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INTERNATIONAL

COP 28 : une première semaine de triomphes, de controverses et de négociations


Alwihda Info | Par Olivier Noudjalbaye Dedingar, Expert-consultant, humanitaire et journaliste indépendant. - 9 Décembre 2023


Les débats en cours mettent en évidence la complexité et l’urgence des défis auxquels est confrontée la communauté internationale.


Le président cubain Miguel Diaz Canel (3e à droite) aux côtés du président des Émirats arabes unis, Cheikh Mohamed bin Zayed Al Nahyan (3e à gauche), et du secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres (2e à gauche), lors d'une conférence de presse à la COP28 Sommet des Nations Unies sur le climat à Dubaï, le 2 décembre 2023. Photo: Alejandro Azcuy/AFP
Le président cubain Miguel Diaz Canel (3e à droite) aux côtés du président des Émirats arabes unis, Cheikh Mohamed bin Zayed Al Nahyan (3e à gauche), et du secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres (2e à gauche), lors d'une conférence de presse à la COP28 Sommet des Nations Unies sur le climat à Dubaï, le 2 décembre 2023. Photo: Alejandro Azcuy/AFP
La première semaine de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP28), à Dubaï, a connu diverses émotions, avec des moments de triomphe, des controverses et des négociations en cours, qui façonneront l'avenir de l'action climatique mondiale. Alors que les dirigeants et représentants de près de 200 pays se réunissaient à l'Expo City de Dubaï, le monde s'attendait à des avancées décisives, et à des engagements significatifs pour faire face à l'escalade de la crise climatique.

Réparation des pertes et dommages : un accord historique
La conférence a débuté sur une note optimiste alors qu'un fonds historique pour les pertes et dommages a été convenu, lors de la séance plénière d'ouverture. Il s’agit d’une réalisation importante pour les pays en développement qui réclament depuis longtemps, un soutien financier de la part des pays développés pour faire face aux destructions causées par la crise climatique. Les pertes et les dégâts, qui englobent la dévastation des vies humaines, des moyens de subsistance et des infrastructures, ont touché de manière disproportionnée les pays vulnérables et pauvres qui portent une responsabilité minime dans la crise.

Cela dit, la victoire fut douce-amère. Les 700 millions de dollars promis par les pays riches, bien que constituant un pas en avant, couvrent moins de 0,2 % du coût annuel estimé des dommages, allant de 100 à 580 milliards de dollars. Les fonds, comme le soulignent les experts en justice climatique, devraient être nouveaux et supplémentaires, sous forme de subventions plutôt que de prêts. Pourtant, les détails concernant la nature et le calendrier de l’argent promis restent insaisissables, ce qui soulève des inquiétudes quant à l’engagement des pays développés à fournir un soutien financier adéquat.

Sultan Al Jaber : polémique autour des commentaires du président de la COP28
Au milieu de la conférence, un tollé mondial est né suite aux révélations sur les commentaires tenus par le président de la COP28, Sultan Al Jaber, lors d’un appel vidéo. Damian Carrington du Guardian et le Center for Climate Reporting, ont révélé qu'Al Jaber, également chef de la compagnie pétrolière publique des Émirats arabes unis, avait déclaré qu'il n'y avait « aucune science » soutenant la nécessité d'éliminer progressivement les combustibles fossiles, pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Le tollé qui a suivi de la part des climatologues a contraint Al Jaber à tenir une conférence de presse d’urgence, au cours de laquelle il a défendu ses opinions, affirmant qu’elles étaient déformées. Il a affirmé sa conviction du caractère inévitable et essentiel d’une réduction et d’une élimination progressive des combustibles fossiles. L’incident a accru les inquiétudes quant à l’influence de l’industrie des combustibles fossiles sur la conférence, en particulier compte tenu du nombre record de lobbyistes des combustibles fossiles (plus de 2 400) y ayant accès, soit quatre fois plus que l’année précédente.

Projet de texte sur le bilan mondial : le dilemme des combustibles fossiles
Au cœur de l'ordre du jour de la COP28 se trouve la négociation d'un texte de bilan mondial traitant des engagements de réduction des combustibles fossiles. L’accent est mis sur la question de savoir si les pays s’engageront à éliminer, ou à réduire progressivement les combustibles fossiles, les nuances de langage s’avérant controversées. Un projet de texte publié mardi conservait un libellé s'engageant à une élimination progressive, mais des incertitudes persistaient alors que l'option de suppression restait sur la table. Les négociateurs ont fait état d’attitudes constructives, mais des défis sont apparus. L’Arabie saoudite a cherché à introduire des références au captage et au stockage du carbone à chaque occasion, même dans les cas où de telles références étaient injustifiées. De plus, le royaume souhaitait insérer le mot « émissions » après les combustibles fossiles dans toute référence à leur élimination ou à leur réduction progressive. La position de la Chine, acteur crucial, a ajouté encore plus de complexité aux négociations.

