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AFRIQUE

Le secteur informel en Afrique:Amortisseur social ou frein au développement?


Alwihda Info | Par Michel ABDELOUHAB / Mahamat Ramadane - 8 Janvier 2016


Conséquences des divers crises économiques et de l’exode rural, le secteur informel a été et reste un formidable amortisseur social .Cependant, sa taille dans le PIB est un indicateur de sous développement, tout en bloquant toute perspective de croissance endogène, condition nécessaire au développement économique.


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Comprendre les causes et les conséquences de l’informel est crucial étant donné que celui-ci joue un rôle dominant dans les économies ouest et centre-africaines, en particulier en matière de création d’emplois, de contribution à la formation du revenu, et de financement du budget de l’Etat. Il est possible de définir le secteur informel en utilisant 4 critères : la taille de l’activité, l’enregistrement, la sincérité des comptes, la fixité du lieu de travail, l’accès au crédit et le statut fiscal de la firme. Il reste cependant important de dissocier le gros informel et le petit informel.
Conséquences des divers crises économiques et de l’exode rural, le secteur informel a été et reste un formidable amortisseur social .Cependant, sa taille dans le PIB est un indicateur de sous développement, tout en bloquant toute perspective de croissance endogène, condition nécessaire au développement économique. La problématique du secteur informel est de nos jours crucial dans la mesure où il prive le budget de l’Etat de ressources financières importantes, dans un contexte de baisse des cours de pétrole et donc de la fiscalité pétrolière.

I. Les causes du développement du secteur informel
Le développement du secteur informel est une conséquence direct de chocs économiques exogènes qu’ont subit les économies africaines : Passage d’une économie planifiée à une économie de marché, dévaluation du franc CFA en 1994, crises économiques dans les pays occidentaux qui, par effet domino, impactent négativement les économies africaines, surévaluation du CFA par rapport aux devises étrangères obérant de fait la compétitivité des produits de la régions sur les marchés mondiaux, sécheresse dans les régions rurales, sous productivité du secteur agricole. Ces facteurs ont développé un exode rural vers les métropoles, et donc gonflé le secteur informel. En outre, le climat des affaires, qui dépend directement de la politique conjoncturelle de l’Etat, explique aussi l’importance croissante de ce secteur. Un environnement des affaires négatif pousse l’entrepreneur à opter pour l’informel. En effet, il est possible d’y rentrer immédiatement, avec une mise de fond minimum.

II. Caractéristiques des entreprises informelles et formelles 
Ces entreprises sont de petite taille et l’auto-emploi y est prédominant.
La plupart des entreprises sont enregistrées, en général auprès des municipalités et du ministère du Commerce, mais rarement auprès des autorités fiscales. Le niveau d’éducation est généralement faible, avec une participation relativement élevée des femmes. L’accès au crédit bancaire est quasi inexistant en raison du manque de documentation comptable et financière. Les entreprises du petit informel recourent aux marchés de crédit non officiels, où les taux d’intérêt sont onéreux. L’utilisation de TIC (Technologies de l’information et de la communication) est limitée. Ces entreprises sont pour la plupart concentrées dans les mêmes secteurs d’activité que les entreprises du gros informel : le commerce, l’artisanat, le transport, et le marché de vêtements neufs et d’occasions. Elles vendent des produits de faible qualité à des microentreprises et à des ménages à faible revenu dans un marché hautement concurrentiel. Elles exportent rarement. Les entreprises du petit informel opèrent également dans un marché du travail totalement dérégulé et concurrentiel, les employés ne bénéficiant pas de protection sociale.
Les entreprises formelles diffèrent des entreprises informelles au regard de toutes ces caractéristiques. En moyenne, elles sont beaucoup plus grandes, enregistrées auprès des autorités fiscales, payent l’impôt au réel, ont des dirigeants et des employés qui sont plus instruits, ont un plus grand accès au crédit bancaire, font un usage des TIC relativement plus important, et sont un peu plus orientées vers l’exportation.

