par exemple à la tête des transformateurs et que, j’espère ne pas avoir besoin d’aller jusque-là, si je suis encore indispensable, ça veut dire que j’ai échoué. Dans ton contrat de performance, ta capacité à te régénérer dans les autres, c’est fondamental. Les autres collègues je leur dis avec bienveillance qu’ils confondent le leadership et statut. Un leader ce n’est pas forcément être président d’un parti. Vous en êtes fondateur, vous avez parlez tout à l’heure des associations et autres que j’ai dirigées. J’ai démissionné de la tête de ces associations et je peux vous dire qu’il y a certains qui m’ont succédé et sur certains aspects, ils font même mieux que moi et j’en suis fier. Ils n’ont jamais effacé mon nom de ce qui a été fait, il reste gravé et je suis président d’honneur. Il y a une sorte de moralité sur ces choses-là. Nous n’avons pas besoin de demeurer président d’un parti pour avoir l’aura nécessaire. Ceux-là confondent la notion de statut et de leadership parce que cette dernière notion n’est pas du tout un statut mais un rôle qui peut être majeur même si vous n’êtes pas à la tête du pays. C’est pour cela aussi que certains chefs d’États dans notre pays et sur le continent africain, parce que vous avez dit que notre démarche est aussi continentale, n’ont pas compris qu’on peut être chef d’État mais sans être un homme d’État.
 
Notre continent souffre de manque d’hommes et de femmes d’État, c’est ça que nous devons projeter comme vertu. Ceux qui veulent voir cela chez Les Transformateurs, c’est entériné… la fameuse distinction entre un homme politique et un homme d’état. Oui voilà, nous voulons mettre cela dans la Constitution. Parce que vous savez la crédibilité aussi des hommes politiques, c’est la raison pour laquelle d’ailleurs nous voulons en faire une clause colonne vertébrale, avant il y avait la limitation des mandats mais quand on s’approchait de la limite, il l’a sauté, il révise la constitution et il remet le verrou. Hier il l’a sauté ce verrou, qu’est-ce qui nous dit qu’il ne le sautera pas une nouvelle fois ?
 
Les tchadiens le savent et le comprennent. Pour enlever tout cela, nous voulons mettre en place une clause colonne vertébrale, tout acteur qui s’engage, a une responsabilité.
Tu signes ça en préambule et il y a un engagement qui s’appelle colonne vertébrale et tu t’engages à ne jamais revenir sur cela ni par référendum, ni par motion ni par quoi que ce soit. C’est une révolution parce que ça n’existe pas sur le continent africain. Vous savez ce que les gens font ? Ils mettent dans la constitution des clauses intangibles. Mais vous alors ? nous c’est une clause colonne vertébrale, républicaine selon laquelle, avant de déposer ton dossier de candidature, c’est mentionné dessus, qui que tu sois. Si tu as été brillant tu dois être capable de créer des conditions pour que les gens qui te succèdent reprennent le flambeau.
 
Si tu n’as pas fait cela, tu es un mauvais leader. Vous imaginez la révolution qu’on est en train de mettre en place et qu’on duplique cela à l’échelle du continent africain ? Les clauses colonnes vertébrale, qu’on change de république, de constitution, de gouvernance, qu’on fasse quoi que ce soit, ces clauses-là, avant de t’engager dans la vie publique, tu signes cela. Tu ne vas pas engager les gens par internet, par référendum ou par enchantement. Un mauvais coach est celui qui emmène une équipe pendant des décennies à une compétition et qui à la fin ne se pose jamais la question de savoir si le problème n’est pas un problème de coach. C’est donc aussi cela et c’est une révolution que nous sommes en train de proposer aux tchadiens. C’est donc à vous aussi d’être capable de porter ces différences-là avec l’objectivité et dans un débat contradictoire. J’ai toujours demandé devant la nation, de porter ce débat contradictoire-là avec les gens sur cela. Il nous fuit, je ne sais pas pourquoi et pourtant nous n’avons pas d’épines, etc… Nos compatriotes qui sont en rébellion, nous voulons bâtir le Tchad de demain avec eux y compris ceux qui sont à l’extérieur…Nous reviendrons sur cette question-là… Voilà donc en créant ces conditions-là, nous permettons à tout le monde de rentrer.