Dynamique du leadership : un éventail d’approches
La dynamique de leadership à la COP28 a présenté un éventail d’approches de diverses nations. Le roi Charles du Royaume-Uni a prononcé un discours mettant en garde contre une « vaste et effrayante expérience » sur le monde naturel. Cependant, des critiques ont été formulées à l'encontre du Premier ministre britannique Rishi Sunak, qui semble avoir fait marche arrière en matière de politique climatique, sapant ainsi le rôle de leader du Royaume-Uni. Dans une démarche non conventionnelle, le président Joe Biden a délégué la vice-présidente Kamala Harris pour représenter les États-Unis. Sa comparution a reçu une réponse mitigée, en partie à cause de l'essor de l'industrie de l'extraction pétrolière et gazière aux États-Unis.

L'envoyé américain pour le climat, John Kerry, a annoncé une répression significative des émissions de méthane, s'alignant sur les efforts mondiaux visant à lutter contre ce puissant polluant climatique. Le président colombien Gustavo Petro a rejoint une alliance appelant à un traité de non-prolifération des combustibles fossiles, soulignant l'urgence d'empêcher « l'homicide de la planète Terre ». La position de Petro a fait sourciller, compte tenu de la dépendance de la Colombie aux combustibles fossiles, mais il a soutenu qu'il était essentiel d'éviter une catastrophe mondiale. Le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva a lié l'action climatique à la lutte contre les inégalités, soulignant la nature interconnectée de ces défis.

Cependant, des inquiétudes ont été soulevées lorsque le Brésil, le premier jour de la conférence, a annoncé son alignement sur l'OPEP, le plus grand cartel pétrolier du monde, soulevant des questions sur son engagement envers les objectifs climatiques. L'arrivée du président russe Vladimir Poutine, aux Émirats arabes unis pour discuter du conflit Israël-Gaza, a ajouté une dimension géopolitique à la COP28, suscitant l'inquiétude de la délégation ukrainienne. L’imbrication des discussions sur le climat, avec des questions géopolitiques plus larges, a souligné la complexité des défis rencontrés lors de la conférence.

Evaluation du paysage : une journée de repos et de réflexion
La conférence a brièvement appuyé sur le bouton pause, déclarant jeudi, jour de repos officiel. Cela a donné aux participants l'occasion de réfléchir sur les événements de la première semaine, et d'envisager le chemin à parcourir. L’optimisme suscité par l’accord historique sur le fonds pour les pertes et dommages a été contrebalancé par le contexte de controverses non résolues, et par l’ampleur des défis à venir.

Annonces majeures et engagements financiers : une lueur d’espoir
Au milieu des controverses et des négociations, la première semaine de la COP28 a été marquée par des annonces majeures et des engagements financiers dépassant les 80 milliards de dollars. Des déclarations couvrant des domaines vitaux tels que l’alimentation, la paix et la relance, les énergies renouvelables et l’efficacité, la réduction du méthane et la décarbonisation des industries à fortes émissions, ont dominé l’ordre du jour.

Plus de 100 pays ont signé la déclaration alimentaire, cherchant à donner la priorité aux considérations climatiques dans l'agriculture. L'augmentation du financement climatique est apparue comme un élément essentiel de la lutte contre le changement climatique, la présidence de la COP déclarant que plus de 80 milliards de dollars avaient été mobilisés jusqu'à présent, y compris les fonds promis pour les pertes et dommages. Même si ces engagements témoignent d’un progrès, la question primordiale reste de savoir s’ils sont suffisants pour faire face à l’ampleur de la crise climatique, et remplir les obligations financières dues par les pays développés envers les pays les plus touchés.

