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TCHAD

Masra Succès : « Que les généraux ne s'imaginent pas s'imposer aux Tchadiens »


Alwihda Info | Par Masrambaye Blaise - 11 Août 2022


Le président du Parti Les Transformateurs met en garde contre un éventuel maintien de la junte au pouvoir et estime dans cette interview, qu’aucune condition n’est réunie pour aller au dialogue.


Pensez-vous que les conditions sont réunies pour aller au dialogue le 20 août ?
Non. La plus basique des choses, c'est de savoir de quoi on va discuter. Ça par exemple, on ne le sait pas. Pour dialoguer, c'est deux qui ne sont pas d'accord. Il leur fallait s'asseoir et discuter. Pour l'instant, il y a un camp de gens qui se connaissent, qui travaillent ensemble, au CODNI, au gouvernement, à l'armée, à l'administration du territoire, dans les associations qui ont décidé d'avoir un lieu de monologue. Jusqu'à présent, nous voulons savoir quels sont les deux camps qui doivent arrêter ensemble ceux dont ils vont discuter.

Le dialogue, ce n'est pas aller parler de tout mais de l'essentiel qui doit engager l'avenir de notre pays. Tout est important mais tout n'est pas essentiel. Aussi, pour aller à une discussion, il faut savoir quels sont ceux qui sont parties prenantes et quels sont ceux qui sont arbitres. C'est quelque chose que nous ne savons pas. Le Conseil militaire de transition, en prenant le pouvoir par les armes, a dit aux Tchadiens qu'il se situerait à équidistance, ce seraient les Tchadiens qui discuteraient.

Pour l'instant, on ne sait pas s'il est juge ou partie. Qu'il nous le dise. On ne peut discuter de la même manière avec quelqu'un qui juge que celui qui est partie. Il y a aussi la question de l'inéligibilité des membres du Conseil de transition et du gouvernement. Ça ne dépend pas des conclusions du dialogue. S'ils veulent prouver qu'ils sont sincères, ils doivent le dire avant. S'ils sont incapables de nous le dire avant, on peut soupçonner ce qu'ils veulent faire et si c'est ça qu'ils veulent faire, ne sert à rien le dialogue. Voilà les sujets importants qu'ils n'ont pas trouvé de réponse.

Les conditions ne sont pas réunies, pourtant vous dîtes que le dialogue ne se tiendra pas sans les Transformateurs. N'est-ce pas un paradoxe ?
Ce n’est pas la première fois qu’on exclut les Tchadiens. En 2020, ils ont exclu la majorité des Tchadiens en allant avec des résolutions préfabriquées (au forum sur les réformes institutionnelles NDLR). Regardez les têtes de ceux qui organisent le dialogue aujourd'hui, ce sont les mêmes qui étaient au présidium. Ce n'est pas du dialogue, c'est du monologue. Le vrai dialogue doit se passer avec la majorité des Tchadiens. Cette fois-ci, c'est la dernière chance. Et il est important que chacun en prenne la mesure, loin des déclarations des uns et des autres que j'observe ici. Ils veulent être insolents comme si c'était un pouvoir qu'ils avaient eu du peuple.

Moi Masra, je leur dis : jamais ils ne dirigeront le Tchad sans l'onction du peuple ! Et s'ils veulent faire le faux-semblant avec des choses préfabriquées, des élections truquées, il y aura plusieurs Tchad à diriger. Ils n'auront plus cette génération passive qui a regardé Deby contre Deby dominer pendant 30 ans. C'est terminé, ça ! Que les généraux ne s'imaginent pas s'imposer aux Tchadiens parce qu'ils auraient quelques armes, quelques minutions. Si tel est le cas, chacun va s'armer, chacun va avoir un bout du Tchad à diriger.

C'est la dernière chance, sinon il y aura plusieurs Tchad à diriger. Masra Succès est-il sécessionniste ? Non. Masra Succès veut la justice.
Dans le cœur de Masra Succès, la chose la plus importante, ce n’est pas l'unité, c'est la justice. Si j'avais à faire partie des fondateurs d'un Tchad nouveau, on mettra la justice avant l'unité. Même les mafieux sont unis. L'unité n'est pas la chose la plus importante, c'est l'unité des justes qui est la chose la plus importante. Masra veut la justice pour chaque Tchadien et chaque Tchadienne. Est-ce que vouloir la justice, c'est être sécessionniste ?

Quand je parle de plusieurs Tchad à diriger, il y en a qui voient deux Tchad mais en fait, ça ne va pas être que deux Tchad, il y aura plusieurs Tchad. Ce sera la dislocation du Tchad. Est-ce que quelqu'un de sérieux peut vouloir cela ? Moi j'aime l'égalité et l'unité mais dans la diversité et la justice.

Masra Succès aurait pris langue avec la France pour un potentiel bail du Palais Rose, c'est pourquoi il se retire subitement de la marche anti-française de Wakit Tama...
Mon combat, c'est pour que les Tchadiens aient le droit de choisir leur dirigeant. Il y avait un monsieur qui a dit que la France l'a installé. Il s'appelait Deby. J'ai écrit au président pour lui demander si c'était vrai. Et que si c'était le cas, que les Tchadiens disent au président français qu'ils ne veulent plus de ce monsieur, qu'ils ne veulent pas de sixième mandat. Nous avons lancé la marche contre le sixième mandat. Nous avons arraché ensemble le droit de marcher. Est-ce qu'il a fallu une puissance étrangère ? Nous l'avons arraché, ce droit.

