Au Tchad, vieillir est souvent synonyme d’isolement. Alors que la solidarité familiale a longtemps été une valeur forte, de plus en plus de personnes âgées se retrouvent livrées à elles-mêmes, sans soutien matériel ni attention particulière. Dans les grandes villes comme dans les villages, beaucoup peinent à se soigner, à se nourrir ou simplement à vivre dignement.
Une vieillesse difficile
Sous un arbre du quartier walia, à N’Djamena, Abakar, 74 ans, passe ses journées à observer les passants. « Je n’ai plus la force de travailler, mes enfants sont partis chercher du travail ailleurs, je me débrouille comme je peux », confie-t-il d’une voix fatiguée.
Comme lui, de nombreux aînés vivent dans des conditions précaires. Certains dépendent de la charité des voisins, d’autres survivent grâce à l’aide de quelques associations locales. Dans les provinces, la situation est encore plus difficile : absence de soins, manque de pensions, isolement social.
La solidarité en recul
Autrefois, la famille élargie jouait un rôle central dans la prise en charge des anciens. Aujourd’hui, les changements économiques et sociaux bousculent ces traditions. « Les jeunes partent en ville ou à l’étranger pour travailler. Ceux qui restent ont déjà du mal à subvenir à leurs propres besoins », explique Mamira, présidente d’un groupement féminin à Gounou-Gaya. « Résultat : les personnes âgées sont souvent oubliées. »
La crise économique et la cherté de la vie aggravent la situation. Sans système de retraite généralisé ni structures spécialisées, beaucoup d’aînés n’ont d’autre choix que de compter sur la bonne volonté de leurs proches.
L’absence de structures d’accueil
Le Tchad ne dispose que de très rares centres pour personnes âgées. La plupart sont soutenus par des organisations religieuses ou caritatives. « Il n’existe pas encore de politique nationale claire pour la protection du troisième âge », reconnaît un responsable du ministère de l'Action Sociale. Pourtant, le vieillissement de la population est une réalité croissante. Avec l’allongement de l’espérance de vie, les besoins en soins, en logement et en accompagnement psychologique augmentent.
L’appel à plus d’attention
Face à cette situation, des voix s’élèvent pour appeler à une meilleure prise en charge des personnes âgées. Certaines associations locales organisent des visites, des dons ou des journées de sensibilisation pour rappeler le rôle précieux des aînés dans la société. « Ce sont nos mémoires vivantes, nos repères. Les oublier, c’est renier nos valeurs », estime Yankimadje Narcisse.
Dans une société en pleine mutation, la place accordée aux personnes âgées reflète le degré d’humanité d’un peuple. Redonner à nos aînés dignité, attention et respect est un devoir collectif. Comme le dit un vieil adage tchadien : « Celui qui oublie les anciens oublie ses racines. » Ndafogo Salmanou Ludovic