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AFRIQUE

France : Sangaris, la douloureuse !


Alwihda Info | Par Gilles Deleuze - 24 Septembre 2014



Par Gilles Deleuze

Le 6 décembre 2013, la journaliste de 'l'Express' Marie Le Douaran déclarait pompeusement et très imprudemment :
"L'intervention militaire en Centrafrique mobilise moins de matériel et de troupes que les opérations au Mali. Elle devrait être beaucoup moins onéreuse."

Mauvaise prescience, tout comme celle toute aussi imprudente, mais plus grave, car émanant du ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian déclarant à l'époque :
"Ce sera une opération coup de poing qui ne devrait pas durer plus d'un an.
Nous mobilisons un millier d'hommes pour une période de montée en puissance de 4 à 6 mois, puis de retrait progressif de 4 à 6 mois".

PARLONS GROS SOUS

L'opération Sangaris en Centrafrique coûte au minimum 800.000 euros par jour.
Et si on se penche sur la force militaire aérienne, une heure de vol d'un Rafale, l'avion de chasse français coûte 39 000 euros.
Le coût horaire des hélicoptères de combat type Gazelle ou Tigre, varie de 2.600 à 25.000 euros.

Mais voilà, outre le fait que les médiocres résultats militaires françaises en RCA ne sont pas à la hauteur des espérances, la Sangaris est devenue une 'douloureuse' pour la France.

Le budget 2014 des OPEX (les opérations militaires extérieures de l'armée française) est de 450 millions d'euros, et la moitié de cette somme est déjà engloutie en Centrafrique, quasiment à fonds perdus.
Et contrairement aux dires Jean-Pierre Guerekpidou, le Vice-Président du MESAN à Bangui, la France en RCA y perd plus qu'elle n'y gagne.
Pas de martingale.
Guerekpidou déclarait :"...La France n’intervient dans un pays que lorsque ses intérêts sont menacés. Le président hollande ne s’est pas gêné de le faire savoir en décembre 2012, au début de cette crise."

RETRAIT OBLIGATOIRE

Les SANGARIS vont à très court terme se retirer de la Centrafrique, ne serait-ce que pour des raisons financières et matérielles.
Un des motifs pour lequel les SANGARIS ne sont pas passés sous le béret bleu de l'ONU.

La fragilité financière de la Défense française, qui a vu cette année son budget drastiquement revu à la baisse ne permettra pas d'alimenter les imprudentes initiatives guerrières tous azimuts de l'actuel locataire du palais de l'Elysée à Paris.
L'intendance ne pourra pas suivre. Il faudra faire des coupes dans le vif.
Et le premier endroit visé pour les réductions des coûts, c'est la Centrafrique, dorénavant sous contrôle militaire de l'ONU.
De quoi permettre aux militaires français de se retirer sans trop perdre la face.

CE QUE LA PRESSE FRANCAISE NE VOUS DIRA JAMAIS

Déjà peu encline à l'introspection et à l'autocritique en temps normal, la Presse française l'est encore moins quand il s'agit d'enquêter sur des opérations extérieures du genre SANGARIS.
L'affaire est pliée en se contentant de reproduire les discours démagogiques et langue de bois des militaires, ou de recueillir des témoignages allant toujours dans un seul sens, conforter un pré-objectif.
Surtout pas d'enquête contradictoire, mais de la propagande, dès que les intérêts et l'image du pays sont en jeu.
L'exemple typique est ce papier récent de l'hebdomadaire MARIANNE titré "La France dans le piège centrafricain".
Seule la chaîne cryptée Canal + avait réalisé un documentaire édifiant sur les ambiguïtés des soldats de la Sangaris à Bangui.
Document jamais repris ni encore moins commenté par leur confrères hexagonaux, et pour cause.
On y voit très clairement des officiers de la Sangaris fraterniser et deviser amicalement avec des chefs miliciens Anti-Balaka; et même, on y découvre des échanges téléphoniques sur d'éventuelles fournitures d'armes à ces rebelles.
L'Etat Major français n'a jamais nié les images de Canal +, évitant tout simplement d'aborder le sujet.

Amalgame et visions réductrices
L'amalgame milices séléka et l’islam, milice Anti-balaka et chrétienté est toujours en cours.
Le conflit centrafricain dans la presse occidentale se trouve réduit à des caricatures à côté de la plaque.
Car de même que tous les musulmans centrafricains ne sont pas des Séléka, de même, tous les Anti-Balaka ne sont pas des chrétiens.
L’Archevêque de Bangui Dieudonné Nzapalainga s'en était ému à maintes reprises, mais prêche dans le désert, la puissante déferlante médiatique occidentale a toujours le dernier mot. C'est comme ça et puis c'est tout.

Des erreurs d'appréciation, volontaires ou non, mais surtout ignorance, qui ont plongé les SANGARIS dans le désastre.
Comme le précise un Officier de haut rang de l'ex MISCA, mais nous ayant demandé de préserver son anonymat :
"Vous demandez mon avis sur tout cela, mais vous-mêmes aviez fait les mêmes constats non ?
Le problème de la Sangaris c'est que dès le départ, c'était une opération militaire bancale, parce que à l'aveugle.
Comme disent les politiciens, ils n'avaient pas de feuille de route, et ils découvraient pratiquement tout sur place au fur et à mesure.
Ils n'avaient même pas de cartes à jour du pays et des villes.
C'est pour cela que pendant au moins 3 mois, ils ont été manipulés par les Anti-Balaka. Indirectement, ça a contribué à fragiliser très gravement la communauté musulmane centrafricaine avec les conséquences que l'on sait.
Les français ignoraient tout de la géopolitique de ce pays.
Concernant le désarmement, on ne peut pas dire que c'était une volonté de leur Etat major.
Vous savez, avec deux morts arrivés très vite, les français ne voulaient plus prendre de risque.
Nous, on a perdu plus de trente jeunes gens.
Les Sangaris n'allaient pas dans les quartiers, et quand ils faisaient face à des rebelles déterminés, ils reculaient. Ca, vous-mêmes en aviez parlé.
Désarmer des gens qui ne le veulent pas, c'est très risqué, et les français n'ont pas pris ce risque.
Il faut dire qu'un désarmement de ce genre se prépare politiquement en amont. Mais il n'y a pas d'Etat ici. Qui pouvait faire quoi pour préparer ?
Et je l'ai déjà dit publiquement au moment de la cérémonie pour remercier les MISCA, le gouvernement centrafricain ne nous a pas aidé. Tout se passe dans 3km² à Bangui, c'est tout.
On nous dit de combattre des bandits, mais des chefs de ces bandits sont dans le gouvernement. Comment voulez-vous faire avec ça ?
Maintenant, la présidente parle de dialogue nationale.
Si c'est comme on nous le dit, avec les mêmes qui n'ont aucun pouvoir sur les gens sur le terrain qui tuent leurs compatriotes tous les jours, ça ne servira à rien.
Des dialogues nationales dans ce pays, on en a connu des dizaines. Ca n'a jamais abouti à quelque chose."

Available in English

© Septembre 2014 LNC



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