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L'opportunisme existentiel médiatique et le mépris du peuple centrafricain


Alwihda Info | Par Alexis Clevis SINGA - 1 Août 2016



En marge du sommet de l'Union africaine qui s'est tenu à Kigali au cours du mois de juillet, Faustin Archange Touadéra le chef de l'Etat centrafricain s'est prêté au jeu de l'interview politique accordée par un média francophone très connu sur le continent africain.
Nul n'ignore que la République centrafricaine est un pays aujourd'hui dévasté par une guerre orchestrée et pilotée de l'extérieur par l'organisation dénommée séléka.
Il y a pourtant des limites que la décence empêche de franchir. Malheureusement, la démonstration a été faite par ce média qu'il n'y a pas de seuils infranchissables.

Comment comprendre qu'on puisse opposer les propos d'un président élu à ceux d'un criminel?

Nulle part en occident, pareil acte ne peut se produire si l'objectif est de mettre sur un piédestal les preneurs d'otages, les tueurs de masse ou les terroristes, de surcroît d'origines étrangères.
Cette condescendance devenue habitude de certains médias occidentaux à l'égard des peuples du sud doit cesser.

Abakar Sabone a été l'un des acteurs de la crise centrafricaine à l'origine du recrutement des enfants soldats, des tueries, de viols et pillages de masse, de l'exploitation des zones minières à des fins criminelles. Tout comme l'un de ses coalisés, ce triste personnage d'origine tchadienne nommé Nouredine Adam dont les ascendants ont su profiter de l'hospitalité de ce pays pour s'installer, pendant que la guerre faisait rage au Tchad.
Alors que les victimes de la barbarie sélékiste, en l'occurrence le peuple centrafricain, sont dans l'attente d'une justice, ces criminels ne cessent de les braver avec un insultant mépris.
Les médias occidentaux notamment celui qui se donne l'initiative d'interviewer ces bandits jouent un jeu dangereux ou du moins échafaudent un autre coup.

Même s'il est aujourd'hui avéré que tout programme de relèvement de ce pays passe par le déploiement d'une assistance extérieure, il n'en demeure pas moins de considérer que le "diktat politiquement correct" de ces soutiens internationaux qui imposent leur vision dans tous les domaines, devient de plus en plus pesant.
En conséquence, le gouvernement ne peut ou n'a pas la possibilité d'établir un programme militaro-socio-économique dont la pérennité du financement à court ou à moyen terme ne soit totalement autonome.
Ce qui de toute évidence confirme l'assertion devenue familière : "qui paie commande" ou "instruit".
Cette vérité des faits fragilise la République centrafricaine en tant qu'Etat si toutefois ce terme a encore un sens.

Un choix "démocratique" a été fait et il convient de le respecter. Il n'y a pas plus légitime que cette décision souveraine des Centrafricains même si des inquiétudes et des doutes ne sont pas totalement dissipés.
Tout autre son de cloche véhiculé à travers les médias, consistant à mettre en place un dialogue inclusif pour servir on ne sait quel intérêt n'est qu'une fornication de l'esprit et remet en cause de manière infamante le processus démocratique.
Le dialogue, oui mais entre les fils et filles de la République centrafricaine et ce dans le strict respect des institutions et de l'Etat de droit.
L'éventualité d'un sempiternel débat que revendiquent encore les groupes rebelles et les propos va-t-en guerre tenus sur les ondes des médias étrangers, sont une ultime provocation qu'il convient de condamner.
Aucun média en France ou ailleurs en occident ne peut se permettre ce dérapage insensé en donnant la possibilité à des groupes extrémistes de répondre directement à un chef de l'Etat.

Devons nous également rappeler à ce gouvernement sa responsabilité première, celle qui consiste à garantir au peuple centrafricain son droit d'exister en étant protégée du catastrophisme que veulent toujours engendrer les idéologues de la séléka, de la LRA (Lord's Resistance Army) et des bandits armés de tout genre se faisant appelés miliciens.

Les médias doivent tirer les conséquences de ce qui se passe ailleurs notamment en France et éviter d'alimenter la haine des Centrafricains vis à vis de leurs bourreaux.

L'interview accordée par RFI à Abakar Sabone en guise de réponse à Monsieur Touadéra chef de l'Etat centrafricain est l'acte suprême d'humiliation et d'insultes qu'on ne peut tolérer.

