Derrière les apparences d’une « modernisation », c’est un lent effacement de l’identité africaine qui s’opère, souvent dans l’indifférence générale.
De la colonisation politique à la colonisation culturelle
Au lendemain des indépendances, les nations africaines ont cru s’émanciper du joug colonial. Mais si les drapeaux étrangers ont quitté nos terres, leurs valeurs, leurs langues et leurs modèles de pensée sont restés solidement ancrés.
Les écoles, héritées du système colonial, ont continué à enseigner les références occidentales. On y apprend davantage Molière que Hampâté Bâ, davantage Victor Hugo que Birago Diop. Dans les capitales africaines, parler la langue coloniale est devenu un signe d’intelligence et de réussite.
Comme l’avait prédit Cheikh Anta Diop, « la véritable indépendance ne se mesure pas à la couleur du drapeau, mais à la capacité d’un peuple à penser par lui-même ». Or, sur ce plan, l’Afrique peine encore à se libérer.
Les médias : miroirs déformants d’un monde occidental
Les médias occidentaux façonnent les imaginaires. À travers la télévision, le cinéma, la publicité et aujourd’hui les réseaux sociaux, ils imposent une vision du monde où la réussite, la beauté et le bonheur sont définis selon les standards occidentaux.
Sur TikTok, Instagram ou Netflix, les contenus africains sont noyés dans un océan d’images venues d’ailleurs. Le jeune Africain qui passe des heures sur son téléphone finit par admirer et imiter des modèles qui ne lui ressemblent pas. Il rêve de ressembler à des rappeurs américains, de porter les marques européennes, de manger comme dans les publicités occidentales.
Dans les radios et les télévisions africaines, les musiques locales sont souvent reléguées à des tranches horaires marginales. Les films africains, eux, peinent à trouver des financements et des circuits de diffusion. Comme le disait Ngũgĩ wa Thiong’o, écrivain kényan, « l’outil le plus efficace du colonialisme fut la conquête de l’esprit ».
Une jeunesse fascinée, mais déracinée
La jeunesse africaine est à la fois la plus connectée et la plus vulnérable à cette domination culturelle. Elle s’exprime de moins en moins dans les langues locales, porte des prénoms étrangers et s’identifie davantage à des héros virtuels qu’à ses ancêtres.
Le phénomène de dépigmentation de la peau, l’abandon des tenues traditionnelles ou la honte de parler une langue maternelle en public, traduisent une aliénation identitaire profonde. Cette fascination pour l’Occident n’est pas seulement esthétique : elle influence aussi la manière de penser, de juger et d’aimer.
Nelson Mandela rappelait que « la liberté ne signifie rien si elle ne s’accompagne pas du respect de soi et de la dignité ». Or, beaucoup de jeunes Africains ont perdu cette fierté culturelle, remplacée par une admiration aveugle pour des modèles importés.
La responsabilité des élites africaines
La domination culturelle occidentale ne persiste pas uniquement à cause de la force des médias étrangers, mais aussi à cause de la passivité – voire de la complicité – des élites africaines. Nos gouvernements investissent peu dans la culture, les arts et la production audiovisuelle locale. Les ministères de la Culture sont souvent sous-financés, et les initiatives artistiques peinent à survivre sans soutien extérieur. Dans les écoles, on continue à enseigner selon des programmes copiés sur les modèles français ou anglais, au lieu de valoriser les savoirs et traditions africains.
L’élite politique et économique, souvent formée à l’étranger, contribue parfois inconsciemment à entretenir ce complexe d’infériorité culturelle, en préférant les références et les goûts occidentaux à ceux du continent.
