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POLITIQUE

Sénégal: Modifications de la Constitution pour juger Habré. L’Assemblée nationale gagne un bras de fer contre Wade


Alwihda Info | Par Җ€BIЯ - 26 Janvier 2008


«Toute atteinte aux libertés et toute entrave volontaire à l’exercice d’une liberté sont punies par la loi. Nul ne peut être condamné si ce n’est en vertu d’une loi entrée en vigueur avant l’acte commis. La défense est un droit absolu dans tous les Etats et à tous les degrés de la procédure.» Art 9 de la Constitution du Sénégal.


Sénégal: Modifications de la Constitution pour juger Habré. L’Assemblée nationale gagne un bras de fer contre Wade

Le président de la République devra trouver d’autres arguments pour rendre possible le jugement de l’ancien président tchadien par la justice sénégalaise. Son projet d’amendement de la constitution a été rejeté hier par la Commission des lois de l’Assemblée pour motifs de «d’honneur» et de «dignité».

Drôle de coïncidence ! C’est au moment où une délégation de l’Union européenne est dans nos murs pour, dit le Président Abdoulaye Wade, «voir avec nous les aspects financiers qu’entraîne le procès de Hissène Habré» que la Commission des lois de l’Assemblée nationale a fortement rejeté le projet de loi n°54-2007 prévu pour modifier l’article 9 de la Constitution, tout en complétant les articles 62, 92 et 95 de la Charte fondamentale de notre pays. Cet article 9 est ainsi libellé : «Toute atteinte aux libertés et toute entrave volontaire à l’exercice d’une liberté sont punies par la loi. Nul ne peut être condamné si ce n’est en vertu d’une loi entrée en vigueur avant l’acte commis. La défense est un droit absolu dans tous les Etats et à tous les degrés de la procédure.»

Au nom du gouvernement, le ministre d’Etat ministre de la Justice Cheikh Tidiane Sy est venu proposer aux députés l’ajout de l’alinéa qui suit : «Toutefois, les dispositions de l’alinéa précédant ne s’opposent pas à la poursuite, au jugement, et à la condamnation de tout individu en raison d’actes, ou omissions qui, au moment où ils ont été commis, étaient tenus pour criminels d’après les principes généraux de droit reconnus par l’ensemble des nations.» C’est la rétroactivité de la loi qu’il est ainsi demandé aux parlementaires de voter.

Dans l’exposé des motifs défendus par le Garde des Sceaux, il est indiqué que c’est en vertu du principe de la «protection des droits et libertés individuels» ratifiés par le Sénégal qu’il y a lieu de «lever l’obstacle à la recevabilité des poursuites, des infractions de droit international par l’adjonction d’un nouvel alinéa à l’article 9 de la Constitution». Cheikh Tidiane Sy expliquera aux députés que la Convention de Vienne «condamne la non exécution de l’engagement d’un Etat parti à un traité fondé sur des contraintes dérivées de son droit interne». Mais, il était patent hier que les préoccupations exprimées par le ministre de la Justice étaient loin d’émouvoir les membres de la Commission des lois. Car, aussitôt après l’exposé des motifs, c’est un tir de barrage groupé qui a «écrasé» les arguments de l’envoyé de l’Exécutif. Premier à prendre la parole, Me El Hadj Diouf, député de la majorité présidentielle, dénonce une tentative de juger Hissène Habré en amendant un principe universel : la non rétroactivité des lois. Pour le leader du Parti des travailleurs et du peuple (Ptp), si le Sénégal adopte cet amendement à l’article 9 de sa Constitution, ce serait un précédent dangereux, car cette non rétroactivité est un principe sacro-saint.

A sa suite, Me Abdoulaye Babou et imam Mbaye Niang s’attaqueront «au fond et à la forme» de la loi, car il n’existe pas de principes généraux reconnus par l’ensemble des nations. Un exemple est même proposé au Garde des Sceaux : aux Etats-Unis, le mensonge dont le président fédéral se serait rendu coupable est passible de destitution alors qu’il est sans conséquence au Sénégal.

A l’issue de ce premier tour de parole où seuls quatre députés ont pris la parole, il était clair, selon nos informations, que le ministre d’Etat n’était pas parvenu à convaincre ses interlocuteurs. Auxquels, d’ailleurs et de guerre lasse, il a demandé de faire preuve de dépassement. Revenant à la charge, Mbaye Niang tire de ce projet de loi une conséquence «extrêmement grave». Le vote de l’amendement abrogerait de facto et de droit la loi Ezzan qui a amnistié une bonne fournée de crimes de nature politique dans notre pays.

Face à ce blocage inattendu, Alé Lô, président de la Commission des lois, demande au Garde des Sceaux de laisser les députés se concerter entre eux, afin de trouver une solution, c’est-à-dire parvenir à un consensus ou rejeter le texte gouvernemental. Cheikh Tidiane Sy sorti de la salle, les députés, en majorité des libéraux, s’insurgent contre le texte de loi. «Nous ne sommes là ni pour l’Exécutif ni pour les toubabs», renâclent certains d’entre eux. Le gouvernement «n’a pas le droit de fouler au pied nos principes» s’il respecte «notre dignité» et «notre honneur», s’indignent d’autres. En fin de compte, leur position se fait nette. «Ce qu’il y a lieu de faire, c’est de retirer l’article 9, où nous votons contre.»

Au retour du ministre de la Justice, les nerfs sont tendus, car les députés sont décidés à résister aux pressions de l’Exécutif. Ils proposent quand même une solution : voter tout le projet de loi sauf l’article 9. Cheikh Tidiane Sy refuse, ne pouvant accepter, au nom du gouvernement, que le projet soit charcuté. Face à la sourde oreille des parlementaires, il propose, à son tour, le retrait pur et simple du projet d’amendement. Wade devra sans doute trouver d’autres arguments pour convaincre l’Assemblée nationale.

Momar DIENG -

Ben ASSILECK Mahamat



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