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AFRIQUE

Guinée : Colonel Doumbouya, l’argent n’a pas d’odeur !


Alwihda Info | Par Alwihdainfo - 6 Octobre 2022


On se croirait revenu aux dernières années du régime du général Lansana Conté, lorsque les narcos colombiens et leurs alliés locaux faisaient la loi à Conakry. Intouchables à l’époque, ils distribuaient des dollars à qui leur tendait la main, roulaient dans de luxueuses voitures et faisaient sauter les bouchons de champagne dans les boîtes de nuit de la capitale.


Le colonel Mamadi Doumbouya, président de la transition de Guinée. © DR
Le colonel Mamadi Doumbouya, président de la transition de Guinée. © DR
Ces hommes n’hésitaient pas non plus à louer des maisons et des appartements à prix d’or, protégés par de nombreux officiers prospérant à l’époque de trafics connus de tous. Mais leur règne prit fin avec le régime du capitaine Moussa Dadis Camara, en 2008. Celui qui fut moins d’une année président de la Guinée les contraindra à l’exil. Et ils disparurent totalement sous la décennie du président Alpha Condé.

Depuis quelque temps, un célèbre restaurant de Conakry, situé non loin du ministère du Budget est devenu le rendez-vous quotidien de businessmen – des latinos américains – au look tiré de la série populaire télévisée Les Soprano : chapeau feutre, bagues aux doigts, grosses chaînes autour du cou, attachés-cases à la main. Des passagers qui débarquent souvent de vols nocturnes de la Royal Air Maroc avec des colis prêts à être conditionnés à Conakry. Certains d’entre eux descendent à l’hôtel Kaloum, situé à deux cents mètres du palais Mohammed V, où réside le colonel Mamadi Doumbouya. Selon de nombreux observateurs, ces visiteurs se retrouveraient les week-ends sur l’île de Kassa, au large de Conakry. Récemment inquiété par un fonctionnaire, l’un d’entre eux aurait répondu à ce dernier : « Laisse tomber, nous aussi, nous avons des protections ».

Dès lors, les chancelleries occidentales s’inquiètent.

La Guinée deviendrait-elle une autre plaque tournante de la poudre blanche, comme la Guinée-Bissau, avec l’argent facile ? Aujourd’hui, des organisations de la société civile dénoncent le recyclage de la « chnouf », à travers un parrainage entre narcos et quelques pontes des services spéciaux. Lors de la saisie d’une quantité importante de drogue par l’Office central antidrogue (Ocad), on a pu entendre dans les talkies-walkies des militaires des mots de code comme « Papa mamiwata le poisson est dans le filet, nous sommes à Wantanamo pour le compte rendu au soleil de césar ». Comprendre : la marchandise a été livrée à qui de droit. Ainsi, l’information est remontée auprès des services de renseignement du Président, situés à un étage du palais Mohammed V. Car c’est en haut lieu qu’intervient la négociation pour le recyclage de la drogue saisie. Parfois, certains fonctionnaires civils de la présidence sont surpris de se voir invités à libérer très tôt leurs bureaux.

Tout récemment, un Colombien connu dans le milieu des narcotrafiquants du temps de Lansana Conté, sous le nom de Mario Chico – un proche du fils de l’ancien président, le défunt colonel Ousmane Conté – et une pakistanaise ont été aperçus à l’entrée de « Wantanamo », la dernière porte d’entrée avant l’accès dans la cour du Palais. Toute cette opération serait coordonnée par un membre des services de renseignement qui offrent aux Latino-Américains, une escorte aux bateaux de plaisance en haute mer sous la supervision d’un officier.

Il n’est pas rare aussi de découvrir des quantités de drogue saisies et incinérées à la frontière entre la Guinée et le Mali, précisément au poste frontalier de Kouremalé. Quelques radios privées, menant des enquêtes difficiles, exposent à présent le dossier sur la place publique. La presse est sans nouvelle d’une quantité de 274 plaquettes de cocaïne qui se trouvait au niveau de la direction d’investigation de la police, située dans un local de la villa des Nations. Récemment, une cérémonie d’incinération de 2,8 tonnes de cocaïne saisies a fait l’objet d’un battage médiatique exceptionnel. Un événement auquel des diplomates accrédités en Guinée ont pris part, en présence du Procureur de la République à l’époque, aujourd’hui Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des droits de l’homme, nommé le 8 juillet 2022, Charles Wright. Exactement la même quantité a été saisie au poste frontalier entre la Guinée et le Mali, laissant planer le doute sur la fiabilité de ces opérations d’incinération...