Pour autant Monsieur Touadéra le chef de l'Etat, doit répondre aux exigences des Centrafricains sur leurs priorités à savoir:

-La sécurité et la libre circulation des personnes et des biens.
-Une justice digne au service du peuple centrafricain.
-La santé et l'éducation gratuites sur tout le territoire.

Pour cela, le recours aux anciennes méthodes sous le nullissime général Bozizé ne peut être acceptable.
Il serait incongru d'admettre en outre que la fonction publique soit le refuge des incompétents corrompus en guise de compensation ou de retour de l'ascenseur.

Il y a plus de cent jours que ce gouvernement a été mis en place avec l'appui conséquent de la communauté internationale.
Les grandes réformes attendues ne sont pas encore à l'ordre du jour et cela pose problème.
A t-on vraiment besoin d'une énième proposition d'aide financière extérieure pour lutter et anéantir la corruption qui gangrène par exemple le bon fonctionnement de ce pays?
L'effort consenti par les Centrafricains pour reformer le pays doit venir en appui du soutien de la communauté internationale sans laquelle nous ne pouvons garantir la stabilité des institutions et une probable pérennité des ressources -aussi maigres soient elles- dont dispose ce pays.
Certes, la marge de manœuvre pour mettre en place tout projet de réforme est très étroite et dépend absolument de l'appui financier extérieur.

Mais il ya un levier sur lequel on ne partage pas l'opérabilité des actions, c'est celui des ressources humaines c'est à dire les compétences nécessaires à la mise en place de ces réformes.
Celle qui parait plus urgente concerne en effet la justice, ultime socle d'une démocratie républicaine aujourd'hui agonisante et "rancie", prise en otage par des prédateurs véreux et ce à tous les niveaux.
Elle n'existe malheureusement que de nom malgré les efforts d'un certain nombre de magistrats restés dignes.
Le peuple centrafricain demande pourtant des explications à ses ministres notamment ceux de la justice, de la sécurité publique et de la défense, à travers la représentation nationale au sujet de la mise en place de projets de réformes pour le bien des contribuables. Les initiatives ne doivent pas toujours venir de la communauté internationale même si -on a déjà compris- qu'elle a sans cesse le dernier mot.

Au delà de ce qui a été évoqué, il y a lieu de s'interroger sur une des conséquences de la barbarie instaurée par la séléka et les bandits miliciens, et qui engage l'avenir de ce pays, notamment le programme DDRR (désarmement, démobilisation, réinsertion, rapatriement ).

Tout semble porter à croire que la volonté de maintenir une fragilité sécuritaire pour justifier la présence permanente des troupes onusiennes sur le très long terme fait partie du plan dont ignorent les Centrafricains.
Alors que le pays est totalement desarmé face à des groupes criminels surarmés, l'ONU lambine à lever l'embargo sur les armes ou du moins émet encore certaines reserves sur cette possibilité.

Ce qui finalement ne cesse de rogner le champ d'action du gouvernement sur le plan sécuritaire et confirme ainsi la perte de souveraineté de ce pays.

Comment comprendre l'opérabilité du DDRR sans au préalable un désarmement forcé des organisations criminelles les plus dures, et le déterminisme des acteurs volontaires en faveur du processus concernant le DDRR?

C'est une guerre pour la reconquête de la souveraineté qu'il va falloir gagner même si l'on oppose aux Centrafricains une interprétation douteuse des textes émanant des différentes résolutions et qui donne pourtant un mandat explicite relatif au désarmement forcé des groupes criminels.
Le pays ne réclame pas la levée de l'embargo par désir de vengeance sur une partie de son peuple, ce serait suicidaire. C'est plutôt par soucis de protection de la population et du territoire centrafricain puisque même avec 12 000 hommes l'ONU ne parvient pas à empêcher les massacres mais aussi les déplacements forcés des populations.

Il est temps que les politiques comprennent la nécessité d'une union sacrée pour revendiquer le droit inaliénable du peuple centrafricain à se défendre avec les mêmes moyens dont disposent ses ennemis qu'ils soient de l'intérieur ou de l'extérieur.

L'idée qui consiste à éliminer politiquement l'adversaire pour pouvoir exister me semble pour l'heure totalement préjudiciable vu la gravité de la situation du moment car le jeu démocratique doit répondre à un principe simple : celui de la stabilité des institutions républicaines et l’intérêt du pays.

Nous en sommes encore loin.



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