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INTERVIEW

Conflit au Soudan : pour Dr. Ahmat Yacoub Dabio, seule une solution politique négociée peut sauver le pays du chaos


Alwihda Info | Par Alwihda - 29 Octobre 2025


Mercredi soir, le leader Hemiti en personne a regretté les atrocités tout en promettant une enquête. C’est un signal important, qui montre que même au sein des FSR, une ligne rouge a été franchie, analyse Dr. Ahmat Yacoub Dabio. Il s'est exprimé sur la crise au Soudan dans un entretien réalisé par Radio Dja FM Liberté Tchad, Radio Algérie Internationale, Sahel 7 et Alwihda Info.


Conflit au Soudan : pour Dr. Ahmat Yacoub Dabio, seule une solution politique négociée peut sauver le pays du chaos

 

" Depuis mi-juin 2023, soit deux mois après le conflit, nous avons au niveau du CEDPE présenté aux belligérants, à l’UA et aux partenaires un plan de paix. Nous affirmons qu’il est désormais urgent de procéder à la signature d’un accord de cessez-le-feu sous l’égide de l’union africaine et de l’IGAD appuyée par l’ONU, l’Union Européenne et la Ligue arabe".

 
  1. Est-ce possible de qualifier les atrocités commises par certains combattants des FSR de génocide ou de crimes de guerre, et quels pourraient être les responsables devant la CPI ?
Dr. Ahmat Yacoub Dabio : Merci d’avoir demandé mon avis sur la situation au Soudan. Je ne suis pas juriste, mais les images qui circulent sont d’une violence insoutenable. Moins de 24 heures après la prise de Facher par les FSR, des vidéos d’exécutions sommaires de prisonniers civils et militaires ont envahi les réseaux sociaux. Sans s’ingérer dans le conflit politique du Soudan, ce qui choque davantage, c’est que les auteurs de ces actes se filment en souriant, exhibant leur cruauté sans retenue. Ces individus sont déjà identifiés, et je ne doute pas qu’un jour viendra où ils seront interpellés et traduits en justice. Ce sont, pour la plupart, les mêmes qui perpétuent ces atrocités depuis des mois, sans le moindre remords.
 
  1. Le rôle que devraient jouer les organisations internationales ?
Depuis 48 heures, plusieurs organisations de défense des droits humains, ainsi que l’ONU et l’Union africaine, ont fermement condamné ces crimes. Fait notable : certains responsables des FSR ont, pour la première fois, rompu le silence pour désavouer publiquement les auteurs de ces actes ignobles. Mercredi soir, le leader Hemiti en personne a regretté les atrocités tout en promettant une enquête. C’est un signal important, qui montre que même au sein des FSR, une ligne rouge a été franchie.
Face à de telles violations, l’ambiguïté n’est pas une option. Les organisations internationales doivent aller au-delà des déclarations : elles doivent documenter les faits, soutenir les enquêtes indépendantes, et faire pression pour que les responsables soient interpellés et traduits devant la Cour pénale internationale. Le silence ou l’inaction ne feraient qu’encourager l’impunité.
 
  1. Pourquoi cette ville est devenue si stratégique dans ce conflit ?
Dr. Ahmat Yacoub Dabio : La ville d’El-Fasher représente la capitale des cinq provinces du Darfour, dont quatre sont déjà sous le contrôle des Forces de Soutien Rapide (FSR) et le gouvernement Tassis,. S’emparer de cette ville permettrait de parachever leur emprise territoriale sur l’ensemble de la région. Pour les forces conjointes, El-Fasher constitue un bastion sociopolitique majeur. C’est un centre historique d’influence, de mobilisation et de résistance. Perdre cette ville reviendrait à céder un pilier de leur légitimité et de leur enracinement local. Pour le gouvernement central, la chute d’El-Fasher signifierait bien plus qu’une défaite militaire : ce serait la perte symbolique et opérationnelle de tout le Darfour. Une telle issue affaiblirait considérablement sa capacité à maintenir l’unité nationale et à préserver son autorité dans l’ouest du pays.
 