De même, un camion contenant 250 cartons de Tramadol – un analgésique opioïde de synthèse considéré comme la drogue des pauvres – a été saisi au port autonome de Conakry. Le camion qui les transportait était stationné Place d’armes, au bataillon du quartier général de camp Samory, en juillet 2022, a disparu.

La nouvelle junte qui a vidé les caisses de l’Etat est en quête permanente d’argent. Depuis le 5 septembre 2021, les opérateurs économiques guinéens sont désormais au garde-àvous. Aucun ne veut perdre sa position sociale ou être accusé de concussion par les fonctionnaires de l’Etat et se voir arrêter par la Cour de répression des infractions économiques et financières (Crief). Le premier à avoir capitulé, est le patron du groupe Guicopres, fondé en 1998, Kerfalla Person Camara, dit « KPC ». Cet entrepreneur de 52 ans, a commencé sa carrière avec le général Sékouba Konaté, lequel en 2009, lui avait octroyé, de gré à gré, de nombreux marchés d’Etat – dans le domaine de la construction – payés d’avance et dont certains travaux n’ont jamais été achevés, tandis que les bénéficiaires des commissions eux ont touché leur commission.

Aujourd’hui encore, sans appel d’offres, le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) vient de lui confier la démolition et la reconstruction de la cité ministérielle dans le quartier de Landreah, la réhabilitation des voiries de la ville de Dubreka menant à une résidence du colonel Mamadi Doumbouya. Pourtant, jusqu’à récemment, au cours d’une réunion à la présidence, « KPC » était concerné par un audit fixant à 500 milliards FNG (57 millions d’euros) le montant de sa surfacturation passée. Notamment concernant la route Sonfonia-Kagbelen. L’homme a connu une relative prospérité, également sous le président Alpha Condé qui lui avait également confié des marchés, même si la surfacturation - déjà connue à l’époque - posait problèmes.

« C’est un homme qui paye les commissions avant l’exécution des marchés », déclare un ancien du ministère du Budget. Dès l’arrivée des nouveaux militaires, il s’est livré pieds et poings liés. Comme Antonio Souaré, le patron de la Fédération guinéenne de football (Feguifoot) et de Guinée Games, dont l’entreprise de jeu a été versée au portefeuille de l’Etat.

L’homme a pourtant financé la cérémonie de la première année du colonel Mamadi Doumbouya au pouvoir. A l’instar d’autres businessmen de la place, comme l’Indien Ashok ou Ansoumane Kaba Guiter, pourtant beau-frère du président Alpha Condé.

La junte a créé un climat de racket obligeant de hauts cadres de l’Etat à « passer à la caisse » ou à justifier leur niveau de vie, comme les anciens ministres retenus à la prison civile de Conakry, depuis le mois d’avril 2022. Tous leurs comptes bancaires ont été gelés. De plus, tous ont été sommés de payer des cautions s’élevant à plusieurs milliards de francs guinéens pour recouvrir un semblant de liberté.

L’ancien gouverneur de la Banque centrale, Louncény Nabé, le Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana, l’ancien président de l’Assemblée nationale, Amadou Damaro Camara, les ministres Oyé Guilavogui, Ibrahima Kourouma, Albert Damantang Camara (libéré après le paiement d’une caution de 1 milliard de FNG (114 000 euros), comme le ministre des Hydrocarbures, Zakaria Koulibaly. Quant au ministre de la Défense, Mohamed Diané, l’ubuesque dépasse le surréalisme, puisqu’on lui demande de justifier l’utilisation des fonds secrets de la Présidence qui sont selon la loi guinéenne, à la seule discrétion du président de la République.



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