Accueil
Envoyer à un ami
Imprimer
Grand
Petit
Partager
ANALYSE

Le pogrom des musulmans de Centrafrique


Alwihda Info | Par Senoussi Rabah - 4 Mars 2014


POURQUOI LES ANTI-BALAKAS ET EX-FACAS ET LA POPULATION EN GÉNÉRALE TUE LES MUSULMANS EN CENTRAFRIQUE ?


Par Senoussi Rabah

La minorité musulmane de Centrafrique est la cible depuis plusieurs mois de véritables pogroms instigués par des Gbayas extrémistes.

Décryptage.

La voie vers la justice est un long chemin semé d'embûches. Les musulmans de Centrafrique en font l'amère expérience depuis 7 mois. Quartiers éventrés, mosquées parties en fumée, et corps calcinés gisant à même le sol.., cette minorité qui représente 15 % de 4, 5 millions de centrafricains, est victime de pogroms perpétrés par la population (anti-balakas, ex-facas, chrétiens et animistes...).

Plus de10 000 musulmans ont été tués au cours de 5 derniers mois et plus de 200 000 déplacés dans les pays limitrophes et vers le nord du pays, forçant les forces internationales impuissantes à intervenir. Au lieu de les protéger celles-ci n’ont réussi qu’à aider à vider les musulmans de leur pays.

Les violences ont gagné tout l'ouest, le sud et le sud-ouest vidant des populations musulmanes entières vivantes depuis plus d'un siècle et ont embrasé désormais la capitale Bangui qui s'est vidé de plus de 90 % de ses musulmans; les quelques milliers qui restent sont cantonnés dans le ghetto du Km5.

A l'origine il y a la prise du pouvoir de la Séleka qui a commis des exactions, leurs désarmements par les forces françaises de Sangaris et la Misca ont dégénéré en représailles contre la population civile musulmane. Pendant plusieurs mois, des groupes de soldats centrafricains (ex-Facas), des anti-balakas et des émeutiers ont détruit tout ce qu'il y avait de musulman sur leur passage, transformant les villes et les villages en véritables coupe-gorge. ¨Ces groupes de civils animistes et chrétiens ont été fanatisés par des extrémistes Gbayas et les membres du KNK(parti Kwa Na Kwa) explique un spécialiste de Centrafrique. Ces extrémistes Gbayas tirent parti du profond racisme existant au sein de la société centrafricaine.

On constate un déferlement de haine et de massacre des musulmans alimenté par des extrémistes de tout bord sur les réseaux sociaux notamment facebook appelant ouvertement aux meurtres de femmes, hommes, enfants et vieillards. Cette campagne ouvertement raciste et anti-musulmane a tourné à l'invitation au meurtre. Elle est principalement le fait des membres Gbayas, l'ethnie majoritaire d'un pays qui compte plus de 200.

Vivant depuis des siècle au nord du pays au temps de sultanat d'Idriss et du royaume de Dar el Kouti, les musulmans représente une petite minorité. La colonisation française a également favorisé l'arrivée sur le territoire centrafricain des travailleurs et des commerçants musulmans en provenance du Tchad, du Sénégal, du Cameroun, du Nigeria, du Niger et de l'Afrique de l'ouest. Or ces minorités(nilotique et sahélienne) ont toujours été victimes du racisme ordinaire de la population Bantoue (chrétienne et animiste) en générale.

Instrumentalisation

¨Les Bantous se considèrent comme les seuls vrais Centrafricains¨ explique un connaisseur du pays. Tous les autres peuples ne sont vus que comme invités qui ne sont qu'hébergés dans le pays.¨

En somme , la population musulmane du nord a été marginalisé par les différents régimes chrétiens qui se sont succédés depuis l'indépendance; aucune route digne de ce nom n'a été construite, ni des hôpitaux et écoles durant plus de 50 ans, la cantonnant ainsi aux travaux miniers. Et le comble , l'arrivée au pouvoir du régime Bozizé a accéléré sa déconfiture en la dépossédant de ses biens et en spoliant de ses mines et instruments. Dès lors la population musulmane du nord du pays s'est révoltée en créant une coalition rebelle dénommée seleka(alliance) et marche cers Bangui.