III. Quelles relations entre les entreprises formelles et informelles ?
Les relations entre entreprises formelles et informelles sont complexes, intégrant la fois des rapports de concurrence et de coopération. De nombreuses entreprises formelles dépendent de distributeurs informels. Le commerce et la construction sont des illustrations de liens très forts d’échanges et de sous traitante
Entre les entreprises formelles et informelles. De même, dans le secteur de la construction, les marchés publics et autres grands contrats sont généralement réservés aux entreprises formelles qui finissent par sous-traiter la majeure partie du travail à des entreprises du secteur informel.

IV. Quelles conséquences du développement du secteur informel sur l’économie locale ?
Les coûts et les avantages de l’informel peuvent être appréhendés du point de vue de l’entrepreneur individuel ou de la collectivité. Le premier cas se réfère à la décision d’une entreprise de se « formaliser » ou non, tandis que le second concerne les conséquences économiques et sociales du secteur informel. Dans le premier, la faiblesse des capacités de mise en application des règles régissant les affaires, la fourniture déficiente des biens et services publics, et l’absence de cadre réglementaire efficace et transparent sont décisifs dans les choix des entrepreneurs. Un environnement des affaires hostile peut ainsi pousser un agent économique dans le secteur informel. La formalisation signifie un meilleur accès aux services publics, mais également la mise en application des règles, notamment celles concernant le recouvrement fiscal. Le choix d’opérer dans le secteur formel implique des coûts fixes (liés à l’enregistrement et à la mise aux normes d’activités anciennement informelles) et des coûts variables (impôts et cotisations sociales) Ces facteurs institutionnels sont très importants dans l’explication de l’expansion du secteur informel..
Dans l’analyse des effets négatifs de celle-ci, la question de la productivité est centrale. À la lumière de nombreuses études, l’écart de productivité entre les entreprises formelles et informelles est important. 
La corrélation entre la productivité et l’informel semble aller dans les deux sens et ainsi refléter une causalité bidirectionnelle. Un faible niveau de productivité peut conduire à l’informel à travers un processus d’auto sélection des entreprises par la qualité des dirigeants. Les dirigeants les plus talentueux préféreront en effet se formaliser pour tirer profit des avantages liés à l’accès aux services publics, à condition bien sûr que l’État soit capable de mettre en application les règles gouvernant les affaires et qu’il existe un cadre réglementaire favorable au secteur privé. La causalité inverse, allant du statut formel ou non de l’entreprise à la productivité, pourrait être due à un accès réduit aux services publics pour les firmes informelles. L’informel empêche également les entreprises d’acquérir des compétences managériales modernes et de bénéficier de la formation des travailleurs, réduisant ainsi davantage leur productivité. Le faible accès au financement en particulier signifie que les entreprises ont moins d’occasions d’investir et, de ce fait, ont un niveau d’intensité capitalistique plus faible et donc de productivité du travail réduit.
Les effets de l’informel sur la pauvreté sont également importants. Les petites entreprises informelles offrent des niveaux de rémunérations susceptibles d’attirer les travailleurs agricoles, mais qu’elles sont de loin plus fragiles et offrent des potentiels de croissance nettement plus faibles que celles du formel. Elles ont tendance à proliférer lorsque la croissance économique est faible, ce qui est conforme au point de vue selon lequel ce type d’entreprises constitue une sorte de soupape de sécurité contre la pauvreté. Une des conséquences de cette hypothèse est que le niveau des revenus sa tendance à être beaucoup plus faible dans le secteur informel que dans le secteur formel. 
L’évasion fiscale, et c’est le problème qui nous préoccupe, représente un autre coût social bien connu de l’informel. À ce titre, nous avons également examiné les incidences fiscales de l’informel sur les systèmes fiscaux. En effet, le secteur informel ne contribue presque pas aux recettes fiscales, alors qu’il compte pour plus de la moitié du PIB. L’estimation de la Banque Mondiale de la perte de recettes fiscales liée à l’évasion fiscale du secteur informel représente entre 3 et 10 % du PIB en Afrique Centrale et de l’Ouest. Pour un pays comme le Tchad, il représente donc entre _700 millions et un milliard de dollars par an.
Enfin, le secteur informel contribue à l’instauration d’un climat des affaires inamicales pour les entreprises formelles, notamment pour les investissements directs étrangers. 
La nature dualiste des économies ouest-africaines, caractérisées par un vaste secteur informel non réglementé et non imposé, constitue ainsi un obstacle à une croissance soutenue. Les petites unités du secteur formel, constituées essentiellement d’entreprises étrangères, doivent supporter une charge fiscale disproportionnée, ce qui obère considérablement leur compétitivité.
Ces impôts et charges élevés sont de nature à produire des coûts énormes pour le formel et, a contrario, sont autant d’avantages pour le secteur informel ; ils représentent par conséquent un important obstacle à l’investissement direct étranger. Il apparaît impossible pour une économie de se développer lorsque la majeure
partie de l’activité économique s’opère en dehors du cadre réglementaire et fiscal. Par conséquent, la formalisation du secteur informel doit représenter un objectif à long terme pour les États africains

