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Transformer l'agriculture au Sahel: comment y parvenir?


Alwihda Info | Par Adil Abou - 4 Novembre 2013



Transformer l'agriculture au Sahel: comment y parvenir?1 1. Risque de l'agriculture: une nouvelle normalité En raison de son contexte climatique, institutionnel, économique, environnemental et de ses moyens de subsistance, le Sahel apparaît comme l'une des régions les plus vulnérables au monde. La pauvreté y est omniprésente et les pays du Sahel (Burkina Faso, Tchad, Mali, Mauritanie, Niger et Sénégal) occupent le bas du classement pour la quasi-totalité des indicateurs de développement humain. L'agriculture constitue le secteur le plus important et la principale source de subsistance de la majeure partie des populations. Cependant, en raison de la forte exposition du secteur agricole aux risques, ses performances demeurent très volatiles. Les principaux risques sont les pressions foncières découlant de la croissance rapide de la population, la volatilité des prix des denrées alimentaires combinée à la détérioration des conditions climatiques – de plus en plus extrêmes –, qui se soldent par des cycles répétés de sécheresse, la désertification et des inondations localisées. Au cours des trente dernières années, la région a subi de multiples chocs largement induits par les risques agricoles, qui imposent des coûts économiques élevés en termes de disponibilité et d'accessibilité aux denrées alimentaires, et la malnutrition. En 2012, environ 17 millions de personnes dans le Sahel ont été confrontées à l'insécurité alimentaire due à une combinaison de la sécheresse, l'accessibilité limitée aux denrées alimentaires, les prix élevés des céréales, la dégradation de l'environnement, les déplacements et les conflits. Figure 1. Impacts sur le Sahel: hauts et bas Les risques sont inhérents, omniprésents et variés dans les systèmes agricoles, peut-être plus que dans tout autre domaine de l'activité économique. Ils traduisent en réalité les pièges de la 1 Cette note a été préparée par Martien Van Nieuwkoop et Aparajita Goyal avec les contributions de Paola Agostini, Gustavo Saltiel, Jonathan Kamkawala, Raffaello Cervigni, Michael Morris, Stéphane Forman, François Onimus, Christoph Pusch, Christian Berger, René Bessin, Abdoulaye Touré, Carl Dingel, Bérengère Prince, Stephen Danyo, John Nash, en collaboration avec l'AFTAI et l'AFTN. 2 pauvreté et engendrent de graves conséquences pour toutes les parties prenantes. L’évolution défavorable des prix des produits agricoles et des intrants, ainsi que les chocs liés à la production (dus aux intempéries, parasites et maladies) affectent non seulement les agriculteurs et les entreprises engagées dans le secteur agricole, mais mettent également à rude épreuve la situation budgétaire de l'État. Les pays et leurs chaînes d'approvisionnement agricoles demeurent toujours exposés en raison de la prévalence et de la complexité des multiples risques pesant sur les systèmes d'agriculture (Figure 2) et l'incapacité à y faire face sur une base ex ante et intégrée. La matérialisation de ces risques conduit à un cycle perpétuel de « choc, reprise, choc », qui met en danger la viabilité des initiatives en cours et demeure un obstacle majeur au développement de la plupart des secteurs agricoles. Figure 2. Risques du secteur agricole dans le Sahel Les risques et la volatilité constituent une sorte de nouvelle normalité et le renforcement de la résilience est, de ce fait, la pierre angulaire d’une croissance durable de l'agriculture au Sahel. Un cadre de gestion efficace des risques agricole nécessite une combinaison de solutions d'atténuation (mesures prises pour réduire la probabilité d'événements, l'exposition et/ou des pertes potentielles), de transfert (transfert des risques à une partie consentante, moyennant un supplément ou une prime) et d'adaptation (activités visant à aider à faire face aux pertes) en vue d'identifier une liste d’interventions possibles. Une approche de stratification des risques (Figure 3), basée sur la probabilité d'occurrence et les pertes potentielles, peut s’avérer utile dans la sélection d’une stratégie appropriée de gestion des risques. L'atténuation des risques est transversale aux trois tranches et constitue une approche dominante à tous les niveaux de fréquence et de gravité. Les mécanismes de transfert de risques sont plus appropriés pour les faibles fréquences et les pertes modérées à élevées, tandis que les mécanismes d'adaptation sont déclenchés dans les cas de pertes catastrophiques. 