Dirigeant le pays d'une main de fer pendant près de 10 ans (2003-2013), le pouvoir raciste de Bozizé, a crée l'amalgame envers les musulmans centrafricains les accusants de terroristes et djihadistes suite à l'avancée fulgurante de la coalition Seleka et sentant sa fin prochaine s'approcher.

¨Dès lors, le pouvoir a instrumentalisé une jeunesse désoeuvrée pour consolider son régime en créant la milice Cocora et en leur distribuant des armes de guerres et machettes. Principale cible de cette politique discriminatoire,la communauté musulmane Rounga, Goula mais surtout Peule , Tchadienne et Soudanaise.

Ces musulmans d'origine (Tchadienne, Nigériane, Soudanaise, Nigérienne, Camerounaise...) dont la majeure partie vit dans l'ouest et le sud du pays , dans la capitale Bangui et plus au Nord, sont victimes de rackets et humiliations et le renouvellement du passeport relève du calvaire car considérés comme étrangers.

¨Ils n'ont pas d'autre états et sont arbitrairement considérés comme des étrangers, malgré qu'ils vivent ici depuis des siècles ou des générations; ce qui est faux.¨résume un expert de Human Rights Watch.

Instrumentalisation de la peur

Extorsion de leurs mines de diamants, difficultés à travailler dans l'administration ou étudier dans certains domaines leur est souvent refusé, les musulmans centrafricains sont, d'après l'ONU, la ¨minorité la plus persécutée au monde actuellement¨.

Si la population en générale fait tout pour les forcer à quitter la Centrafrique, quitte à les placer dans des camps ou enclaves aux conditions de vie misérables (comme au KM5), elle va en parallèle attiser contre elle une véritable haine anti-musulmane¨ Il s'est développé chez eux une réelle méconnaissance de l'islam¨raconte un expert. La population a été très choqué par la destruction par la Seleka des biens , des villages et la profanation des églises qui ont été relayés par l'église catholique de Rome et alimenté par certains prêtres véreux. L'arrivée de Sangaris a contribué au départ de la Seleka vers le nord ce qui a laissé la population musulmane sous le feu de la vindicte populaire les assimilant à des traitres.Ces forces française se sont révélés partiales en ne désarmant que les musulmans, du coup ceux-cu se trouvent désarmés et donc à la merci de leurs ennemis les anti-balakas.

le départ de Seleka et leur cantonnement ne pouvaient donc qu'exacerber ce ressentiment. ¨Les haines , retenues oar des chapes de plomb, se sont exprimées au grand jour¨résume un analyste. Dès lors, le soutien de Sangaris aux anti-balakas, et leur indifférence aux lynchages des musulmans, signifiait que tout est permis.¨Le scénario tant redouté du génocide contre les chrétiens est en fait transposée sur la minorité musulmane entre septembre 2013 et mars 2014, il est toujours en cours .et ça continue.

Très vite les forces françaises de Sangaris sont accusées-au mieux-de passivité-au pire-de complicité dans les violences car leur arrivée a grandement contribué au nettoyage ethnique des musulmans de Centrafrique et même du génocide.

Le silence des politiciens centrafricains et la communauté internationale sur le génocide en cours.

Des nombreux messages de haine ciblant les membres de cette minorité -¨des terroristes, des envahisseurs¨- sont diffusés sur internet (facebook) et même relayés par une partie de la presse centrafricaine comme la radio Ndeke Luka. Les chercheurs y voient d'ailleurs un lien avec les violences actuelles¨Ce genre de pamphlets anti-musulmans fleurit aujourd'hui dans des nombreux villes et villages et pousse à l'action, d'autant plus que les auteurs bénéficient d'un sentiment d'impunité.¨

Personne n'ose critiquer ces massacres en cours, les hommes politiques centrafricains ne souhaitent certainement pas se mettre le peuple à dos, notamment dans l'optique des prochaines élections législatives de 2015. Grande figure de la classe politique, Martin ziguélé (le favori) frappe depuis le début de ce génocide par son silence et il n'est pas le seul à faire ce calcul. De même le silence ahurissant des organisations des défenses de droits de l'homme, des médias, de la ligue centrafricaine de droits de l'homme est surprenant !

Personne, ne peut pas se mettre à dos la population, l'armée et les membres de son parti. Or, ils sont tous profondément racistes.



Pour toute information, contactez-nous au : +(235) 99267667 ; 62883277 ; 66267667 (Bureau N'Djamena)