QG du parti Les Transformateurs
QG du parti Les Transformateurs
Ce sont les deux dernières questions de cette partie de l’entretien…je vais alors commencer par la dernière qui pourrait peut-être moins vous inciter à vouloir me faire sortir de votre bureau (rires)… Bon…non je suis bienveillant ne vous en faites pas (rires). Vous incarnez un peu de par voix choix et positions politiques, Emmanuel Macron, qui a créé en quelques sortes une éruption volcanique dans le paysage politique français avec un mouvement ayant rassemblé autour de lui toutes les sensibilités politiques et de la société civile. Est-ce que vous, vous ne seriez pas inspiré par une telle stratégie politique de sorte à bouleverser le paysage politique tchadien ? 
 
Oui, alors Emmanuel Macron a bouleversé la vie politique française, nous nous voulons transformer la vie politique tchadienne. Ce sont donc deux mondes différents mais je vous ai dit tout à l’heure en amont qu’un homme ou une femme se bâti au gré de ce qu’il a vu, ce qu’il a observé, ce qu’il a analysé. Les gens parlent de présidents jeunes.
Le président Macron a été peut-être le président le plus jeune de la France. 
Le plus jeune sous la cinquième république oui… Nous nous avons eu Thomas Sankara, il avait 34 ans quand il a pris le pouvoir, je vous renvoie à un article d’un de vos confrères qui parle de ceux qui ont dirigé nos pays. Nous nous avions Goukouni qui avait 35 ans par exemple. En tout cas, l’enjeu est le progressisme, nous avons mis cela au frigo au Tchad. Le Président Macron et les autres, c’est le progressisme. On a aussi dit du Président Macron qu’il s’est inspiré d’Obama. Moi-même ici, j’ai différentes sources d’inspirations. On s’inspire toujours de partout mais il ne faut pas se cristalliser là-dessus parce que les contextes sont différents etc… mais le progressisme est une promesse faîte par les tchadiens dès l’indépendance du pays. Vous savez où ça se trouve ? Dans la devise… le progrès… il ne tombera pas du ciel. Il doit venir de nous tous. Il n’y a pas de progrès sans l’unité. Les tchadiens se sont fait la promesse de l’unité et ensuite de travailler ensemble. Le meilleur de chacun. Le progressisme n’est pas né en France, le progressisme est partout. Le synonyme de la transformation c’est le progrès.
 
Ce que vous proposez aux tchadiens est quand même assez différent par rapport aux autres partis politiques… vous proposez des solutions et en discutez mais vous ne vous cantonnez pas dans ce conservatisme de vos idéaux… vous allez même vers les autres partis politiques pour proposer une certaine synergie…
 
Absolument et c’est fondamental. Nous avons parlé à la société, la première chose que Les Transformateurs ont créé c’est le café des Transformateurs. Du coup, il a fallu consulter les gens. Ici de mon téléphone je me connecte et je peux savoir qui propose quoi ou bien qui a proposé quoi, sur quel projet, sur quel aspect donné. J’essaie de vous montrer cela en live. Est-ce sur l’application ? Oui c’est même sur notre application qui permet à n’importe quel tchadien de pouvoir proposer des choses. Allez, je vous propose de vous montrer cela en live.

J'écris par exemple « Haggar », je vois alors là toutes les personnes au nom de « Haggar » qui ont fait des propositions. Vous pouvez voir sur mon écran « Mahamat Nour Abderammane Haggar » écrire « unir la nation tchadienne vers le développement durable et progressive », ou encore « égalité pour tous » par « Haggar Abdallah », si je tape « Eric Djimounta », il dit « je suis à Ouagadougou, voici mon numéro si vous voulez discuter un peu plus avec moi », il dit ensuite « l’agriculture et l’élevage moderne (…) énergie accessible à plus des 85 % des citoyens dans les cinq premières années, système éducatif…. Développement des PME…accès à l’eau ». Vous savez donc que si vous avez plus de 10.000 adhérents vous avez plus de 10.000 propositions. Quels sont les partis qui ont fait cela ? C’est plus qu’une seule salle qui peut contenir les gens qui ont adhéré en ligne. Nous avons lancé l’application et il y a plus d’un millier de gens qui sont en train de télécharger. Parce que c’est tout à fait révolutionnaire. Au-delà des technologies c’est la méthode, c’est la co-construction. Être transformateur ce n’est pas attendre juste le pouvoir, c’est être acteur tous les jours.
 
Vous appuyez sur cette question-là, vous avez construit des choses et menés différentes actions sociales notamment dans des villages, vous êtes suivis et vu et vos actions parlent d’elles-mêmes, la question qui est importante est d’où trouvez-vous les fonds pour pouvoir œuvrer de cette façon ? 
 
