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Tchad : L'ex-ministre Padaré victime d'un complot


Alwihda Info | Par - 8 Mars 2014



L’ancien ministre tchadien de la Justice, Jean-Bernard Padaré. AFP PHOTO/SEYLLOU
L’ancien ministre tchadien de la Justice, Jean-Bernard Padaré. AFP PHOTO/SEYLLOU
Dès sa nomination, nombreux sont ceux qui voyaient en Padaré un renouveau de la justice tchadienne. D'autres juraient qu'il n'aurait jamais du céder pour la politique, en présage à sa chute. Connu pour avoir notamment défendu la famille présidentielle, ce dernier reste l'un des plus grand avocat au Tchad. Sa "descente aux enfers" n'est autre qu'orchestré par un lobby.

Pourquoi La haute cour de justice ne peut pas juger Padare

« La Haute Cour de Justice est compétente pour juger le Président de la République et les membres du Gouvernement ainsi que leurs complices en cas de haute trahison », précise l'article 174 de la Constitution de la République du Tchad.
 
Que veut-on dire par haute trahison ? La norme fondamentale nous dit que « constitue un crime de haute trahison, tout acte portant atteinte à la forme républicaine, à l'unicité et à la laïcité de l'Etat, à la souveraineté, à l'indépendance et à l'intégrité du territoire national ». De plus, « sont assimilés à la haute trahison, les violations graves et caractérisées des droits de l'homme, le détournement des fonds publics, la corruption, la concussion, le trafic de drogues et l'introduction des déchets toxiques ou dangereux, en vue de leur transit, dépôt ou stockage sur le territoire national ».
 
Certainement un trop grand mot pour son cas, Jean Bernard Padaré est officieusement coupable de "haute trahison" pour des raisons politiques tandis qu'officiellement, il l'est pour détournement des fonds publics et corruption car ce sont des chefs d'accusations valables pour être juger par la Haute Cour de Justice.
 
Les avocats de Padaré n'ont pas tort de contester la procédure judiciaire en interprétant les textes à leur manière, à défaut de précisions par la Constitution. En effet, la Constitution ne précise pas si l'on peut être juger par la Haute Cour de Justice après l'exercice de ses fonctions de ministre pour des faits commis durant l'exercice de ses fonctions. Il suffit de le déduire à l'article 176 puisqu'en principe, en cas de mise en accusation, l'intéressé est suspendu de ses fonctions puis en cas de condamnation par cette Cour, le condamné doit être déchu de ses fonctions. Or, on ne peut être suspendu et déchu après son limogeage. Ainsi, on se rabat sur l'article 175, « hors les cas de haute trahison, les membres du Gouvernement sont pénalement responsables de leurs actes devant la juridiction de droit commun ».
 
Bien que le Procureur réfute depuis le début un jugement par la Haute Cour de Justice, ce dernier ne s'est jamais justifié et invoque simplement une procédure de droit commun. Coupable de ne pas avoir été précis, le Procureur n'a visiblement pas fait d'erreur de procédure mais une erreur d'interprétation ; Padaré ne peut plus être jugé par la Haute Cour de Justice.
 
L'avocat Padaré doit peut-être s'estimer heureux et ne pas trop s'accrocher sur la Haute Cour de Justice puisque sous la pression des politiques, sous le poids de la médiatisation et pour éblouir symboliquement le citoyen, la peine pourrait sans doute être plus lourde avec cette juridiction, surtout pour un fait de "haute trahison". Rappelons aussi que la Haute Cour de Justice est composée de 15 membres ; dix députés, deux membres du Conseil Constitutionnel et trois membres de la Cour Suprême. ; Une composition favorable au pouvoir pour un règlement politique.

Le procureur qualifie Padaré de "délinquant"

"J'ai entendu la défense invoquer la qualité du délinquant", affirmait le Procureur de la République, Mahamat Saleh Youssouf. Ce mot aussi vulgaire qui émane du Procureur de la République dans une déclaration publique à l'égard d'un ex-ministre surprend.

Si un délinquant se définit comme celui qui a commis un délit, on pouvait s'attendre à un autre vocabulaire du Procureur, et surtout à l'égard d'un ex-ministre de la Justice. Ses propos illustrent simplement sa satisfaction sur le sort et la descente aux enfers de celui qui était encore quelques mois auparavant garde des sceaux.

Pourquoi la justice ne considère pas la bande sonore ?

Comment se fait-il que la culpabilité de Padaré ait été établie en grande partie sur la base de l'enregistrement alors qu'Ahmat Bachir (l'ex-Directeur de Cabinet du chef de l'Etat) soit dédouané au motif que l'enregistrement ne constitue pas une preuve ! Même si le ministère de la Moralisation le cache, sans l'enregistrement audio, les évènements ne se seraient pas accélérés si vite. De plus, il est probable que l'enregistrement ne concerne même pas cette affaire des fonds alloués par la Direction des Affaires Financières et du Matériel de la Présidence de la République pour le financement de l’archivage et la conservation des documents de l’Ex Direction de la Documentation et de la Sécurité (DDS).

Dans tous les cas, en principe, une enquête aurait dû établir l'authenticité de cette bande sonore. Pourtant, la justice ne s'intéresse ni de près, ni de loin à cet enregistrement, encore moins le Procureur. Doit-on comprendre que les bandes sonores n'ont aucune valeur juridiques à l'avenir devant à la justice tchadienne ? La justice a-t-elle reçu des instructions d'un certain lobby ?

Pour le journaliste Mahamat Ramadane, il ne fait aucun doute, il y a au Tchad certains lobbys puissants d'hommes de la justice capable de défier l'autorité même du garde des sceaux.

Ainsi, ses "bourreaux", jugeants qu'il ne prendra pas chère avec cette "petite" affaire de corruption (10 millions FCFA) n'ont pas trouvé mieux que de lui greffer d'autres chef d'accusations. Ensuite, si Padaré est chanceux, ce sera probablement le scénario habituel, une libération en appel dans plusieurs mois ou une grâce du chef de l'Etat.

Djamil Ahmat
Faculté de Droits
Université du Maine



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