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POINT DE VUE

Mohamed Dionne, excellente pioche !


Alwihda Info | Par Dié Maty FALL - 13 Juillet 2014



« LE TEMOIN »/La Chronique de DMF

Alors que tout le monde l’attendait férocement au tournant, voilà qu’avec la nomination du joker Mohamed Dionne, le président de la République vient de sortir de sa manche son brelan d’as. Bien joué pour le moment !
 
Le nouveau Premier ministre a le talent immédiat d’avoir effacé d’un coup les fracas d’une séparation un peu douloureuse entre son prédécesseur qui solde les comptes face à la réalité d’un Etat impersonnel et impitoyable, et un chef de l’Etat sans état d’âme et pratiquant  la realpolitik de sa survie en tant qu’institution.
 
Bon vent à Mme Aminata Touré Coulibaly après  bons services rendus à la nation et, également, bon vent au lot d’incompétents et de calamités remerciés par le président de la République, qui a bien écouté l’opinion de ses concitoyens. Exit CalaMimity, exunt les petits marquis incompétents. Ciao !
 
Mais ce n’est pas suffisant, car des bras cassés (incapables en français), il en reste encore dans le Gouvernement. Certainement le président de la République, par réalisme ou par stratégie politicienne, ne peut pas encore se séparer de ces collaborateurs et ministres protégés par une pseudo-réputation  de technocratie et de ruse dont sont friands les Palais, mais il finira à terme par le faire. Peut-être sera-t-il à ce moment trop tard même si nous ne le lui souhaitons pas. L’opinion sénégalaise étant avertie, et disséquant finement tous les faits et gestes de nos gouvernants, ce ne serait pas forcément une bonne idée de les faire revenir par un autre biais.
 
En revanche, il y a des ministres reconduits dans ce dernier gouvernement qui font un tant soi peu de bon travail, avec le courage d’oser la rupture, d’innover et de créer, bref de « nettoyer » les écuries d’Augias, en dépit des résistances, des rebellions et des incompréhensions que leurs actions soulèvent. Ils donnent aux populations sénégalaises des raisons d’espérer. Ils opèrent des ruptures et des réformes dans leur département. Ces ministres-là doivent être renforcés, consolidés et aidés parce que, forcément, leur réussite rejaillira sur le bilan du président de la République. De la rupture et des réformes, c’est ce que les Sénégalais réclament encore et encore.
 
C’est peut-être le moment de rappeler aux aspirants et aux ex-Premiers ministres, ministres, directeurs, responsables nationaux, dirigeants administratifs et politiques,  conseillers du Palais, au cas où ils l’auraient oublié, qu’un Etat ne saurait  — ni ne devrait — être impressionné par les vociférations à peine polies de leurs hordes d’affidés, qui menacent et font des moulinets dès que leur bienfaiteur est limogé. De la même manière que le chef de l’Etat les a choisis parmi des millions de Sénégalais pour leur déléguer le pouvoir de diriger au nom du peuple, de la même manière d’autres Sénégalais aussi auront leur quart d’heure de gloire au moment où eux seront « déchouqués » (limogés) comme on dit aux Antilles et en Haïti. Alors de grâce, épargnez-nous vos émotions de largués, vos larmes de répudiés et vos simagrées de virago !
 
L’HOMME DE CONFIANCE DU PRESIDENT SALL
 
Place donc à un Premier ministre qui devrait bien s’entendre avec son patron, dont il est depuis fort longtemps un proche collaborateur et un ami sincère. C’est déjà un bon point pour la bonne marche du Gouvernement du Sénégal , et pour la nécessaire harmonie et articulation entre les deux institutions cruciales que représentent le président de la République et le Premier ministre dans notre organisation constitutionnelle et politique. Cela augure d’une bonne entente entre les deux institutions, d’une excellente communication entre les services de la Primature et du Palais, et de rapports huilés et respectueux entre les ministres et le premier d’entre eux, leur chef. Une sorte de nouveau double Abdou Diouf-Habib Thiam.
 
Cela dit, on a tellement entendu dire du bien de Mohamed Dionne kor Kathy Sarré, de sa compétence, de sa fiabilité intellectuelle, de son intégrité morale et spirituelle, de sa discrétion, de son ancrage dans son terroir de Gossas, que, par peur d’être déçus et aussi par prudence, il est préférable, étant instruit par l’expérience, de laisser le nouveau chef du Gouvernement montrer preuves à l’appui les qualités dont il est auréolé par l’opinion et par ceux qui le connaissent mieux que moi. C’est à l’épreuve qu’il sera jugé et à l’aune de ses faits que l’on se fera une idée précise du nouveau tournant imprimé à la doctrine et à l’action gouvernementale. C’est à l’action du Gouvernement de Mohamed Dionne que l’on verra si les choses vont dans le bon sens, dans le sens du progrès et de la transformation de la société sénégalaise, de la stagnation à l’envol. 
 