Merci beaucoup de me poser cette question, c’est l’occasion de dire à tous les compatriotes qui veulent aider Les Transformateurs de nous aider. Nous avons mêmes nos numéros Airtel money et Tigo cash avec qui nous avons signé des conventions sans publicité. Les numéros sont 60 57 91 57 pour Airtel et 90 68 70 78 pour Tigo. Ceux qui veulent même adhérer en ligne et qui ont 2 euros, ils les mettent.
 
Nous sommes dans une logique de copropriété. Avant de se sentir copropriétaire du Tchad, il faut se sentir copropriétaire de son organisation politique en fonction de sa capacité. La femme qui vend au marché et bien ces deux derniers morceaux-là, elle met un 50 francs pour le parti. Vous avez-vu la verdure-là devant l’entrée ? Oui. C’est une femme qui l’a fait, un autre jardinier transformateur est venu aussi y travailler. Quand il y a une coupure, vous savez qui vient réparer ? Ce sont des transformateurs électriciens, les applications, c’est un des transformateurs qui a réalisé cela. On ne s’est jamais vu avec lui, il est basé au Ghana. Chacun donne en fonction de ses capacités. Ceux qui ont travaillé à l’international comme votre modeste serviteur, et bien ils ont eu peut-être la possibilité de construire un immeuble et bien ils le mettent à la disposition du parti. Il y’en a qui n’ont pas la possibilité et bien que font-t-ils ? Ils viennent former les autres. Il y en qui n’ont pas la possibilité de donner quelque chose alors que font-t-ils ? ils paient leur clando pour venir participer aux formations et puis d’autres des transformatrices, elles vendent des produits « Chébé » pour les cheveux de nos sœurs, elles vendent cela pour dégager un peu de moyens. Vous avez vu la machine derrière moi, c’est la machine de cartes d’adhésion des membres des transformateurs que je peux vous montrer-là, ça a été envoyé par l’un des membres des Transformateurs qui se situe aux États-Unis. Il y avait un autre qui a travaillé dans les compagnies comme HP, et il nous a envoyé 6 ordinateurs. Une autre transformatrice qui est artiste et qui est allé là-bas pour ses activités et à son retour elle a réservé une de ses valises pour mettre les ordinateurs dedans et quand ça arrive ici, les transformateurs ingénieurs mettent leurs talents en commun pour installer tout cela.
 
Ceux qui sont à l’extrême-sud, à l’extrême-nord, etc, ou dans une partie du pays, si vous allez par exemple à Faya, si je veux savoir le nombre de transformateurs là-bas, ceux que je trouve et qui ont adhéré en ligne savent utiliser internet, ils ont une adresse mail et savent utiliser Whats app, un transformateur de Faya, dans la continuité de notre exemple, prend son téléphone et peut faire adhérer plusieurs personnes. Ce qui veut dire que sans se déplacer, sans un meeting, nous sommes capables d’enregistrer 200, 300 personnes etc (dans une localité)… Je ne dis pas cela pour révéler notre stratégie mais nous disons que c’est grâce aux ressources que les gens mettent. Les gens nous demandent où tirons-nous nos moyens. Nous disons que c’est grâce aux ressources que les gens mettent. Vous savez, la première des ressources est la ressource humaine. Ce n’est pas l’argent. Ce sont les hommes et les femmes. Si les gens croient dans un projet, et je crois que beaucoup de tchadiens et tchadiennes croient en ce projet, ils y contribuent. Nous lançons un appel national, par une caravane notamment, par le biais de votre micro aussi pour que nous puissions acheter des bus et faire une caravane des Transformateurs dans tout le Tchad. Tous ceux qui peuvent y contribuer nous les invitons à le faire. Il y a des commerçants qui viennent demander notre numéro de compte et ils vont en banque, je découvre seulement via la trésorière que quelqu’un est allé déposer telle somme alors qu’on ne connaît même pas l’identité du donateur mais il dit parce que « je crois dans votre vision » et il verse. Vous vous rendez compte, lorsque vous avez cela, ça vous parle dans le cœur…c’est puissant… Oui c’est puissant, ils n’attendent même rien et ils ne veulent même pas être reconnus ce ne sont pas des clients. Lorsque l’on m’a tiré dessus, c’est l’un des médecins des Transformateurs qui m’a pris en soin ici et c’est un autre qui m’a acheté un billet d’avion pour aller me soigner et c’est un autre qui m’a pris des rendez-vous pour que j’y aille. Les gens pensent que j’ai beaucoup d’argent pour réaliser tout cela mais non, c’est grâce à toute une chaîne de gens qui croient dans un projet et qui veulent travailler afin de faire en sorte que ce projet devienne une réalité et c’est cela que nous voulons voir à l’échelle nationale. Puis même dans notre application, les gens peuvent faire un don en nature avec un sac d’haricots par exemple. Nous avons un service de collecte qui s’en charge. Puis maintenant le gens adhérent et paient la carte d’adhésion et ça nous permet de générer des revenus. Ceux qui ont un talent informatique se chargent des infographies.
 
