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POINT DE VUE

Tribune : Le Tchad n'est pas le Mali


Alwihda Info | Par Mahamat Nour Ibedou - 30 Août 2020



Le défenseur des droits de l'Homme et secrétaire général de la CTDDH, Mahamat Nour Ibedou.
Le défenseur des droits de l'Homme et secrétaire général de la CTDDH, Mahamat Nour Ibedou.
Le peuple Malien vient courageusement de se débarrasser d’un chef d’État pourtant démocratiquement élu mais devenu indésirable au cours d’un second mandat ponctué par une gouvernance devenue calamiteuse.

Le mérite de la chute d’IBK revient naturellement au peuple malien, véritable dépositaire de la légitimité du pouvoir ; l’armée malienne était simplement venue raccourcir les quelques moments de règne d’un IBK dont les jours à la tête du pays étaient de toute façon comptés.

Ce sursaut hautement citoyen du peuple malien est à notre humble avis la preuve évidente de la primauté de la légitimité populaire sur une légalité devenue factice (comme l’a si bien expliqué notre jeune frère le Docteur OGUELEMI dans une de ses brillantes chroniques de l’Afrique).

Cette légalité est souvent mise automatiquement en avant par nos organisations régionales et sous-régionales dirigées par des individus au service exclusif de ces clubs d’amis constitués par des cénacles de chefs d’États souvent honnis par leurs peuples ; dans le cas d’espèce, les gesticulations hystériques de la CEDEAO contre l’armée malienne au nom de la légalité cachent donc très mal des motivations perverses et par conséquent, les sanctions économiques imposées au peuple malien sont à bien d’égard loin d’être défendables.

L’armée malienne qui s’était résolument rangée du coté du peuple n’aurait de toute évidence jamais osé tenter d’organiser un putsch militaire si le peuple ne s’était pas préalablement soulevé ; ceci non pas parce que cette  armée n’était pas capable de renverser Ibrahim Boubakra Keita, mais les militaires maliens savent très bien qu’ils ne pourront pas dans le contexte actuel agir sans l’assentiment du peuple par crainte de s’exposer aux foudres d’une opinion internationale et de certaines officines ‟légalistes” allergiques à toute prise de pouvoir par les armes.

Les coups d’État militaires qui avaient émaillé la vie politique africaine pendant les années post-indépendance (années 70) sur le continent étaient souvent suscités par des forces étrangères dont les motivations n’étaient rien d’autre que la défense de certains intérêts occultes au détriment de l’Afrique.

Ces putsch militaires qui étaient à la mode à cette époque ont toujours été des préludes à l’instauration des régimes dictatoriaux.

Cependant, même si dans le contexte actuel, tout pouvoir militaire suscite toujours la méfiance des observateurs, force est de reconnaitre que la singularité du coup d’État militaire malien nous amène à constater qu’une armée républicaine peut constituer un facteur déterminant de stabilité dans des situations similaires.

Le départ forcé d’un chef d’État indésirable crée presque toujours non seulement une insécurité et un désordre préjudiciable à la vie de toute la population, mais il crée également un vide institutionnel que seule l’armée, unique institution organisée du pays, peut combler.

Pour ce faire, une armée nationale, disciplinée et responsable se doit dans ces conditions de prendre le pouvoir pour instaurer l’ordre quitte à le remettre aux civils après une transition dont la forme et le délai seront le fruit d’une démarche concertée avec les forces politiques et sociales du pays ainsi que les institutions sous-régionales, comme ce qui se passe actuellement au Mali.

Il est évident cependant qu’un scenario à la malienne n’est possible que dans l’hypothèse où le pays africain en question possède une véritable armée nationale. Cette situation est donc à cet egard difficilement envisageable au Tchad.

Le coup d’état de l’armée malienne est  venu ainsi nous révéler à nous autres tchadiens la dangereuse incertitude dans laquelle se trouverait notre pays au lendemain d’un éventuel prochain départ d’Idriss DEBY.

Beaucoup de tchadiens avertis osent à peine imaginer ce qui se passerait en cas de disparition de ce dernier ou si son régime politique arrive à être par exemple balayé par une insurrection populaire. N’ayant pas une armée républicaine et organisée capable de combler un éventuel vide institutionnel, le pays sera incontestablement livré à une espèce de scénario à la somalienne.

L’armée clanique d’IDRISS DEBY dirigée par des civils armés promus généraux et divisés en clans familiaux aux intérêts divergents ne tardera pas à s’effriter et nous risquons à coup sûr d’assister à une guerre de Palais en plein N'Djamena.

Les opposants armés qui sont au demeurant divisés et qui étaient forcés de prendre les armes, parce que préalablement privés d’espace de liberté, profiteront de ce vide institutionnel pour s’inviter à la fête et de ce fait convergeront inévitablement vers la capitale.

Tout ce monde étant lourdement armé, le pays dans ce cas de figure risque fort de revivre une fois de plus et en pire, le cauchemar de la guerre des tendances politico-militaires de 1979-80.

Il est inutile de préciser qu’en marge de la destruction du pays, les citoyens lambda, ces civils innocents paieront le tribut le plus lourd en vies humaines ; ces affrontements surviendront également avec leurs cortèges de déplacements des populations et toutes les tragédies que cela entraine ; famine, maladies, etc. Les tchadiens iront se réfugier dans d’autre pays à la recherche d’une relative tranquillité.

Ce scenario catastrophe a été minutieusement planifié par Idriss Deby lui-même qui s’était attelé durant tout son séjour au pouvoir à en semer tous les ingrédients : désorganisation à outrance de son l’armée, division des tchadiens en exacerbant les clivages ethniques ; instauration d’une certaine zizanie au sein même de ses parents les plus proches et surtout ceux prétendant au trône, etc.

Idriss Deby avec son habituelle absence de patriotisme empreint de sadisme voudrait sans conteste que ce pays connaisse ce genre d’enfer après lui. ‟Après moi, c’est le chaos”, a toujours été son souhait le plus secret.

Il est donc urgent d’agir et la seule et unique manière d’éviter à notre pays le scénario que Deby a préparé pour lui est de créer les conditions pour que cela n’arrive pas.

- Créer une très large coalition composée des partis politiques de la société civile, de religieux, des personnalités ressources et de toutes autres bonnes volontés. Cette coalition aura pour mission d’empêcher la candidature d’Idriss Deby en 2021 en organisant des actions pacifiques et citoyennes soutenues, capables de contraindre Idriss Deby à renoncer à sa candidature ;

- Organiser un dialogue inclusif incluant les représentants de tous les acteurs socio-politiques, des représentants de toute l’opposition armée, des agriculteurs, des éleveurs, des chefs traditionnels, des artistes, des handicapés, des organisations féminines, des jeunes, de tous les corps de métiers, etc.

- Jeter des nouvelles bases d’une vraie démocratie au Tchad en mettant en place des structures fiables et en organisant une transition avec une charte et un cahier de charge précis. Ce gouvernement de transition sera chargé en plus de redresser le pays, de conduire également à l’adoption par referendum d’une constitution propice à l’instauration d’une vraie vie démocratique au Tchad.

C’est à ce prix et à ce prix seulement que les tchadiens arriveront à faire échec au plan diabolique mis en place par le dictateur.

Mahamat Nour Ibedou



Pour toute information, contactez-nous au : +(235) 99267667 ; 62883277 ; 66267667 (Bureau N'Djamena)