Deuxième droit que nous allons arracher et exercer, c'est le droit de choisir librement ses dirigeants. Ça va venir à la fin de la transition pour que ni des Qataris, ni des Russes, ni des Américains, ni des Français choisissent les dirigeants du Tchad. Que ce soit des Tchadiens dans un choix démocratique. Moi Masra, je ne demande pas d'être choisi par une puissance. Je préfère que ce soit des Tchadiens qui le fassent.

Masra Succès se croit le messie du Tchad, il est narcissique. Que répondez-vous à vos détracteurs ?
Les détracteurs, c'est ceux qui ont enterré le Tchad depuis 60 ans en faisant de lui un dernier pays. Moi je suis plus ambitieux. Je veux faire du Tchad un pays admiré par ses voisins. Ça, c'est l'hymne de notre pays qui le dit. Je suis fidèle à cet hymne. Leur ambition (les détracteurs) était traduite par la réalité du Tchad que nous vivons aujourd'hui.

Un pays sans électricité, sans eau potable, sans médicaments, un pays où il y a 7,5 millions de Tchadiens qui ne peuvent pas partager un repas par jour, un pays où il 200 000 jeunes qui entrent chaque année sur le marché de l'emploi mais n'ont absolument rien... Moi, je veux faire du Tchad un pays dans lequel on aura un village, un dispensaire, un village, une école ; un village, une route ; un village, une unité de transformation des produits de première nécessité ; un village, un château d'eau. Ce sont des projets de transformation de la vie des Tchadiens et c'est possible ! Nous sommes 128 400 kilomètres carrés de richesses.

Nous, nous avons choisi l'audace, l'exigence et la bienveillance. Nous sommes bienveillants à l'égard de ces détracteurs qui sont dans une sorte d'obscurantisme qu'ils ont dû installer dans ce pays. Vous pensez que mon échelle de comparaison, c'est avec ces genres d'individus qui ont enterré le Tchad indépendant ? Non ! Nous ne jouons pas dans la même cour. Je suis ambitieux pour mon peuple. Nous voulons transformer les réalités de ce peuple pour passer d'une situation de misère à une situation d'opportunités.

Quelques « aînés » de l'opposition vous reprochent un manque de collaboration. Quels rapports entretenez-vous avec ces deniers?
Vous savez, tout jeune est un futur vieux. Le projet de société des Transformateurs est un projet intergénérationnel porté par l'écrasante majorité de ce pays qui est constituée de jeunes qui travaillent avec les vieux qui veulent aussi dire d'une certaine manière dire que c'est sur la vieille corde qu'il faut coudre la nouvelle. Je veux construire une majorité de projets, d'idées avec l'onction du peuple tchadien pour être capable demain de travailler avec tout le monde y compris ceux qui ont travaillé avec les anciens systèmes.

Il ne s'agit pas d'importer de nouvelles personnes. Ce qui va changer, c'est la méthode, c'est l'approche de rendre compte, c'est des outils nouveaux qui permettre de faire des choses exceptionnelles avec les mêmes Tchadiens d'hier. Et parmi les gens qui vont travailler, il y aura ceux qui sont de l'ancienne opposition. Je souhaite bâtir un Tchad sur ses deux jambes. Et cela m'a guidé dès les premiers jours. Quand on a lancé le projet des transformateurs, nous sommes allés à la rencontre des chefs de partis politiques de tous bords. En arrivant, j'ai dit aux uns et aux autres que nous ne nous considérons pas comme opposants. Appelez-nous simplement les Transformateurs.

Nous sommes comme des médecins au chevet du Tchad. Nous faisons un diagnostic et nous proposons des solutions. Pour transformer la vie de sa nation, on a besoin d'être froid et juste dans le diagnostic. Nous ne sommes pas un thermomètre, nous voulons être un thermostat qui ne constate pas seulement la température mais qui régule la température, capable de la ramener de 40° à 37°. C'est la différence fondamentale. Et ça, ça se construit autour d'une majorité d'idées. Nous disons au peuple que nous avons vocation à faire les choses ensemble. Qu'est-ce qu'on peut faire ensemble avec la nouvelle façon de s'engager dans la vie publique ou c'est qui importe, c'est le leadership serviteur.

Tous ceux qui se reconnaissent dans le leadership serviteur qui veut faire de la justice la colonne vertébrale et la boussole de la République, ceux-là peu importe d'où ils viennent, peu importe leur passé, leur parcours militaire. Nous avons vocation à travailler pour asseoir le Tchad de demain. Dans cette approche, chaque Tchadien a quelque chose à apporter, mais s'il doit faire la différence de manière substantielle, c'est le changement de leadership qui, lorsqu'il va arriver, chacun pourra trouver sa place là-dedans parce qu'au final, ça va venir avec la voix du peuple car la voix du peuple, c'est la voix de Dieu.



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