Des signes de résistance
Malgré ce tableau sombre, des voix africaines s’élèvent pour réhabiliter la culture du continent. Dans la musique, des artistes comme Youssou N’Dour, Fally Ipupa ou Burna Boy ont su imposer une identité africaine sur la scène mondiale, en mêlant modernité et traditions. Dans la littérature, Chimamanda Ngozi Adichie ou Alain Mabanckou défendent une pensée africaine contemporaine, fière et universelle. Les créateurs de mode, les cinéastes et les influenceurs culturels africains redonnent vie à des symboles et des tenues traditionnelles, transformées en objets de fierté. Ces efforts montrent que l’Afrique peut résister à la standardisation culturelle mondiale, à condition de croire en sa propre valeur.
L’urgence de reconstruire une identité confiante
Résister à la domination culturelle occidentale ne veut pas dire rejeter le progrès. Il s’agit plutôt d’apprendre à s’ouvrir sans se renier. Les Africains doivent s’approprier la modernité, sans abandonner leurs racines. Cela passe par l’enseignement des langues africaines, la valorisation des traditions orales, la protection du patrimoine et la création d’espaces médiatiques indépendants. Les États africains devraient considérer la culture non comme un divertissement, mais comme un levier stratégique de développement.
Investir dans le cinéma, la littérature, la musique ou la mode africaine, c’est investir dans la souveraineté intellectuelle du continent. Les réseaux sociaux, souvent perçus comme vecteurs d’aliénation, peuvent devenir des armes de résistance : promouvoir le patrimoine local, raconter nos histoires, célébrer nos héros. L’Afrique doit écrire son propre récit, au lieu de se contenter d’être racontée par les autres.
Conclusion : retrouver notre âme
La culture est l’âme d’un peuple. Lorsqu’elle disparaît, ce peuple se vide de sa substance, même s’il possède la richesse et la puissance. Aujourd’hui, l’Afrique est appelée à un sursaut. Elle doit retrouver la confiance en elle-même, redonner à ses enfants la fierté de leurs origines et reconstruire un imaginaire collectif qui lui appartient. Comme le disait Amadou Hampâté Bâ, « en Afrique, un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ».
À l’heure où tant de bibliothèques s’effacent sous l’influence étrangère, il est temps de raviver le feu de notre mémoire. Car celui qui oublie d’où il vient, oublie aussi où il va.
De la colonisation politique à la colonisation culturelle
Au lendemain des indépendances, les nations africaines ont cru s’émanciper du joug colonial. Mais si les drapeaux étrangers ont quitté nos terres, leurs valeurs, leurs langues et leurs modèles de pensée sont restés solidement ancrés.
Les écoles, héritées du système colonial, ont continué à enseigner les références occidentales. On y apprend davantage Molière que Hampâté Bâ, davantage Victor Hugo que Birago Diop. Dans les capitales africaines, parler la langue coloniale est devenu un signe d’intelligence et de réussite.
Comme l’avait prédit Cheikh Anta Diop, « la véritable indépendance ne se mesure pas à la couleur du drapeau, mais à la capacité d’un peuple à penser par lui-même ». Or, sur ce plan, l’Afrique peine encore à se libérer.
Les médias : miroirs déformants d’un monde occidental
Les médias occidentaux façonnent les imaginaires. À travers la télévision, le cinéma, la publicité et aujourd’hui les réseaux sociaux, ils imposent une vision du monde où la réussite, la beauté et le bonheur sont définis selon les standards occidentaux.
Sur TikTok, Instagram ou Netflix, les contenus africains sont noyés dans un océan d’images venues d’ailleurs. Le jeune Africain qui passe des heures sur son téléphone finit par admirer et imiter des modèles qui ne lui ressemblent pas. Il rêve de ressembler à des rappeurs américains, de porter les marques européennes, de manger comme dans les publicités occidentales.
Dans les radios et les télévisions africaines, les musiques locales sont souvent reléguées à des tranches horaires marginales. Les films africains, eux, peinent à trouver des financements et des circuits de diffusion. Comme le disait Ngũgĩ wa Thiong’o, écrivain kényan, « l’outil le plus efficace du colonialisme fut la conquête de l’esprit ».
