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Tchad : Colorado, un tueur silencieux de la jeunesse tchadienne


Alwihda Info | Par Ndafogo Salmanou Ludovic - 8 Octobre 2025



Au Tchad, un mot revient souvent dans les conversations des jeunes, dans les quartiers populaires comme dans les lycées : Colorado. Derrière ce nom à consonance étrangère, se cache une drogue redoutable, un mélange de produits chimiques aux effets dévastateurs.

Consommée sous forme de poudre, de liquide ou de cigarette artisanale, elle séduit par sa promesse d’euphorie immédiate, mais détruit lentement les corps et les esprits.

Une consommation qui gagne du terrain
Longtemps marginale, la consommation de Colorado s’est étendue à une vitesse inquiétante, notamment dans les grandes villes comme N’Djamena, Abéché et Moundou. « Au début, c’était juste un truc pour s’amuser entre amis. Maintenant, certains ne peuvent plus s’en passer », confie un jeune de 22 ans rencontré à N’Djamena.

Le produit, bon marché et facilement accessible, circule dans les ghettos, les marchés et même autour des établissements scolaires. Les adolescents en sont les premières victimes. Selon des éducateurs de rue, beaucoup de jeunes tombent dans le piège du Colorado dès l’âge de 13 ou 14 ans, attirés par l’effet de « puissance » ou de « courage » qu’il procure temporairement.

Des effets dévastateurs sur la santé
Les médecins tirent la sonnette d’alarme. Le Colorado, souvent fabriqué à base de solvants, de médicaments détournés et de substances toxiques, provoque une dépendance rapide et des dommages irréversibles. « C’est une bombe chimique pour le cerveau. Les consommateurs présentent des troubles mentaux, des pertes de mémoire, des hallucinations et parfois des comportements violents », explique un psychiatre de l’hôpital de N’Djamena.

À long terme, les conséquences sont dramatiques : affaiblissement du système nerveux, atteinte des organes vitaux, dégradation physique visible et isolement social. Plusieurs jeunes ont déjà perdu la vie après des overdoses ou des crises psychotiques liées à la consommation de cette drogue.

Une menace sociale grandissante
Au-delà des drames individuels, le Colorado est devenu un véritable fléau social. Dans de nombreux quartiers, les familles vivent dans la peur de voir leurs enfants sombrer. Les jeunes qui en ont déjà une addiction abandonnent l’école, commettent des délits pour se procurer la drogue et plongent dans la marginalité.

« On perd une génération », s’inquiète un enseignant d’un lycée de la capitale. « Certains élèves arrivent en classe complètement désorientés. D’autres disparaissent pendant des semaines. On ne sait pas toujours comment les aider. »

Le CEDIRAA en première ligne du combat
Face à cette menace croissante, le Centre Diocésain de la Recherche-Action en Alcoologie (CEDIRAA) s’engage activement pour endiguer le phénomène. Présent depuis plusieurs années dans la lutte contre les addictions, ce centre mène une bataille acharnée contre le Colorado à travers des campagnes de sensibilisation, des séances de formation et des activités communautaires.
« Nous faisons de notre mieux pour stopper la propagation de cette drogue. Chaque semaine, nous allons à la rencontre des jeunes dans les écoles, les quartiers et les lieux de loisirs pour leur expliquer les dangers du Colorado », déclare un animateur du CEDIRAA.

La directrice du Centre, Sœur Roiné Aurélie, alerte sur l’ampleur du fléau. Dans une interview accordée au journal Alwihda Infos, elle affirme que « sur 5 personnes hospitalisées au CEDIRAA, 2 sont consommateurs de Colorado ». Ce chiffre, à lui seul, illustre la gravité de la situation et l’urgence d’une mobilisation nationale. Le Centre ne se limite pas à la prévention. Il accompagne également les jeunes dépendants dans leur processus de réhabilitation, grâce à un suivi psychologique et spirituel.

Des sessions d’écoute, de conseil et d’encadrement sont organisées pour redonner espoir à ceux qui veulent s’en sortir.

L’État et la société civile mobilisés
En parallèle, les autorités sanitaires et les associations locales soutiennent les efforts du CEDIRAA. Des campagnes médiatiques sont lancées pour alerter sur les effets du Colorado, tandis que des projets communautaires visent à créer des alternatives pour les jeunes en situation de vulnérabilité. Cependant, la lutte reste difficile.

Le manque de ressources, l’absence de centres de désintoxication adaptés et la faible coordination entre les acteurs limitent l’efficacité des actions. Beaucoup de jeunes dépendants sont livrés à eux-mêmes, sans réel suivi ni accompagnement.

L’urgence d’une mobilisation nationale
Pour de nombreux observateurs, la lutte contre le Colorado doit devenir une priorité nationale. Elle ne peut se limiter à la répression des revendeurs : il faut une approche globale, combinant prévention, éducation, soins et encadrement social. Les familles, les enseignants, les leaders communautaires et religieux ont tous un rôle à jouer dans cette bataille pour sauver la jeunesse tchadienne.

Le Colorado tue en silence, mais son empreinte est bien réelle. Dans les ruelles de N’Djamena, comme dans les villages reculés, il fauche des vies et brise des destins. Si rien n’est fait rapidement, cette drogue pourrait devenir le symbole d’une génération sacrifiée.



Pour toute information, contactez-nous au : +(235) 99267667 ; 62883277 ; 66267667 (Bureau N'Djamena)