Accueil
Envoyer à un ami
Imprimer
Grand
Petit
Partager
COMMUNIQUE

Viols en Centrafrique : La justice au bon vouloir du pouvoir‏


Alwihda Info | Par Survie - 1 Mai 2015


Les révélations, par le journal britannique The Guardian, d’accusations de viols sur mineurs par des soldats français en Centrafrique illustrent qu’il existe un risque d’étouffement des affaires lorsque les faits incriminent des militaires. L’association Survie rappelle que depuis la Loi de Programmation Militaire votée par la majorité actuelle, les victimes et associations de défense des droits humains ne peuvent plus déclencher d’enquête par constitution de partie civile en cas de crime commis par des militaires français en opération. Il est urgent de mettre fin à cette main-mise du pouvoir exécutif sur la justice.


Cette accusation de viol d’enfants par des militaires français en opération rappelle douloureusement l’affaire des femmes violées au Rwanda en 1994 pendant l’opération Turquoise : là aussi il s’agissait de victimes dans des camps, que les militaires étaient censés protéger, et qui avaient dans certains cas été violées pour de la nourriture. A l’époque où une plainte avait été déposée, la ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie s’était insurgée face à ceux qui osaient mettre en doute la conduite prétendument irréprochable et l’honneur des militaires. Bien d’autres cas d’exactions ont pourtant montré que, ne faisant pas exception aux autres armées, les soldats français pouvaient se rendre coupables de crimes lors d’opérations, parfois sur ordre de leurs supérieurs [1 ].

La décision des autorités françaises d’avoir accepté l’ouverture d’une instruction judiciaire ne doit pas masquer que, depuis la Loi de Programmation Militaire (LPM) votée en 2013, le parquet - dépendant de l’exécutif - a désormais le monopole des poursuites. Le principe de séparation des pouvoirs a volé en éclats concernant les crimes commis par les militaires français en opération : une plainte des victimes se consituant partie civile ne suffit désormais plus à déclencher une enquête (article 30 de la LPM publiée au Journal officiel le 19 décembre 2013) [2 ]. Cette atteinte au droit des victimes a été voulue par le gouvernement français sous la présidence de François Hollande, et défendue par la députée Patricia Adam, présidente de la commission Défense à l’Assemblée nationale.

Par ailleurs, au delà des modifications dues à la LPM, les autorités françaises ont obtenu auprès de la Centrafrique une impunité pour les soldats français en vertu de l’accord entre la France et les autorités de Centrafrique portant sur Sangaris et signé à Bangui le 18 décembre 2013, stipulant :

« les Membres du personnel du détachement français bénéficient des immunités et privilèges identiques à ceux accordés aux experts en mission par la convention sur les privilèges et immunités des Nations unies du 13 février 1946. » [3 ].

Une disposition identique est prévue pour les militaires français au Mali et l’opacité sur les accords avec d’autres pays africains où l’armée française est présente laisse craindre une impunité systématique.

Les enfants centrafricains ou leurs représentants ne pouvaient donc en aucun cas déclencher une enquête : ni en Centrafrique, ni en France. Les victimes de militaires français en opération sont soumises au bon vouloir des autorités françaises dans leur droit à la justice. Cette situation, inacceptable d’un point de vue moral et politique, doit changer.

L’argument – que ne manqueront pas d’utiliser des officiel français – que dans le cas présent une instruction a bien été ouverte, n’enlève rien à cette exigence. C’est à une justice indépendante de trancher entre ce qui relève de crimes bien réels et ce qui pourrait relever de témoignages mensongers. Conserver un monopole des poursuites par le parquet permet uniquement à l’armée et à l’exécutif de se donner la possibilité, un jour, d’étouffer une affaire trop sensible [4 ].

L’association Survie demande aux autorités françaises :

  • de cesser d’imposer aux pays où intervient l’armée française, une impunité pour ses soldats
  • de supprimer en droit français le monopole des poursuites par le parquet, pour redonner le droit aux victimes et associations de défense des droits humains de pouvoir déclencher une enquête par constitution de partie civile en cas de crime commis par des militaires français en opération

L’association Survie demande en outre à l’ONU de refuser tout mandat à des troupes de pays qui ne garantissent pas un recours à une justice indépendante pour de tels crimes.

Contacts presse:

Thomas Noirot - 06.16.97.42.87
Mathieu Lopes - 06.01.87.80.88




Pour toute information, contactez-nous au : +(235) 99267667 ; 62883277 ; 66267667 (Bureau N'Djamena)