  1.  Comment le combat autour de Facher aggrave-t-il la situation humanitaire ?
Dr. Ahmat Yacoub Dabio Les conséquences sur la population civile d’El-Fasher, au Soudan, sont dramatiques. Depuis près de deux ans, la ville est le théâtre d’affrontements violents, d’atrocités répétées et d’un encerclement qui ne cesse de s’aggraver. Les civils vivent une situation humanitaire d’une gravité extrême. Les accès à la nourriture, aux soins et à l’eau sont de plus en plus restreints. Même les maigres ressources locales — comme les foins que les habitants consommaient en dernier recours — viennent à manquer.
Ce siège prolongé transforme El-Fasher en une prison à ciel ouvert, où la survie devient un combat quotidien. Les témoignages et les images qui émergent traduisent une détresse profonde et une urgence absolue. Il est impératif que les organisations internationales intensifient leur mobilisation, non seulement pour condamner, mais pour agir concrètement : acheminer l’aide humanitaire, garantir des couloirs sécurisés, et documenter les violations pour que justice soit rendue.
 
  1.  Malgré la gravité de la situation, certains évoquent encore des tentatives de médiation. Y a-t-il, selon vous, de réelles perspectives de cessez-le-feu ou de dialogue dans cette région, ou la guerre semble-t-elle s’enliser ?
Dr. Ahmat Yacoub Dabio : Il est important de rappeler que cette escalade intervient alors que le Quatuor de médiation s’efforce d’obtenir un cessez-le-feu de trois mois. Malheureusement, cette initiative semble être rejetée par l’armée pour deux raisons évoquées : La première raison est la présence dans le quatuor des Emirats arabes unis que le Soudan accuse de soutenir militairement les FSR, la deuxième raison est l’approche strictement militaire que les autorités de Khartoum privilégient.
En réalité, ce conflit ne débouchera ni sur une victoire décisive ni sur une défaite absolue. Même si l’une des parties parvient à occuper l’ensemble des villes soudanaises, cela ne mettra pas fin à la crise. C’est une conviction largement partagée par les organisations internationales, y compris le CEDPE.
La seule issue viable reste une solution politique négociée entre les deux camps. Toute autre voie ne ferait que prolonger les souffrances, aggraver la fragmentation du pays et compromettre durablement la stabilité régionale.
 
  1. Selon vous que devrez faire la communauté internationale pour mettre un terme aux violences et assurer une véritable protection des civils au Soudan ?
 
Dr. Ahmat Yacoub Dabio : Depuis mi-juin 2023, soit deux mois après le conflit, nous avons au niveau du CEDPE présenté aux belligérants, à l’UA et aux partenaires un plan de paix. Nous affirmons qu’il est désormais urgent de procéder à :
  1. La signature d’un accord de cessez-le-feu sous l’égide de l’union africaine et de l’IGAD appuyée par (l’ONU, l’Union Européenne et la Ligue arabe) prévoyant :
  • La cessation immédiate des hostilités ;
  • La libération des prisonniers des deux parties ;
  • La formation et l’envoi d’une force d’interposition mixte chargée de faire appliquer le cessez-le feu ;
  • Le retrait complet des forces belligérantes des villes et des zones identifiées comme points de tension ou lignes de démarcation du conflit ;
  •  La mission de maintien de la sécurité publique est confiée aux forces de police, dans le respect des principes de neutralité et de protection des civils ;
  1. La formation d’une commission chargée des affaires humanitaires (société civile, union africaine, IGAD), chargée de la réception et distribution des vivres sur toute l’étendue du territoire) ;
  2. La mise en place d’un gouvernement civil indépendant de transition (GCIT) dont les membres ne doivent pas appartenir à aucun parti politique ni à aucune des parties belligérantes :
    1. La formation d’une commission mixte chargée du processus de réintégration des forces du Soutien Rapide dans l’armée nationale ;
    2. La formation d’une commission mixte chargée du désarmement ;
  3. La mise en place d’un mécanisme mixte chargé de suivi et du respect de l’accord (placé sous l’égide de l’union africaine, composée de l’union africaine, de l’ONU, de l’Union Européenne, de la Ligue arabe, des deux parties en conflit et de la société civile soudanaise), chargée d’accompagner le gouvernement civil dans le processus de transition jusqu’aux élections et le transfert du pouvoir à un gouvernement civil élu.
Entretien réalisé par
- ​Radio Dja FM Liberté Tchad,
- Radio Algérie Internationale,
- Sahel 7
- AlwihdaInfo



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