Qu’en est-il des juristes (rires) ? comment peuvent-ils vous aider ?
 
Mais… les juristes vous avez fondamentalement votre rôle, notre plus grand combat d’ailleurs pour les tchadiens, c’est le combat juridique. Notre constitution légale l’a été grâce à des juristes qui nous ont aidé. Dans nos équipes de conseillers, il y a beaucoup de juristes. D’ailleurs tous ceux qui ont le talent de communiquant, il est tchadien, il est dans un journal, il croit dans la vision. Chacun a ce rôle à pouvoir jouer. Nous avons des groupes de médecins transformateurs, il y a des groupes de juristes sur comment réformer nos institutions. Nous avons une vice-présidence chargée de la gouvernance et des réformes juridiques et institutionnelles chargée de ces questions-là. Il y a des gens chargés de la diversification économique. Notamment sur les forces de sécurité, comment transformer notre diplomatie, la rendre plus active. Sur l’ensemble des sujets qui couvrent notre pays, il y a des dizaines de groupes, architectes transformateurs, ingénieurs civils, il y a des inventeurs parmi nous.
 
Un jour au café des Transformateurs, on a eu un docteur tchadien en chimie nucléaire, vous vous rendez-compte ? Bon on n’a pas un projet du nucléaire au Tchad mais vous voyez des gens comme-ça sur le plan civil ! Vous voyez le talent ? Et puis dans la diaspora, quand je faisais les tournées pour le dialogue de la transformation, certaines personnes peuvent aider dans les idées et ça n’est pas rien. Le monde d’hier et d’aujourd’hui a été gouverné par des idées. Dans la diaspora, quand on part rencontrer les citoyens, les gens pensent à tort qu’on se balade ! Il y a un acteur politique même qui a dit un jour « mais Masra pourquoi tu perds ton temps avec les gens de la diaspora, ils ne sont pas nombreux et ils ne représentent même pas un quartier ». Je dis qu’il n’a rien compris. Dans la diaspora, on cherche le qualitatif. Si vous ouvrez l’application, il y a des gens au Koweït, en Arabie Saoudite, au Pakistan, en Inde, en Chine…. On a lancé une activité « un tchadien, un drapeau », il y a ceux qui donnent 10.000 FCFA et ils disent que cette somme est réservée aux drapeaux. Comme chacun a le droit d’affecter les ressources qu’il donne alors on lui fait un compte rendu. Au final, ce sont ces petites ressources qui permettent de réaliser de grandes choses.
 
C’est comme cela que ça marche et au-delà de tout cela, et c’est l’occasion de lancer un appel, nous voulons aussi faire dans le volume, nous voulons aussi tous ceux qui veulent aider, commerçants, entrepreneurs, tous ceux qui veulent investir dans l’Afrique, que vous soyez africain ou non, il n’y a aucun problème avec cela. En tout cas, nous sommes prêts à pouvoir les voir venir en appui. Chacun peut donc contribuer et puis comme des fourmis… vous savez quand vous voyez des termites et qu’ils font des choses, parfois vous vous demandez comment ils ont fait. Je vous donne un exemple, sur 50.000 personnes, si chacun donne 1.000 FCFA, ça fait combien ? 50.000.000…
 
50.000.000 sur la tête d’une personne mais 50.000.000 répartis entre 50.000.000 personnes c’est 1.000 francs et soit moins de 100 francs par mois. C’est à dire que si on a un système de collecte qui permette même de collecter 100 francs par adhérent par mois sur une année…Je le dis aussi par humilité pour que les gens comprennent que (…) vous savez ici vous êtes dans un système où les gens peuvent puiser dans les ressources de l’État. Pour faire des compagnes, vous n’avez jamais suffisamment d’argent, vous ne pouvez pas compter uniquement sur votre argent pour vous battre, vous devez compter sur les idées et la connexion avec le cœur.