3 Figure 3. Approches de stratification des risques et RM 2. Procéder différemment : intégrer une approche à l'échelle du paysage La recrudescence de l'insécurité alimentaire et nutritionnelle ainsi que la pauvreté croissante face à un climat en évolution rapide et une base de capital naturel en dégradation constituent des défis de taille pour l'agriculture. Pour relever ces défis, il est nécessaire pour la région de s'inscrire dans une approche intégrée de l'agriculture adaptée aux changements climatiques pour la gestion des demandes concurrentes de terre, d'eau, d'autres ressources naturelles. Cette situation ressort de la simple reconnaissance qu'il s'agit là de l'action la plus efficace à mener – compte tenu des interconnexions complexes entre les différentes composantes du capital naturel – et, plus important encore, d’une action essentielle pour les communautés vivant dans une réalité où tout est lié : c'est-à-dire dans le paysage. L'adoption d'une vue à l'échelle du paysage sur les activités de production conduit également à une meilleure gestion des risques. Les possibilités de diversification des revenus et la mutualisation des risques entre les différentes parties prenantes deviendront plus visibles et donc plus faisables pour conduire à la triple victoire de l'augmentation de la productivité, de l'adaptation et de l'atténuation accrues. Le Sahel étant une région où l'on vit perpétuellement avec le risque, il est donc nécessaire de promouvoir des solutions structurelles à long terme afin d’améliorer la résilience du secteur agricole. La conception et la mise en oeuvre d'une stratégie globale de gestion des risques agricoles nécessiteront des investissements financiers soutenus et substantiels, qui mettent davantage l'accent sur la gestion des risques à long terme plutôt que sur une réponse à la crise à court terme. Il s'agira entre autres d’intégrer les investissements et les interventions isolées des partenaires techniques et financiers disparates autour du problème de fond, l'appui à la prise de décision au niveau communautaire décentralisé et de la ferme, l'intégration de la gestion des risques agricoles dans les cadres de développement existants, la hiérarchisation des risques agricoles dans les stratégies publiques et des partenaires techniques et financiers et un 4 accent sur la mise en oeuvre. Une approche à l'échelle du paysage décrit les interventions à des échelles spatiales qui tentent d'optimiser les relations spatiales et les interactions entre les différents types d'occupation des sols, les institutions et les activités humaines dans un domaine d'intérêt. Une approche durable à l'échelle du paysage comporte également une dimension temporelle : elle vise à atteindre des paysages durables à long terme, et à travers des consultations avec les parties prenantes leur maintien et leur amélioration ainsi que ceux des services qu'ils fournissent, conduisant à un processus dynamique (Figure 4). Relever le défi de l'agriculture au Sahel est l'occasion de corriger les déséquilibres économiques passés et de positionner la région pour devenir un acteur de la lutte contre l'augmentation de la demande mondiale en denrées alimentaires. Pour relever ces défis, la nécessité d'une nouvelle approche s'impose. Celle-ci prend en compte les risques de l'agriculture et considère la résilience des systèmes de production agricole dans un contexte à l'échelle du paysage, moteur de la croissance de la productivité. Une action coordonnée ainsi que des investissements accrus dans les principaux domaines d'intervention constituent des dimensions essentielles de cette approche dans la préparation du terrain pour un changement transformateur permettant aux agriculteurs et aux éleveurs de saisir les opportunités offertes dans la région du Sahel. Figure 4. Approche à l'échelle du paysage durable : un processus dynamique 5 3. Interventions prioritaires pour gérer les risques et augmenter la productivité dans le cadre d'une approche à l'échelle du paysage L'élaboration et l'adoption d'une approche à l'échelle du paysage durable pour