V. Quelles pistes pour formaliser l’informel ?
La captation du secteur informel vers le secteur formel est donc une condition essentielle de l’élargissement de l’assiette fiscale ? En imposant l’informel après l’avoir rendu formel, l’assiette fiscale s’élargie, les taux d’imposition vont diminuer, ce qui va permettre de rendre plus attractif le territoire national, et donc attirer l’investissement direct des FMN tout en stimulant la création de nouvelles entreprises. 
Pour les entreprises du petit informel, les mesures de politiques économiques à mettre en œuvre coulent de source : il s’agit de programmes visant à réduire la pauvreté en renforçant les capacités des microentreprises, en particulier en mettant à leur disposition de plus grandes facilités d’accès à la formation, au crédit et à différents services d’appui au secteur privé.
Le secteur informel est, à certains égards, symptomatique des déficiences institutionnelles.Les États devraient systématiquement évaluer les différentes mesures de politiques publiques à l’aune de leurs effets attendus sur la société, les coûts qu’elles entraînent pour les entreprises privées qui doivent les respecter et pour les États eux-mêmes qui doivent les mettre en application, ainsi que l’absence de crédibilité que leur faible mise en œuvre peut induire. Le secteur informel est concentré dans les activités de produits non échangeables, notamment les services, le commerce, la distribution, la construction et le secteur des produits alimentaires ou des matières premières d’origine locale. Bien que le secteur informel fournisse une part importante de l’emploi et des revenus, ses activités n’ont pas le potentiel de croissance qu’ont les biens plus généralement échangeables. Pour atteindre les cibles qu’ils se fixent en matière de croissance, les États ne pourront pas beaucoup compter sur celle des entreprises du secteur informel. Les mesures politiques devront en revanche promouvoir la compétitivité internationale des entreprises du secteur formel, y compris les investissements directs étrangers, qui ont un plus grand potentiel pour stimuler les exportations et augmenter la productivité. Or Les unités du secteur formel, constituées essentiellement d’entreprises étrangères, doivent supporter une charge fiscale disproportionnée, ce qui obère considérablement leur compétitivité. Ces impôts et charges élevés sont de nature à produire des coûts énormes pour le formel et, a contrario, sont autant d’avantages pour le secteur informel ; ils représentent par conséquent un important obstacle à l’investissement direct étranger. Il apparaît impossible pour une économie de se développer lorsque la majeure partie de l’activité économique s’opère en dehors du cadre réglementaire et fiscal. Par conséquent, la formalisation du secteur informel doit représenter un objectif à long terme pour les États africains.

La signature en octobre dernier d’une convention entre l’Institut Français du Tchad, l’ANIE et le FONAGE à Ndjamena devrait générer l’enclenchement d’une dynamique vertueuse vers l’entreprenariat formel, tout en améliorant le climat des affaires. En effet, financement et formation sont désormais disponible pour tout néo entrepreneur tchadien ayant fait le choix de la formalisation. Les couts d’enregistrement et de financement sont quasi nuls, et les délais d’enregistrement considérablement réduits. De même, la mise en place du système OHADA et sa généralisation devrait aussi contribuer à l’amélioration du climat des affaires au Tchad en permettant aux nouvelles structures d’avoir des allègements fiscaux les 2 premières années d’activité.




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