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TCHAD

Tchad : inquiétudes après l'enlèvement d'un homme par des militaires des forces mixtes au Lac


Alwihda Info | Par Info Alwihda - 30 Novembre 2019



Des civils à Bol, dans la province du Lac Tchad. Illustration. © A.I.
Des civils à Bol, dans la province du Lac Tchad. Illustration. © A.I.
A Bol, dans la province du Lac, le mode opératoire des éléments de la force mixte dans le cadre de la lutte antiterroriste interroge et suscite de grandes inquiétudes au sein de la population.

Mardi dernier, un homme -proche du chef de canton- a été enlevé manu militari et sans aucune explication par des éléments de la force mixte. Depuis ce jour, sa famille est sans nouvelles sur son sort, son éventuel lieu de détention et sur ce qui lui serait reproché.

Cette nouvelle violation des droits humains vient s'ajouter à la liste des plaintes de la population de cette zone en proie aux attaques de Boko Haram.

Selon certains habitants qui ont accepté de témoigner sous couvert de l'anonymat, lorsque l'armée nationale tchadienne est présente, la situation est stable. En revanche, lorsque les éléments de la force mixte se déploient, la peur gagne la population. Celle-ci dénonce notamment une brutalité dans le langage et le comportement, mais aussi la perte de biens lors de descentes inopinées.

En violation de toutes les règles de droit, ces pratiques militaires assimilées à de l'extrémisme intelligent, encouragent et alimentent l'action terroriste, reconnait un membre d'une ONG qui travaille dans la province du Lac. En effet, les victimes de violations de droits humains nourrissent progressivement un sentiment de haine et sont vulnérables à l'enrôlement au sein de la secte.

En août dernier, des maisons ont été brûlées par des hommes en treillis dans une localité de la province, au lendemain de l'explosion d'une kamikaze, a alerté un militaire sous couvert de l'anonymat.

La réponse à l'extrémisme n'est pas seulement militaire, ni par la force, a rappelé récemment le chef de l'Etat tchadien Idriss Déby qui a mis en avant la nécessité d'actions en faveur du développement et de l'éducation. La nécessité de lutter contre l'injustice doit être également au premier plan de la stratégie des autorités, au risque de créer un cycle sans fin de violences.

"Le problème est que les autorités ne semblent pas tolérer les remarques, même celles visant à les aider à rectifier leur action. Lorsque l'on relève des violations de droits de l'Homme, soient elles les balaient d'un revers de main, soient elles vous accusent de vouloir saboter ou d'être un ennemi. Dès lors, nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde", analyse le représentant local à Bol d'une organisation des droits de l'Homme.

En mars 2018, lors de l'examen par le conseil de sécurité de la situation dans la région du Lac Tchad, la France a rappelé que la lutte contre le terrorisme ne saurait en aucun cas s’accompagner de violations des droits de l’Homme.

"Ces violations restent sources de préoccupation dans toute la région", a ajouté la vice-secrétaire générale de l'ONU, Mme Amina J. Mohammed.

Selon des rapports de monitoring réalisés par des ONG dans la zone du Lac, de nombreux cas de violations des droits de l'Homme sont enregistrés : violations des droits à la propriété (cas de pillages), violation du droit à la vie et l’intégrité physique, violation du droit à la liberté (cas d’arrestations arbitraires) et des violences psychologiques. 

Fin septembre 2019, des chercheurs du Centre d'études pour le développement et la prévention de l'extrémisme, ont expliqué à N'Djamena, au cours d'une conférence-débat, que l'extrémisme intelligent est plus grave que l'extrémisme violent. Ils ont estimé que l'un des facteurs de l'extrémisme intelligent est entre autres l'injustice ou encore la discrimination.

En février 2019, une information judiciaire a été ouverte après la diffusion d'une vidéo -tournée dans la province du Lac- montrant une femme fouettée par deux hommes qui semblent être des militaires, avait annoncé le ministre tchadien de la Justice, Djimet Arabi.

En juillet 2018, la Convention tchadienne pour la défense des droits de l'Homme (CTDDH) avait également dénoncé des violations de droits de l'Homme au Lac suite à la détention illégale de cinq citoyens relaxés par la justice suite à un conflit foncier.

La formation et la sensibilisation des forces de défense et de sécurité en matière de droits de l'Homme et de justice pourrait contribuer à réduire les violations. En décembre 2018, 25 officiers et 25 sous-officiers des forces de défense et de sécurité -armée, gendarmerie et police de Bol et Bagasola- ont été formés en renforcement de leurs capacités en matière de riposte aux violences sexuelles et basées sur le genre. Ce type de formation devrait s'étendre au respect des droits de l'Homme, une nécessité impérieuse.



Pour toute information, contactez-nous au : +(235) 99267667 ; 62883277 ; 66267667 (Bureau N'Djamena)