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Tchad : étudiants confinés à Koutéré, "c'est alarmant", prévient un député


Alwihda Info | Par Golmen Ali - 27 Mars 2020


Un millier d'étudiants tchadiens retournés du Cameroun sont confinés à Koutéré. Le député Mbaidessemel Dionadji s'y est rendu pour constater les conditions de confinement. A son retour, il a accordé un entretien à Alwihda Info, et déplore des traitements inhumains et dégradants.


Le député Mbaidessemel Dionadji.
Le député Mbaidessemel Dionadji.
Alwihda Info : Monsieur Mbaidessemel Dionadji, vous venez d'effectuer une descente sur le terrain par rapport aux étudiants qui sont confinés à Koutéré. Quel est le constat sur le terrain ?

Le constat sur le terrain c'est un constat amer. Sinon nous savons que le Gouvernement a pris une bonne décision pour nous préserver de cette pandémie, mais malheureusement pour les mesures par rapport aux étudiants c'est assez alarmant du simple fait que les enfants sont confinés dans des conditions vraiment très, très difficiles.

Ce qui nous amène à dire qu'il y a une impréparation. Malgré que la décision ait été prise, il n'y avait pas des prises de position qui consisteraient à aménager des coins pour que tous ceux qui viennent de l'autre côté, principalement du Cameroun, on pouvait les accueillir. Le gros problème c'est la structure d'accueil. Si vous arrivez là, l'école dans laquelle les enfants sont mis, c'est une école qui n'est pas fréquentée. Comme ce n'est pas fréquenté, il y a plein d'herbes. Il y a des serpents, pleins de reptiles. Mais on fait venir les enfants là-dedans. Les enfants sont là, chaque jour pour tuer des serpents. Ça fait déjà un problème psychologique.

Deuxième chose, il faut qu'ils mangent. Les enfants n'ont pas à manger. Pour boire, c'est tout un problème. Donc ces conditions-là apportent un traumatisme nouveau à ces enfants parce que, quand ils ont entendu parler de la pandémie qui sévit partout ailleurs, ils fuient pour venir chez eux. Voilà tout le traitement qu'ils sont en train de vivre. C'est des traitements inhumains. On n’a pas de sentiments, tant pis pour eux. Des traitements dégradants. leur condition de vie est dégradée à tel enseigne que les enfants se disent mais quel mal ils ont commis pour vivre ce sort là. Pire, on laisse circuler librement les chauffeurs de gros-porteurs. Eux ils font les mêmes tests que les étudiants. Ils passent, ils circulent. mais les étudiants on les bloquent, comme quoi on les met en quarantaine. Imaginez le paradoxe. Or les chauffeurs, rien n'empêche qu'on puisse dire qu'ils sont les grands porteurs aussi. On les laisse circuler. Ce sont ces enfants qu'on torture.

Comment ils dorment ?

Ils sont à même le sol, ils s'arrangent. Les femmes mettent leurs pagnes par terre. On est obligés en tant que parents, on a couru pour leur ramener certaines choses qu'ils utilisent. Heureusement les gens de Koutéré étaient sympathiques pour mobiliser leurs biens pour donner. En parlant des fonctionnaires, douaniers et autres qui sont là, c'est eux qui ont secouru les enfants. Certains ne se sont pas lavés depuis deux, trois jours. On leur amène des sceaux. Mais les conditions dans lesquelles on les a mis, c'est vraiment déplorable.


Qu'est-ce que les autorités sur place ont fait ?

Les autorités locales, principalement le vice-gouverneur de la région du Logone Oriental et le préfet de Monts de Lâm étaient présents. Il faut reconnaitre leur engagement aux côtés des enfants. Ils ne bougent pas, ils sont là. Eux-mêmes pour trouver à manger, c'est des problèmes. Ça veut dire que y'a problème à tous les niveaux. Ils pouvaient faire comprendre à leurs supérieurs que le coin n'est pas indiqué, qu'il faut amener les enfants dans un grande centre quand même, en apprêtant des véhicules. Ça n’a pas pu être fait.

Ce qui est assez choquant dans l'esprit des enfants, avant-hier, vers midi, il était convenu qu'ils regagnent leurs familles. Bon nombre ont quitté déjà pour regagner leurs familles. Brutalement vers 15 heures, un contre-ordre arrive pour qu'on puisse maintenir l'équipe qui est restante. Ça fait que ça frustre les gars. C'est ça qui les choquent beaucoup plus. 

