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EDITORIAL

Tchad : l'injustice flagrante entretenue au sein de l'armée, un obstacle à la réforme


Alwihda Info | Par - 18 Juin 2023


Le Tchad joue un rôle essentiel dans la lutte contre le terrorisme et le président de transition, le général Mahamat Idriss Déby Itno, a cherché à renforcer les alliances politiques et les partenariats sécuritaires avec des pays occidentaux tels que la France et les États-Unis depuis son accession au pouvoir après la tragique mort de son père sur le front.


L'armée tchadienne, qui compte entre 60 000 et 70 000 soldats selon certaines estimations, jouit depuis près d'une décennie d'une bonne réputation à l'étranger. Cependant, l'armée présente des signes d'indiscipline, tant sur le territoire national que lors de missions internationales de maintien de la paix, ce qui malheureusement entraîne la mort de soldats lors de conflits internes. De plus, le budget alloué à la défense dépasse celui de l'éducation, qui devrait être une priorité pour un gouvernement responsable cherchant à promouvoir le développement socio-économique du Tchad.

Le Tchad, autrefois considéré comme un pays pauvre et sans influence régionale, a acquis une stature nouvelle sur la scène africaine au cours de la dernière décennie, principalement grâce à sa capacité à déployer son armée pour lutter contre les mouvements jihadistes au Sahel et au lac Tchad. Malgré la volonté déclarée du président de transition, le général Mahamat Idriss Déby Itno, de créer une armée nationale et professionnelle, cette ambition peine à se concrétiser. Ces derniers temps, les actes du président en termes de promotions et d'avancements au sein de l'armée tchadienne contredisent sa volonté apparente. Avant lui, son père, Idriss Déby Itno, au cours de ses 30 années de règne sans partage, a mené plusieurs réformes qui n'ont pas réellement réussi à restructurer les forces de sécurité et de défense, qui demeurent organisées sur des bases communautaires.

Les récents décrets du président de transition promouvant de nombreux officiers supérieurs au grade de général illustrent bien l'absence de méritocratie et creusent le fossé entre les troupes d'élite, principalement dirigées par des membres de sa propre communauté, qui bénéficient d'une meilleure formation, de meilleurs équipements et de meilleures rémunérations, et le reste des soldats, qui sont nettement moins pris en compte par le pouvoir et moins bien équipés. Cette injustice criante ne contribue pas à renforcer la cohésion au sein de l'armée tchadienne. Parmi les officiers promus au grade de général, près de 90 % proviennent de l'ethnie du président de transition, tandis que ceux provenant d'autres régions du pays sont laissés à la merci de la déception et de la frustration. Il est courant de constater qu'un seul sous-clan compte une trentaine de généraux, sans compter les dizaines ou les vingtaines de généraux issus d'autres clans, tous originaires d'Amdjarass, alors que plusieurs provinces en sont privées. Après Amjarass, ce sont les généraux de Dar Kobe qui sont les plus nombreux au Tchad en raison de leur appartenance tribale aux Beri de Dar Bilia. Cette situation crée un fort sentiment d'injustice et de frustration parmi de nombreux soldats et officiers.

Cette promotion tous azimuts ne respecte aucune déontologie militaire. Il est indéniable que le nombre de généraux au Tchad dépasse largement celui de pays comme la Chine et la France. La Chine, le pays le plus peuplé du monde et considéré comme la deuxième puissance économique mondiale, compte 191 généraux, tandis que le Tchad en compte plus de 500. Ce sentiment d'injustice et de mépris envers des officiers bien formés qui remplissent tous les critères de mérite est sciemment entretenu par le chef de la junte dans le but d'acheter la fidélité et la loyauté de ses proches et de son clan, les encourageant ainsi à faire face aux menaces posées par les mouvements rebelles présents dans le nord et le sud du pays.

Ce sentiment d'injustice et de mépris envers des officiers bien formés qui remplissent tous les critères de mérite est sciemment entretenu par le chef de la junte dans le but d'acheter la fidélité et la loyauté.


Cette approche suggère que les militaires originaires d'autres régions du Tchad ne remplissent pas correctement leurs fonctions militaires. À ce rythme, toute volonté de réelle réforme de l'armée pour la rendre véritablement nationale dans sa composition et républicaine dans sa mission ne serait qu'une illusion. Seul le redémarrage du projet de réorganisation des forces armées, qui vise à élaborer un système national de défense adapté, cohérent et efficace, permettra d'instaurer la justice au sein de cette institution de sécurité. Ce projet global comprend des domaines tels que la formation professionnelle et la reconversion, la formation des cadres et la logistique-maintenance. Il peut également assurer la coordination avec d'autres projets visant à restructurer et moderniser les forces armées tchadiennes. Le projet de formation des officiers et sous-officiers des forces armées et de sécurité se concentre sur la formation des officiers et des sous-officiers, ainsi que sur l'intégration des différentes catégories de personnel dans un cursus de formation adapté au contexte général.

Le général Mahamat Idriss Déby Itno, président de transition, doit envisager d'instaurer la justice au sein de l'armée tchadienne, tant en ce qui concerne les promotions des officiers que la représentativité de toutes les provinces, afin de construire une armée véritablement nationale dans sa composition et républicaine dans sa mission. Il est nécessaire de mettre à la retraite ce nombre pléthorique de généraux promus sans mérite, afin de réallouer ce budget colossal, que le trésor peine à supporter, à des projets de développement.
Djimet Wiche Wahili
Journaliste, directeur de publication. Tél : +(235) 95415519 / 66304389 E-mail :... En savoir plus sur cet auteur



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