un impact transformationnel dans le secteur agricole au Sahel se déclinent en six domaines d'intervention principaux: 1. Mise à très grande échelle des investissements dans l'irrigation 2. Facilitation de l'adoption à grande échelle de pratiques de gestion durable des terres et de l'eau (GDTE) dans l'agriculture pluviale 3. Amélioration du développement et de la gestion du cheptel des éleveurs 4. Accélération de l'adoption de technologies agricoles à l'épreuve des changements climatiques : variétés de cultures résistantes à la sécheresse 5. Amélioration des pratiques de gestion post-récolte et de l’accès et intégration des marchés 6. Amélioration de la préparation aux situations d'urgence Sur la base des objectifs spécifiques à chacun de ces domaines d'intervention, nous estimons une enveloppe d'investissement globale d'environ 25,7 milliards de dollars EU pour transformer l'agriculture dans le Sahel au cours des 10 prochaines années, ce qui demandera des investissements par la Banque mondiale et les partenaires extérieurs. 4. Innovations pour la transformation agricole et la résilience Mise à très grande échelle des investissements dans l'irrigation: Investir dans un large éventail d'opportunités d'investissement dans l'irrigation, de petits équipements individuels et communautaires à faible coût aux programmes publics et privés à grande échelle, nécessitant chacun différents types d'aide publique, y compris les infrastructures, les politiques, les institutions et l'environnement des affaires. La nouvelle génération d'investissements doit tenir compte de la rentabilité et de la durabilité avec un recours accru aux investisseurs privés et au financement commercial. Dans le cadre de ces partenariats, les investissements publics dans les infrastructures d'irrigation sont mis à profit par l'investissement privé dans le développement de la chaîne de valeur et la fourniture de services de production et de commercialisation aux petits exploitants, permettant un processus vertueux de service d'intensification et d'irrigation fiable aux utilisateurs à des prix abordables. Des réformes institutionnelles sont impératives pour une meilleure gestion des périmètres irrigués publics et un développement des partenariats public-privé avec, comme questions clés, la bonne gouvernance foncière et la sécurisation des droits sur l'eau. Facilitation de l'adoption à grande échelle des pratiques GDTE dans l'agriculture pluviale: L'accent sur la gestion durable des terres et de l'eau des bassins fluviaux de l'Afrique de l'Ouest en accordant une place de choix à la régénération naturelle de la couverture forestière, la conservation des sols et de l'eau, l'aménagement des bassins versants, la récupération de l'eau, 6 la gestion intégrée des éléments nutritifs, le travail du sol réduit, la biodiversité sécurisée et l'agroforesterie, pour constituer la base de la réalisation des objectifs de sécurité alimentaire et la croissance verte inclusive grâce à des instruments de financement novateurs et des cadres de politique globale en matière de foncier, de planification de l'utilisation des terres et de paiement de services environnementaux. Le partenariat TerrAfrica, en particulier, soutient l'élargissement des pratiques GDTE par le renforcement des investissements stratégiques pour lutter contre la dégradation des ressources naturelles à l’aide d’une approche intégrée de l'écosystème, des institutions dotées d'une capacité d'adaptation accrue pour réduire les risques et faire face à la variabilité climatique et la production d'informations et de connaissances au niveau des pays et au niveau régional. Amélioration du développement et de la gestion du cheptel des éleveurs: Sécuriser les parcours naturels et le capital animal (y compris la santé, la génétique, la nutrition, les techniques de gestion d’élevage, des pâturages et la gestion des conflits) existants et cultiver les complémentarités entre les systèmes pastoraux extensifs et les systèmes agricoles semi-intensifs pour libérer le potentiel économique des filières animales (y compris à travers les infrastructures, l'intégration régionale et le développement de l'accès aux marchés). Développer l'accès aux services sociaux et financiers de base et favoriser un environnement propice (renforcement des institutions, des politiques, des