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Santé

Santé : halte à la prise en charge aberrante ou inadéquate du paludisme dans les formations sanitaires


Alwihda Info | Par Dr Djiddi Ali Sougoudi - 5 Août 2018



Illustration. Crédits photo : DR
Illustration. Crédits photo : DR
Il est de notre responsabilité au niveau du Programme National de Lutte contre le paludisme (PNLP) d’attirer l’attention des praticiens et de la population sur la prise en charge aberrante ou inadéquate du paludisme dans nos formations sanitaire.

Pour toute suspicion de paludisme, il faut impérativement faire un test de diagnostic avant tout traitement antipaludique. C’est ainsi qu’il faut faire un test de diagnostic rapide (TDR) dans tous les Centres de santé pour confirmer ou infirmer le paludisme. Il ne faut jamais traiter le paludisme sur simple présomption sans un test de diagnostic.

Les TDR sont disponibles partout dans les Centres de santé du Tchad.

Dans les districts et les grands hôpitaux, il faut une Goutte-Épaisse (G.E) et un frottis sur une même lame, à lire au microscope par un technicien expérimenté et dévoué. Des nombreux techniciens de labo du Tchad n’en sont pas capables et font semblant d’exécuter la technique avec pour corollaires des résultats fallacieux qui ne sont pas souvent confirmés ou infirmés lors de nos supervisions pour controlé-qualité des lames supposées positives ou négatives.

Il y a nécessite absolue de former et recycler ces biotechniciens appelés laborantins.

Il n’est pas admis, non plus, par la politique nationale de lutte antipaludique d’utiliser le TDR dans les districts et hôpitaux régionaux qui doivent utiliser la microscopie ( G.E et Frottis) qui demeure les examens de référence pour cette politique et dans ces structures afin de poser le diagnostic de paludisme.

Une fois le diagnostic posé, il faut classer en paludisme simple ou en paludisme grave, deux entités dont les traitements different.

- Paludisme simple, sans signe de gravité (Paludisme simple: arthralgie, maux de tête, fièvre, goût amer, rare vomissement etc...): il faut donner uniquement un CTA (Combinaison thérapeutique à l’Artemisinine) par voie orale qui associe soit Artesunate + Amodiaquine dans les régions sans chimioprophylaxie du paludisme saisonnier (CPS) soit Artemeher + Lumefantrine dans les régions où les enfants de 3 à 59 mois reçoivent de la CPS. Ces molécules combinées sont très efficaces et indiquées pour un traitement cohérent du paludisme simple. Toute autre molécule n’est souvent pas la meilleure même si d’autres CTA sont recommandées et acceptables par l’OMS.

- Paludisme grave: le responsable du Centre de santé doit référer le patient vers un hôpital de district ou vers un hôpital régional après une dose pré-transfert d’Artesunate en IV ou en IM ou de l’Artenether en IM uniquement. Dans le district ou dans un hôpital régional, le patient sera hospitalisé et recevra l’artesunate en première intention ou artemether à défaut de l’artesunate en seconde intention, pendant 24h à 48h, jusqu’à disparition des signes de gravités puis un traitement de relais avec CTA comme pour paludisme simple.

Le paludisme grave se distingue du paludisme simple par les signes de gravités cliniques qui sont:

-agitation, prostration, convulsion, coma,
- saignement spontané ou hémorragie diffuse
-anémie clinique (pâleur des conjonctives),
-ictère (coloration en jaune de conjonctive bulbaire)
-détresse respiratoire aiguë avec œdème du poumon,
-signes collapsus (extrémités froides, pouls imprenable, signes de choc ou collapsus cardiovasculaire ..),
-absence ou rareté des urines ou urine noire Coca-Cola etc...

Les signes biologiques (décelable par le laboratoire) de paludisme grave sont les suivants:

• Parasitémie supérieure à 5% chez un sujet non immun ou supérieure à 20% chez sujet vivant en zone d’endémie.
• Anémie grave.Hématocrite<15-20%, Hb <5-6 g/dl, normocytaire.
• Insuffisance rénale Diurèse < 400ml, créatininémie > 265mcmol/l
• Hypoglycémie. Glycémie < 2,2 mmol/l.
• Acidose métabolique pH artériel < 7,25 ou bicarbonates < 15mmol/l.

L’utilisation exagérée de la quinine en perfusion comme se fait de nos jours pour toutes formes de paludisme est une aberration qui ne respecte pas les protocoles nationaux de prise en charge correcte de paludisme.

La quinine est juste utilisable et indiquée seulement chez la femme enceinte au premier trimestre.

Les CTA pour le paludisme simple ainsi que les injectables (Artesunate et artemether) pour le paludisme grave sont tous disponibles et gratuits dans tous les centres et hôpitaux du Tchad sauf en cas de rupture artificielle ou provoquée par des responsables véreux voulant vendre des produits douteux à visée mercantiliste à la place de ces médicaments.

Il faut éviter les médicaments de rue qui sont soit sans principe actif, soit dénaturés par la chaleur et la lumière à cause des conditions douteuses de transport et de vente à l’air libre et sous la chaleur. Ces traitements peuvent être inefficaces et peuvent aussi retarder la prise en charge alors que le paludisme évolue rapidement et met, de ce fait ou attitude, le pronostic vital en jeu. Ces médicaments douteux peuvent rassurer faussement et ils peuvent aussi entraîner des dépenses inutiles et coûteuses pour la famille du patient à sauver.

La population tchadienne aime sans raison les formes injectables du paludisme alors que les CTA orales sont les meilleurs médicaments pour un paludisme simple ainsi que pour un paludisme grave devenu simple par un premier traitement injectable qui nécessite un relais par ces CTA d’efficacité prouvée dans tous les pays et par l’OMS. Donc inutile d’exiger d’emblée un traitement injectable. D’ailleurs ouvrir les veines pour un traitement injectable et dans des conditions douteux par un personnel de capacités douteuses peut occasionner des situations dramatiques de septicémie, de choc anaphylactique et d’autres complications graves. Alors attention au recours abusif et sans indications des formes injectables des antipaludiques qui ne peuvent être utilisées que dans un hôpital et par des soignants aguerris et compétents.

Il faut aussi éviter l’utilisation aberrante par la population tchadienne de Malarone qui est un médicament de prévention pour les expatriés qui font un court séjour dans les pays endémique au paludisme. C’est une molécule très chère mais jamais indiquée pour un traitement des patients tchadiens. Certains croient que sa cherté est un gage d’efficacité et en achètent pour se traiter avec mais c’est faux et archi-faux. C’est donc un médicament réservé aux expatriés et uniquement à eux. Ce n’est préventif ni curatif pour les tchadiens et les africains vivant en zones de paludisme.

Les autres mesures de prévention du paludisme demeurent les meilleurs moyens pour se protéger contre le paludisme.

Attachez certes vos ceintures pour lutter contre le paludisme mais surtout attachez bien vos moustiquaires imprégnées pour y dormir et pour faire y dormir les êtres qui vous sont chers de toutes vos familles.

Dr Djiddi Ali Sougoudi
Médecin infectiologue et paludologue
Coordonnateur du PNLP



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