Meeting des Transformateurs
Meeting des Transformateurs
Oui mais de l’autre côté, il y a peut-être beaucoup de moyens et peu d’idées donc il y a aussi une péréquation… 
 
Voilà, c’est la péréquation qui fait et puis voilà nous y allons. Tous ceux qui ont donc leurs 1.000 francs ou leurs 10 dollars, ou leur 5 euros qui chôment, ça peut acheter deux drapeaux. Vous savez les clandomans, les clandomans, il y en peut-être plus du millier qui sont transformateurs. 1.000 clandomans qui donnent chacun 1.000 francs, c’est 10 millions. L’électricité aussi, c’est 50.000 francs par mois et donc au moins 500.000 par an, et l’internet aussi au moins 500.000 francs par an. Avec donc la cotisation seulement des adhérents, on a l’électricité et internet pour une année et certains qui savent faire les montages vidéo, le font gratuitement, il y a beaucoup de jeunes etc.
 
Vous voyez donc, voilà l’enjeu, c’est tous ensemble, les énergies ensemble. Nous expérimentons déjà le Tchad dont nous rêvons. Quand les gens viennent, si un électricien vient là, vous vous préoccupez de savoir s’il est chrétien ou musulman ? Vous vous en tapez !

C’est tout aussi pareil, c’est la compétence, les propositions sont complètes et bonnes alors c’est bon. Ça montre aussi aux gens la dynamique. On a des contrats de performances. Les cadres des transformateurs ont des contrats de performance. Si demain on veut avoir des ministres avec des objectifs et des résultats, alors il faut un contrat de performance qui soit un engagement. Chacun des cadres ici s’est engagé vis-à-vis de moi avec un contrat de performance, sur l’adhérence des gens, la mobilisation des ressources, la formation des gens, la présence au siège… pour organiser des débats. Tout ça conduit à les emmener à s’approprier les choses. Si vous avez un contrat de performance qui vous oblige à mobiliser 500 personnes. Vous seul, vous ne pourrez pas donc ça vous oblige à déléguer et à travailler avec la diversité. Ça vous oblige à déléguer. Je dis aux gens ne venez pas me ramener vos cousins du village hein ! je veux de la diversité. Ça t’oblige donc si tu es chrétien à travailler avec les musulmans, si tu es homme à travailler avec les femmes. Car je dis que je veux 50 % de femmes tchadiennes. Si tu détestes les femmes, comment tu vas ramener 50 % des femmes tchadiennes adhérents et si tu ne réussis pas à faire cela, tu as échoué, donc ton contrat n’est pas renouvelé, car moi je dois rendre compte en congrès des choses que nous sommes en train de faire. Vous voyez donc que ça, c’est un entraînement, c’est une école de la transformation. Dernier point important que je voudrais évoquer. Il y a des choses non valorisables. On dit aux cadres des transformateurs de faire une fois toutes les deux semaines minimum une activité et de la faire parce qu’ils sont transformateurs. Si vous êtes un médecin et que vous avez une clinique alors examinez trois, quatre, cinq, dix personnes, soignez-les gratuitement et à la fin dîtes leur que vous êtes un transformateur. Vous rendez à la société. vous êtes un maître karatéka vous formez les gens, quelqu’un qui apprend et qui chante vous apprenez aux gens, vous êtes un banquier alors vous apprenez aux gens comment monter un projet, vous êtes un ingénieur informatique, transmettez vos connaissances sur le numérique.
 
Voilà c’est le don de soi, la gratitude. Moi j’ai proposé à des écoles, des universités d’enseigner gratuitement mais parce que je suis transformateur l’on m’a mis des bâtons dans les roues. L’ENA par exemple et l’Université de N’Djamena refusent parce que je suis un transformateur. Quel diplôme faut-il, je ne sais pas… C’est donc finalement un réflexe.
Je dis aux gens le mot le plus important chez les transformateurs c’est le mot transformateur ou transformatrice, on s’appelle tous transformateur tel ou tel. Ce n’est pas docteur, ingénieur… Vous avez certainement vu le film 
« designated survivor »Oui…Vous voyez quelqu’un qui ne s’imaginait jamais être président de la république parce qu’il y a un drame et c’est lui (Tom Kirkmann) qui doit porter le flambeau. Je dis aux transformateurs, quand vous arrivez ici, imaginez-vous que vous pouvez être le futur président ou la future présidente du Tchad, et si moi je peux leur dire cela, vous imaginez bien que dans mon esprit, il n’y a rien qui m’est impossible. J’ai formé des jeunes malvoyants, des vulnérables de la société en leur disant rien n’est impossible, j’ai fondé une association « any body can dream », chacun peut rêver, si moi qui venait du village, m’étais mis des barrières, je ne serai jamais arrivé là où je suis. Votre question sur les ressources et je vais finir par là. Quand j’ai commencé l’école au village, si je m’étais dit qu’il n’y a pas d’argent je n’aurai jamais fait la récolte du reste de mil pour m’inscrire à l’école, si je m’étais dit qu’il n’y a pas d’argent, je n’aurai jamais pu aller au Cameroun voisin. Quand je quittais pour le Cameroun, j’avais eu le concours, j’avais en tous et pour tout 50.000 FCFA (…) ça ne m’a pas empêché de finir major de ma promotion et de faire un autre concours et ensuite aller en France.
 