Par ma présence, je les encourage. C'est une mesure qui nous concerne tous, une mesure d'intérêt national. Malheureusement c'est la gestion qui a biaisé un peu. Ils n'ont qu'à prendre de patience. Les autorités vont faire un effort pour les cadrer. Mais là où ils sont, si on peut réussir à les déplacer plus loin ce serait mieux. Malheureusement, même hier je suis reparti, ils sont restés dans les mêmes conditions. On m'a fait croire que c'est les ONG qui vont leur amener à manger. Il y a certains qui sont malades, on ne sait pas ce qu'il faut leur donner.

Quel est l'appel que vous pouvez lancer à l'endroit du Gouvernement ?

L'appel que je dois lancer, c'est que ce sont des enfants qui, de l'autre côté ont passé normalement les tests. Logiquement, ceux-là doivent regagner leurs familles. Surtout qu'il n'y avait pas une préparation d'accueil. On devait les libérer pour regagner leurs familles, faire le suivi même dans les familles. Ça peut se faire puisqu'ils ont pris toutes les coordonnées. Maintenant que les dispositions sont prises, ceux qui viennent après, on pouvait les caserner comme il se devait. Malheureusement ils ont pris ces mesures, mais il n'est pas tard. Ils peuvent revenir à la décision de libérer les enfants, regagner leurs familles. Ça serait aussi un appui de la famille à l'État parce que l'État n'a pas les moyens. On peut utiliser les familles et le corps médical peut les suivre, étant donné que certains enfants qui viennent, se déclarent aux services de santé. Il n'y a pas de raison qu'on puisse malmener ces enfants. Je vous assure qu'en ce moment, c'est de la torture. Le pouvoir qui est en train de s'exercer ne tient même pas compte de la vie humaine. Est-ce que l'économie peut se tenir sans hommes ? C'est ça la question qu'il faut se poser. C'est très, très difficile. Mais ils disent que les chauffeurs de gros-porteurs, on les laisse rentrer parce que c'est de l'économie. 

Est-ce que sur place, il n'y a que des étudiants ou d'autres personnes avec eux ?

Il y a d'autres personnes. Personne n'est épargné, c'est vrai, mais il y a une discrimination qui se fait à l'intérieur. Il y a des autorités qui enlèvent certains enfants pour les faire rentrer. Aussi, les agents de santé même font usage de véhicules de la santé pour enlever certains enfants et les faire rentrer.

Vous avez donc pu saisir le Parlement. Qu'en résulte-t-il ?

J'étais obligé d'interpeller les collègues au regard de toutes les difficultés, pour aider les enfants. Le hasard a fait qu’ils avaient une réunion d'urgence au niveau du bureau, avec les présidents de groupes parlementaires. J'en ai profité, j'ai tout fait pour passer le message. Comme les représentants du Gouvernement étaient là, ils ont dit qu'on les beaucoup alertés aussi. Le président de l'Assemblée, avant-hier déjà j'ai tout fait pour le lui communiquer. Il les a interpellés. Ils sont "à pied d'œuvre", c'est ça le terme. Mais à pied d'œuvre où ? A N'Djamena, ils prennent des décisions mais les réalités sur le terrain, c'est tout autre chose.

J'ai appris que c'est le ministre du Plan qui est en charge mais je vous assure que jusqu'à hier soir, 17 heures, c'est des palettes d'eau qu'on va rassembler aux enfants. Aujourd'hui, j'ai appelé dans la journée, c'est des biscuits qu'on va distribuer aux enfants. Une bouteille d'eau, tu vas faire deux jours avec. Attendre tout une semaine pour manger des biscuits, c'est très, très délicat. Là où l'on est, si on ne fait pas garde, c'est à partir de ce moment qu'on fait exploser la maladie au Tchad. La maladie va s'exploser parce que les conditions dans lesquelles on est en train de gérer posent énormément problème. Nous-mêmes on est combien d'abord ? ils veulent qu'on soit exterminés avant que les autres puissent venir ? C'est très malheureux. J'interpelle le Gouvernement pour qu'il puisse gérer les enfants avec délicatesse. Qu’ils les gèrent avec délicatesse. On ne peut pas parler de l'économie sans les hommes. Mais maintenant, eux ils disent que c'est économie.  On laisse les chauffeurs circuler comme ils veulent, mais les enfants qui sont partis étudier, ce n’est pas leur problème. C'est très, très dangereux.

Propos recueillis par Golmen Ali.



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