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CINEMA

Dakar: 'Daratt' de Mahamat Saleh Haroun, projetté à l'Institut français


Alwihda Info | Par - ҖЭBIЯ - - 15 Août 2008


La scène se déroule au beau milieu du désert. Il fait nuit noire. Sous une tente, une lumière tamisée laisse entrevoir le visage d’un vieil aveugle, qui tend un revolver à son petit-fils en lui faisant ces recommandations : ‘Agis avec intelligence… Nassara est un homme dangereux.’ Nous sommes au Tchad.


Mahamat Saleh Haroun, cinéaste tchadien
Mahamat Saleh Haroun, cinéaste tchadien

Dakar: 'Daratt' de Mahamat Saleh Haroun, projetté à l'Institut français
Daratt de Mahamat Saleh-Haroun : L’'Assassaint' de mon père
Prix spécial du jury à la Mostra de Venise en 2006, Daratt, du Tchadien Mahamat Saleh-Haroun, a été projeté, samedi, au Cinéma de nuit, à l’Institut français.

La scène se déroule au beau milieu du désert. Il fait nuit noire. Sous une tente, une lumière tamisée laisse entrevoir le visage d’un vieil aveugle, qui tend un revolver à son petit-fils en lui faisant ces recommandations : ‘Agis avec intelligence… Nassara est un homme dangereux.’ Nous sommes au Tchad.

C’est la fin de la guerre civile. L’amnistie a été décrétée. Mais Atim, 15 ans, doit venger la mort de son père. L’assassin, Nassara, vit à N’Djamena, en toute impunité. Sur ordre de son grand-père, il part réparer cette injustice. Dans le car qui le conduit à la capitale, Atim plante un regard lourd de défi dans celui d’un militaire : ‘Tu veux ma photo ?’. L’homme pointe son arme sur lui. Le jeune garçon le toise puis détourne son regard, plein d’indifférence. La scène résume, à elle seule, le tempérament de l’orphelin.

A N’Djamena, il lui faut peu de temps pour retrouver la piste de celui qu’il cherche. L’assassin s’est racheté une conduite. Il est devenu un vieil homme qui vit de son humble métier de boulanger et distribue l’aumône devant son commerce. Atim s’avance vers lui. Nassara lui tend un morceau de pain. Il l’accepte, mâche et recrache. Puis il fixe le vieil homme, qui courbe l’échine et ramasse la nourriture. Le ton est donné. Le duel silencieux peut commencer. Nassara, bourreau repenti, cultive le paradoxe. Initiateur des premiers gestes de pardon, il finit par engager le jeune homme comme apprenti.

Dans le huis-clos de la boulangerie, prend forme un climat diffus. La trame semble dictée par Atim. Son regard et ses paroles sont pleins de reproches, mais ne laissent rien transparaître de son dessein. ‘Tu ne viens pas à la mosquée ? lui demande Nassara. J’étais comme ça avant.’ ‘Avant quoi ?, lui répond Atim. On ne se rachète pas en allant à la mosquée.’

Cette tension étrange qui règne entre les deux personnages, le réalisateur l’entretient tout au long du film. Il réussit à la rendre palpable sans musique, et se livre à cet exercice de haute-voltige sans autre filet que le jeu des acteurs et un montage audacieux, en coupes franches.

Audacieux, le scénario l’est aussi : à force de ‘pétrir la pâte’, mais sans jamais se départir de sa haine, ‘Atim l’orphelin’ trouve en Nassara un père de substitution. Ce vieil homme, reclus dans sa demeure, traîne les stigmates de la guerre civile : un égorgement raté. Un appareil lui permet de communiquer, de sortir de son silence. Entre son jeune apprenti et lui, c’est un jeu d’attirance et répulsion. Revolver à la main, le jeune homme s’entraîne, devant la glace, à accomplir le geste vengeur que son grand-père lui a imposé. Pour accomplir la mission, il devra se battre contre lui-même. Jusqu’au bout.

Mahamat Saleh-Haroun semble avoir puisé une partie de sa matière dans le western. La tension, le décor désertique le thème de la justice privée, rappellent l’ambiance du far west.Mais c’est surtout de son histoire personnelle, vécue en partie au Tchad, pendant la guerre civile, qu’il a tiré Daratt (Saison sèche). Une fable aux accents éminemment bibliques qui se lit à travers ce triptyque : vivre avec les bourreaux d’hier, reconstruire, pardonner.

Adèle VAN EISZNER (Stagiaire)

Dakar: 'Daratt' de Mahamat Saleh Haroun, projetté à l'Institut français


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