Quand je devais aller en France, je n’avais même pas de passeport, j’ai fait le concours et les résultats sont sortis avant que je ne cherche à savoir comment allais-je faire pour partir et puis un entrepreneur qui m’a vu major, et a vu que les gens saluaient un peu mon intégration sociale m’a donné 1 million de francs CFA et c’est avec cette somme que j’ai payé mon billet pour me rendre en France avec Toumaï Air Tchad. Je suis passé par Bangui et on a eu d’ailleurs deux jours de panne. Quand je quittais pour aller en France, j’avais 70 euros en poche (…) c’est l’ami d’une amie qui m’a acheté le premier « macdo » et m’a accompagné pour prendre mon train pour me rendre à Lille. Je suis ensuite entré à Sciences Po.
 
Les frais de scolarité coûtaient 10.000 euros, hmmm, mes parents en 10 ans n’auraient jamais pu économiser cette somme.
Si je me mettais les limites de moyens, jamais je n’aurais pu faire toutes ces choses-là. Ma propre vie m’a appris de me poser d’abord la question des idées, ensuite les moyens finissent toujours par venir. Tous ceux qui nous posent donc cette question, avez-vous les moyens, avez-vous les moyens, avez-vous les moyens… Oui c’est une contrainte, tous ceux qui veulent servir leur pays, et si vous devez analyser les partis et choisir dans lequel parier et investir, alors nous sommes disponibles. La question des moyens est une question importante mais secondaire par rapport à la vision.
 
Nous allons passer à la dernière phase de cet entretien concernant les propositions concrètes du parti. Vous avez communiqué vos 20 propositions le samedi dernier. Malick était présent (membre de l’équipe Alwihda) (…) J’ai lu l’article d’Alwihda et nous vous remercions au nom des transformateurs (…) Nous allons commencer par le préambule qui est assez épais dont on en tire beaucoup de richesse. Nous avons plusieurs questions à cet effet. La première question qui est l’une des plus simples, pourquoi avoir fait le choix de 20 propositions ni plus ni moins ?  
 
20 propositions, bon la boutade c’est de dire que si vous êtes à l’école et que vous avez 20/20 c’est une très bonne note. Nous aimons tellement notre pays que nous lui souhaitons 20/20 pour son développement, pour sa transformation dans un pays que l’on a classé dernier. Nous voulons lui dire que c’est possible d’obtenir 20 sur 20. Nous sommes les champions des derniers… Voilà, mais 20 propositions car c’est 2020. Nous sommes à la fin de l’année 2019, nous proposons quelque chose sur lesquelles nous pouvons travailler maintenant, sur quelque chose que nous pouvons commencer maintenant pour ressentir le nouveau départ dès 2020.
Symboliquement 20/20 c’est quand même parlant pour l’ensemble des tchadiens, et nous sommes vraiment arrivés à cela car chacune des propositions est quand même importante et s’inscrit dans une rubrique appropriée etc. D’où l’enjeu de ces 20/20 parce que nous aimons le Tchad et nous visons très haut. D’accord très bien d’où ces propositions là…
 
A propos de cette lettre en préambule, vous parlez de mesures de justice que vous invitez à prendre et vous demandez aussi à oser ce qui n’a jamais été fait. Quelles sont ces mesures de justice ? Si ça renvoi à vos réponses précédentes alors inutile d’y répondre mais est-ce qu’il y a précisément quelque chose que vous vouliez faire comprendre aux tchadiennes et tchadiens ?

La suite de l'entretien exclusif (la troisième partie) sera publiée la semaine prochaine. 
Sadam Ahmat
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