règlements et des investissements) pour une incidence transformationnelle englobant la coopération aux niveaux national et régional, en particulier pour la mobilité transfrontalière (personnes, animaux, biens et services), la lutte contre les maladies et de facilitation du commerce du bétail. Le principal enseignement à tirer est d’inclure les éleveurs, en particulier les communautés pastorales, dans un processus décisionnel inclusif par le biais de la décentralisation. Le changement de politique consiste à développer des systèmes fonciers sécurisés et à reconnaître la mobilité dans le cadre de la gestion des ressources et de la résolution des conflits. Les interventions se révèlent plus efficaces dans le cadre d'une approche fondée sur la chaîne de valeur, y compris la distribution des produits vers les marchés finaux, où le financement public devrait encourager la participation du secteur privé. Accélération de l'adoption de technologies agricoles à l'épreuve des changements climatiques: variétés de cultures résistantes à la sécheresse : Améliorer la résilience des petits exploitants à travers le développement et la modernisation des systèmes de semence en vue de fournir des semences et du matériel végétal de qualité et en quantité suffisante pour répondre aux besoins des producteurs. Une priorité consiste à réformer les politiques et la réglementation portant sur les semences pour augmenter la quantité de semences de souche et des produits agricoles dotés d'une teneur nutritive plus élevée pour l'amélioration de la nutrition, consolider et développer des laboratoires de biotechnologie, renforcer les capacités du système national de certification des semences et renforcer les capacités de R&D. Une augmentation substantielle du rendement et de la production agricole devrait être réalisée par la mise en oeuvre des interventions visant l'accélération de l'assimilation et l'adoption de technologies agricoles améliorées dans un programme complet d'appui en vue d'attirer le secteur privé et la participation des distributeurs d'intrants agricoles dans la chaîne de valeur des semences. 7 Amélioration des pratiques de gestion post-récolte et de l'accès et intégration des marchés: Promouvoir l'agriculture commerciale en améliorant les pratiques de gestion post-récolte, en renforçant les capacités de stockage pour consolider la résilience et réduire la variabilité de l'offre, en développant des activités commerciales en aval et en amont et en soutenant les liens des petits exploitants et des petites entreprises à des chaînes de valeur de production par l’identification des principaux produits, systèmes de production et stratégies de commercialisation. L'harmonisation des spécifications des produits et l'amélioration de la transformation, du conditionnement et des normes de qualité devraient promouvoir le développement agro-alimentaire et réduire les obstacles au commerce et à l'intégration régionale. Des moyens innovants pour fournir des garanties telles que l'utilisation de biens mobiliers et des récépissés d'entrepôts favorisent également la compétitivité agricole. Les technologies de l’information et de la communication modernes offrent de nouvelles voies d'amélioration de l'intégration des marchés, de réduction des coûts de transaction et fournissent des services de vulgarisation robustes grâce à des partenariats public-privé financièrement viables. Amélioration de la préparation aux situations d'urgence: Développer des systèmes d'alerte précoce intersectorielles pour la gestion globale des ressources, la préparation aux catastrophes, l'atténuation, les opérations de secours et de reconstruction dans un effort concerté pour faire face aux inondations, sécheresses, criquets et autres menaces. Investir dans les infrastructures hydrométéorologiques, effectuer des évaluations des risques de sécheresse, renforcer les capacités des centres régionaux pour le climat et les prévisions météorologiques et faciliter l'échange de données. Les réformes politiques impliquent un appui à la formulation de pratiques et de planification nationales et régionales en matière de sécheresse et de réduction des risques de catastrophes pour le renforcement de la riposte aux risques de catastrophe dans le Sahel pour un impact efficace.



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