Une jeunesse fascinée, mais déracinée
La jeunesse africaine est à la fois la plus connectée et la plus vulnérable à cette domination culturelle. Elle s’exprime de moins en moins dans les langues locales, porte des prénoms étrangers et s’identifie davantage à des héros virtuels qu’à ses ancêtres.
Le phénomène de dépigmentation de la peau, l’abandon des tenues traditionnelles ou la honte de parler une langue maternelle en public, traduisent une aliénation identitaire profonde. Cette fascination pour l’Occident n’est pas seulement esthétique : elle influence aussi la manière de penser, de juger et d’aimer.
Nelson Mandela rappelait que « la liberté ne signifie rien si elle ne s’accompagne pas du respect de soi et de la dignité ». Or, beaucoup de jeunes Africains ont perdu cette fierté culturelle, remplacée par une admiration aveugle pour des modèles importés.
La responsabilité des élites africaines
La domination culturelle occidentale ne persiste pas uniquement à cause de la force des médias étrangers, mais aussi à cause de la passivité – voire de la complicité – des élites africaines. Nos gouvernements investissent peu dans la culture, les arts et la production audiovisuelle locale. Les ministères de la Culture sont souvent sous-financés, et les initiatives artistiques peinent à survivre sans soutien extérieur. Dans les écoles, on continue à enseigner selon des programmes copiés sur les modèles français ou anglais, au lieu de valoriser les savoirs et traditions africains.
L’élite politique et économique, souvent formée à l’étranger, contribue parfois inconsciemment à entretenir ce complexe d’infériorité culturelle, en préférant les références et les goûts occidentaux à ceux du continent.
Des signes de résistance
Malgré ce tableau sombre, des voix africaines s’élèvent pour réhabiliter la culture du continent. Dans la musique, des artistes comme Youssou N’Dour, Fally Ipupa ou Burna Boy ont su imposer une identité africaine sur la scène mondiale, en mêlant modernité et traditions. Dans la littérature, Chimamanda Ngozi Adichie ou Alain Mabanckou défendent une pensée africaine contemporaine, fière et universelle. Les créateurs de mode, les cinéastes et les influenceurs culturels africains redonnent vie à des symboles et des tenues traditionnelles, transformées en objets de fierté. Ces efforts montrent que l’Afrique peut résister à la standardisation culturelle mondiale, à condition de croire en sa propre valeur.
L’urgence de reconstruire une identité confiante
Résister à la domination culturelle occidentale ne veut pas dire rejeter le progrès. Il s’agit plutôt d’apprendre à s’ouvrir sans se renier. Les Africains doivent s’approprier la modernité, sans abandonner leurs racines. Cela passe par l’enseignement des langues africaines, la valorisation des traditions orales, la protection du patrimoine et la création d’espaces médiatiques indépendants. Les États africains devraient considérer la culture non comme un divertissement, mais comme un levier stratégique de développement.
Investir dans le cinéma, la littérature, la musique ou la mode africaine, c’est investir dans la souveraineté intellectuelle du continent. Les réseaux sociaux, souvent perçus comme vecteurs d’aliénation, peuvent devenir des armes de résistance : promouvoir le patrimoine local, raconter nos histoires, célébrer nos héros. L’Afrique doit écrire son propre récit, au lieu de se contenter d’être racontée par les autres.
Conclusion : retrouver notre âme
La culture est l’âme d’un peuple. Lorsqu’elle disparaît, ce peuple se vide de sa substance, même s’il possède la richesse et la puissance. Aujourd’hui, l’Afrique est appelée à un sursaut. Elle doit retrouver la confiance en elle-même, redonner à ses enfants la fierté de leurs origines et reconstruire un imaginaire collectif qui lui appartient. Comme le disait Amadou Hampâté Bâ, « en Afrique, un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ».
À l’heure où tant de bibliothèques s’effacent sous l’influence étrangère, il est temps de raviver le feu de notre mémoire. Car celui qui oublie d’où il vient, oublie aussi où il va.
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