Négociations sur le climat : bilan mondial et avenir des combustibles fossiles
Alors que la conférence entrait dans sa deuxième semaine, les négociateurs se sont plongés dans les subtilités du bilan mondial, un élément central évaluant les progrès vers l’objectif convenu à Paris en 2015 : limiter le réchauffement climatique à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels. Le texte du bilan mondial, publié précédemment, a présenté aux négociateurs des défis liés à l'avenir des combustibles fossiles, l'un des principaux moteurs des émissions mondiales. La présidence de la COP28 a exhorté les parties à contribuer à un texte sur les combustibles fossiles, reconnaissant que la « réduction progressive » et « l'élimination » des combustibles fossiles étaient inévitables. Plus de 100 pays, dont les États-Unis et l’UE, ont exprimé leur soutien à une élimination progressive, soulignant l’urgence de s’attaquer à la cause profonde de la crise climatique.

Cependant, des négociations difficiles nous attendent, avec des pays historiquement résistants comme la Russie et l’Arabie Saoudite qui posent des obstacles importants. Le terme « sans relâche » est resté au centre des préoccupations, représentant les combustibles fossiles utilisés sans technologies de captage du carbone. Le débat sur la viabilité et l’évolutivité des technologies de captage du carbone a ajouté à la complexité des discussions. Alors que certains plaident en faveur de son inclusion comme solution viable, de nombreux experts affirment qu’elle n’a pas encore été prouvée à grande échelle, ce qui soulève des questions sur son rôle dans la transition mondiale vers un abandon constant des combustibles fossiles.

Deuxième semaine : relever les défis et rechercher des solutions
Alors que la COP28 entre dans sa deuxième semaine, la présidence devrait jouer un rôle plus actif dans l’orientation du processus. L'identification des domaines nécessitant une attention particulière, la facilitation d'un terrain d'entente entre les parties et l'orientation vers un résultat positif mardi seront cruciales. À l’approche de décisions cruciales, les négociateurs et les dirigeants doivent résoudre les questions controversées et œuvrer à un consensus aligné sur l’objectif primordial de lutter contre la crise climatique.

Anticiper la décision finale : une décision de couverture ou plus ?
Les COP se terminent traditionnellement par une décision de couverture, une annonce complète décrivant les réalisations de la conférence. La décision de couverture de l'année dernière comprenait un accord visant à établir un fonds pour pertes et dommages. Cette année, l’accent est mis sur le texte du bilan, et il est de plus en plus probable qu’il s’agisse du principal résultat de la COP28.
Bien qu’une décision de couverture distincte ne soit pas exclue, la décision sur le bilan mondial est considérée comme la pièce maîtresse transmettant les messages politiquement les plus importants au monde. Tom Evans, expert en changement climatique au sein du groupe de réflexion E3G, a souligné l'importance de la décision relative au bilan mondial, déclarant : « Le bilan mondial est la pièce maîtresse des résultats de la Cop et transmettra les messages politiquement les plus importants au monde. » À mesure que les négociations s’intensifient et que la conférence approche de sa conclusion, la décision relative au bilan mondial sera étroitement surveillée pour son potentiel à envoyer un message fort et unifié sur l’action climatique mondiale.

Le spectre des négociations prolongées : au-delà du 12 décembre
La COP28 devrait s'achever le 12 décembre, mais l'histoire des COP qui ont dépassé les délais est préoccupante. La COP27 à Charm el-Cheikh, par exemple, devait se terminer un vendredi, mais elle a été prolongée jusqu'à dimanche matin. Même s’il est difficile de prédire avec certitude, la possibilité que la COP28 dépasse la date de conclusion prévue demeure. La deuxième semaine, comme l'a décrit le Pr Benton, devrait être « longue, difficile et mouvementée », avec de nombreux enjeux encore.

Conclusion : un moment charnière avec de nombreux enjeux
La première semaine de la COP28 s’est révélée être un moment charnière dans les efforts mondiaux en cours pour lutter contre la crise climatique. Les succès, les revers et les négociations en cours mettent en évidence la complexité et l’urgence des défis auxquels est confrontée la communauté internationale. Alors que les dirigeants, les négociateurs et les militants traversent la deuxième semaine, le monde regarde avec impatience, reconnaissant que les décisions prises à Dubaï façonneront la trajectoire de l’action climatique mondiale, dans les années cruciales à venir. L’équilibre délicat entre espoir et inquiétude souligne les enjeux élevés et la responsabilité collective d’assurer un avenir durable et résilient à la planète.

Le ministre saoudien de l'Energie, le prince Abdulaziz bin Salman, a déclaré qu'il n'accepterait pas l'élimination progressive des combustibles fossiles. Photo : Fayez Nureldine / AFP
Le ministre saoudien de l'Energie, le prince Abdulaziz bin Salman, a déclaré qu'il n'accepterait pas l'élimination progressive des combustibles fossiles. Photo : Fayez Nureldine / AFP



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