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TCHAD

Tchad : N'Djamena, pourquoi certains administrateurs tchadiens fuient le micro ?


Alwihda Info | Par Gontran Temandang - 7 Octobre 2025


Le micro est souvent perçu comme un instrument de la vérité, mais à N'Djamena et dans les provinces tchadiennes, il semble être devenu l'objet d'une véritable phobie administrative.


La majorité des responsables publics, qu'ils soient au cœur de la capitale ou dans les administrations décentralisées, affichent une réticence notable à s'exprimer devant les journalistes.

Ce refus d'ouvrir les portes de l'information complique singulièrement le travail des médias et soulève une question fondamentale : qu'est-ce qui se cache derrière ce mutisme généralisé ?

Le spectre du manque de transparence
Pour de nombreux observateurs, le silence des responsables ne serait qu'un symptôme d'un mal plus profond : le manque de transparence dans la gestion publique. Bernard, un citoyen interrogé, est catégorique : « Souvent les administrateurs refusent de se prononcer devant le micro parce que dans l'administration, la gestion n'est pas transparente. Dans les institutions, que ce soit privé ou public, il y a trop de flou. »

Ce constat, loin d'être isolé, pointe du doigt des pratiques de gouvernance hors norme où le secret est la règle et la reddition des comptes, l'exception. L'accès à l'information publique n'est pas une obligation clairement établie dans la pratique, et la communication devient un risque personnel pour le fonctionnaire.

Si la corruption et le manque de transparence sont des défis bien documentés au Tchad, comme l'indiquent les rapports sur la bonne gouvernance et les industries extractives (ITIE), la réticence à parler publiquement pourrait être un mécanisme de défense pour éviter toute mise en lumière de ces zones d'ombre. Au-delà de l'opacité institutionnelle, la peur d'attirer l'attention de la hiérarchie constitue un puissant facteur d'autocensure chez les administrateurs.

Un médecin s'exprimant sous le couvert de l'anonymat confirme cette pression : « Quand vous acceptez de vous prononcer au micro, vous attirez le regard sur votre département, et des fois votre hiérarchie ne vous le permet pas. » Dans un environnement où la loyauté et la discrétion sont souvent valorisées au détriment de l'ouverture et de l'initiative, parler aux médias est perçu comme une prise de risque inutile.

Le responsable craint d'être vu comme sortant de son rôle, ou pire, comme révélant involontairement des informations jugées sensibles par les autorités supérieures. Le micro n'est plus un outil de service public, mais une menace potentielle pour la carrière.

Conséquences sur le journalisme et la démocratie
Cette difficulté d'accès aux sources d'information a des conséquences directes sur la qualité du travail journalistique. Les reportages se retrouvent souvent incomplets, déséquilibrés, ou basés sur des sources non officielles, laissant le champ libre aux rumeurs et à la désinformation. Le journalisme, censé être un des garants de l'État de droit, se heurte à un mur de silence qui entrave sa mission de service public.

La démocratie repose sur un citoyen bien informé pour pouvoir exercer son rôle de contrôle. Lorsque l'administration se ferme, elle coupe le lien essentiel entre l'État et le peuple qu'elle est censée servir, renforçant la défiance citoyenne. La question posée par la persistance de ce mutisme est pertinente : le refus de parler des activités administratives dissimule-t-il des incohérences de gestion ou des dysfonctionnements internes ?

Si le Tchad s'est engagé, à travers diverses initiatives, à promouvoir la bonne gouvernance et la transparence, l'attitude des responsables de terrain montre que le chemin vers une administration ouverte et redevable est encore long. Il est urgent d'instaurer un cadre de dialogue structuré et sécurisant entre l'administration et les médias. Les responsables administratifs doivent être formés et encouragés à percevoir le journaliste non comme un adversaire, mais comme un partenaire incontournable dans la construction.



Pour toute information, contactez-nous au : +(235) 99267667 ; 62883277 ; 66267667 (Bureau N'Djamena)