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ANALYSE

Un centrafricain donne raison à Trump


Alwihda Info | Par GBANDI Anatole - 27 Janvier 2018



Donald Trump, à Washington, le 3 mai 2017. © Andrew Harnik/AP/SIPA
Donald Trump, à Washington, le 3 mai 2017. © Andrew Harnik/AP/SIPA
J'ai reçu, écrit par un Centrafricain, un texte qui surenchérit sur les propos injurieux de Trump. En gros, le compatriote considère que << les Africains sont des hypocrites et des idiots >>, qu'ils n'ont << jamais rien inventé >>, qu'ils n'ont pas de cœur << Ceux qui sont chargés de protéger le petit peuple passent du beau temps à Bangui >>, qu'ils ne se contentent pas de copier sans discernement les peuples créateurs, mais poussent le suivisme jusqu'à s'entre-tuer pour des religions d'importation. Le texte s'appuie sur une photo non-légendée, d'une violence inouïe, qui figure une scène de massacre. J'ai pensé à ce qui se passe autour de Paoua, mais sans légende comment déterminer sa provenance ?
Je reviens au texte qui l'accompagne et qui me paraît sinon un cri de désespoir du moins un cri de dépit. Mais quelle que soit sa tonalité, il prête le flanc à la critique. Je vais donc relever deux de ses aspects que je trouve fort contestables.

1. CEUX QUI N'ONT JAMAIS RIEN INVENTÉ

Ce poncif négrophobe des inventeurs ou de leurs descendants ou de leurs héritiers ou de leurs groupies a été repris par Aimé Césaire dans plusieurs strophes anaphoriques de son célèbre Cahier d'un retour au pays natal. Jean-Paul Sartre l'a magnifiquement commenté. Il s'agit là, écrit le philosophe français, << d'une revendication hautaine de la non-technicité >>. Dans un monde où tout est remis en question, dans un monde où la planète gémit et transpire de ses inventions, dans un monde où la terre est obligée de convoquer à son chevet les décideurs et surtout les savants pompiers pyromanes pour examiner les voies et moyens de la sauver des effets néfastes de leurs inventions, ce commentaire lapidaire me dispense d'un débat ennuyeux et passéiste, mais qui paradoxalement est ramené ces derniers temps, sur le devant de la scène par les Africains eux-mêmes et par les Africaines : la dernière à trouver les Nègres moins intelligents que les Blancs est miss Congo démocratique, même si elle est revenue sur ses déclarations. On va quitter ce racisme d'auto-flagéllation pour les critères qui ont permis au compatriote de porter ses jugements de valeur. Ces critères, je vous le rappelle, sont les inventions. Peut-on sérieusement les encenser et condamner dans le même texte les massacres que font les armes sophistiquées en Centrafrique ? Je trouve la démarche pour le moins contradictoire. Car les armes sophistiquées font partie de ces inventions. Et logiquement, si on les admire, on ne devrait pas condamner leurs effets.

2. L'EXTRAPOLATION

Les Centrafricains accréditeraient par leur comportement, par les massacres qu'ils laissent perpétrer dans leurs provinces, les propos outrageants de Trump. Ils seraient les images parfaites de ce que seraient les Africains. Ces assertions qui ont recours à l'extrapolation me laissent sans voix. D'abord plusieurs pays africains sont venus nous aider, même s'ils n'ont pas pu juguler la crise, même s'ils n'ont pas su se transformer en gendarmes protecteurs des pauvres paysans que les groupes armés continuent de massacrer. Nous sommes quelques-uns à penser que le pays se libérera lui-même, comme la Chine s'était libérée de la dynastie de Yuan, fondée par les Mongols. Cette dynastie, une des plus féroces, interdisait aux Chinois de s'éclairer la nuit. Elle a régné plus de quatre vingt dix ans avant d'être balayée. Je vois déjà l'objection des Cassandre, qui ne voient l'avenir de la Centrafrique qu'en termes de catastrophe, de décadence et de chaos : les Centrafricains ne sont pas des Chinois ou Centrafrique, le pays qui n'existe pas. Mais alors pourquoi lui a-t-on lié les mains en décrétant un embargo sur les armes qui a favorisé de fait les groupes armés ?

La Centrafrique n'est pas, je le concède, ce que l'Afrique a de mieux à montrer à l'heure actuelle. Mais le continent n'est pas devenu dans son entièreté un théâtre d'opérations. L'Afrique centrale a longtemps été un ses pôles de stabilité avant que certaines de ses zones ne basculent dans la violence par la faute de leurs dirigeants.

A propos de violence, je vais rappeler pour terminer un épisode de la guerre du Vietnam que tout le monde connaît. En 1968, le 16 mars, le lieutenant Calley et sa section attaquent le village de My Lai, violent des femmes et les tuent, massacrent des vieillards, jettent des bébés dans des puits, incendient des chaumières avec leurs habitants. Quelqu'un avait-t-il traité les États-Unis de pays de merde ? Non, il faut se garder des généralisations, comme de tout ce qui est excessif.

GBANDI Anatole



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