Parce que le nouveau Premier ministre a beau avoir été le ministre auprès du président de la République chargé de coordonner le Bureau opérationnel de suivi du Plan du Sénégal Emergent (PSE), il n’est pas question pour le moment, hélas, d’émergence dans notre si beau mais si peu travailleur pays. Tout au plus, le président de la République, épaulé par son nouveau chef de gouvernement, peut-il espérer et faire que les fondamentaux soient désormais scrupuleusement respectés dans tous les secteurs et que l’ordre revienne partout : économie stagnante, sécurité et sûreté des citoyens, universités surpeuplées et formatrices de chômeurs, travailleurs fictifs dans la fonction publique, éducation et presse à la dérive, police sous-équipée, justice non épanouie, commerce inorganisé et monopolistique, industrie famélique, vols de bétail et races à haut rendement dans l’élevage, religion en roue libre, accords de pêche léonins, santé en mauvaise santé, cadre de vie inexistant, agriculture archaïque, tourisme famélique, culture en crise, dopage dans les sports… la liste n’est pas exhaustive.
 
S’il ne peut prétendre en réalité à l’émergence hic et nunc malgré le souhait du président de la République, et les Sénégalais sont réalistes et savent que ce n’est pas possible, Mohamed Dionne peut et doit atteindre à la rupture, à la réforme, à l’élan, au changement, à la transformation et au progrès. Ce sont des objectifs a minima pour qui appelle les Sénégalais « au travail ». Le dernier slogan en date dans le Landerneau primatorial ne doit pas rester juste un slogan, flambant neuf et plaisant mais sonnant  creux à terme aux oreilles de goorgorlu. Si ce slogan appelle à l’effort, il concerne d’abord le Premier ministre et ses ministres eux-mêmes, les directeurs et autres responsables nationaux qui doivent montrer le bon exemple et le peuple suivra. Il concerne aussi le président de la République, les membres de son cabinet et de son entourage. Ceux qui ne montreront pas le bon exemple par l’action ne devront pas être autorisés à sévir plus longtemps car le temps presse et le peuple en a marre d’attendre. 
 
FAIM DE RUPTURE, MARRE D’ATTENDRE
 
Les Sénégalais ont faim de changement et de rupture, même si ils seront les premiers à en pâtir : plus de passe-droit et de népotisme, de « cola » (corruption en Afrique), plus de triche (au bac, au visa par exemple), plus de xawaré (bamboula) et de gaspillage, davantage de sacrifices (au travail par exemple), davantage de respect de la loi et des interdits, et sanction négative des déviations sans états d’âme. Cela coûtera ce que cela coûtera, cela vaudra de l’impopularité et du mécontentement, mais qu’importe ! Gouverner c’est également prendre des risques calculés, faire du mal pour faire du bien, avoir du cœur à l’ouvrage et du courage, ne pas faiblir dès les premières difficultés ni reculer comme avec la loi réprimant l’odieuse mendicité des enfants dans la rue ; c’est assumer comme le maire de Dakar Khalifa Sall l’avait tenté et réussi quand il avait fallu « nettoyer » les artères et les trottoirs de la capitale de ses encombrements matériels et humains. L’édile socialiste qui murmure à l’oreille des Dakarois avait comme devise qu’il n’était pas intéressé par un second mandat et n’avait pas peur, par conséquent, d’être impopulaire.
 
Sa stratégie a payé : non seulement KAS a satisfait les vœux les plus intimes de ses concitoyens dakarois, mais même les marchands ambulants lui disent merci après leur déguerpissement-recasement  et il rempile pour un second mandat ! Incroyable, non ? L’idée derrière cet exemple du maire de Dakar est que seul le courage, associé à un minimum de stratégie toutefois, paie en politique et que les populations, celles du Sénégal notamment, savent récompenser le courage et la lucidité des gouvernants, à condition qu’elles soient associées au pacte de gouvernance, par le biais de la gestion participative, d’une information correcte, d’une communication respectueuse et d’une considération citoyenne. Décidément, on ne peut plus faire un pas sans parler du maire plébiscité davantage à cause de l’arrogance de ses adversaires de l’APR que par son bilan lui-même, au demeurant fort honorable mais sans plus non plus. Il fera davantage entre maintenant et 2017 ou 2019. 
 
A cause de son ancienne Premier ministre, Macky Sall a non seulement perdu la très convoitée Dakar mais vient aussi de gagner son plus sérieux adversaire de la prochaine présidentielle. Le président Macky Sall a peut-être essayé de contourner l’obstacle Khalifa et de contenir le phénomène dakarois en passe de devenir national, en maintenant les quotas du Parti Socialiste dans la majorité présidentielle-APR. C’est malin sans doute, mais c’est reculer une échéance inévitable. Khalifa Sall qui vient de goûter à un triomphe romain (1) voudra sans doute continuer et aller plus loin, cueillir de plus hauts fruits et s’installer sous la couronne d’olivier (2).

Dié Maty FALL
Article paru dans « Le Témoin » N° 1172 –Hebdomadaire Sénégalais (JUILLET 2014)
 
(1) Le triomphe (triumphus en latin) est une cérémonie romaine au cours de laquelle un général vainqueur défile dans Rome à la tête de ses troupes
 
(2) A l’origine, unique prix récompensant le vainqueur de chacune des épreuves des Jeux Olympiques antiques. 



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