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LITTERATURE

Ouvrage : La gloire des imposteurs


- 25 Février 2014



Par BELEMGOTO Macaoura

"La Gloire des imposteurs", c'est le livre paru aux éditions Philippe Rey, écrit par Aminata Dramane Traoré et Boubacar Boris Diop, deux personnalités qu'on ne présente plus. L'une est Malienne, l'autre est Sénégalais.
 
Le livre est très passionnant et facile à dévorer en quelques heures. Il s'agit d'un échange de correspondances entre les deux auteurs, analysant la situation politique dans le monde et plus particulièrement en Afrique subsaharienne. L'impérialisme de l'Occident est pointé du doigt. Le peu de respect dont sont sujets les Africains de la part de l'Occident, le comportement irresponsable des dirigeants africains sont également dénoncés. Ce livre attire l'attention sur des constatations inquiétantes : sous le prétexte d'apporter la démocratie en Afrique ou de "protéger les populations civiles", les pays Occidentaux, la France en tête, ont fait la guerre en Afrique sans l'avis des Africains. Au fond, il s'agit surtout de la protection de leurs intérêts.
 
L'OTAN a détruit la Libye, créant ainsi une vaste zone d'insécurité dans tout le Sahara.  Pendant que les bombes pleuvaient sur Tripoli, les chefs d'Etat Africains n'ont rien dit. L'Union Africaine était muette. Pire, certains comme Abdoulaye Wade ont été courtisés pour jouer un rôle qu'on ne pourrait imaginer : le Sénégal reconnait le CNT et son président Abdoulaye Wade se rend à Benghazi, parade sous la protection des militaires Français et invite Kadhafi à entendre la voix de son peuple. On ne consulte surtout pas les Africains quand on veut mener une guerre sur le continent africain. Un coup de fil au secrétaire général des Nations Unies, pour respecter la forme, et les avions décollent. Ils ont tué Kadhafi et ont plongé la Libye dans le chaos. La démocratie n'est pas sortie des cratères de bombe, comme espérait la "Communauté internationale". Pire, la guerre en Libye a engendré la guerre au Mali. Peut-être que la situation en Centrafrique est une autre conséquence de la guerre en Libye. Les armes circulent très facilement. Aminata Traoré est l'une des rares personnalités africaines à s'être prononcée ouvertement contre l'intervention française au Mali.
A Abidjan, des chars français ont défoncé les portails de la présidence ivoirienne pour arrêter Gbagbo. La France venait de franchir une ligne rouge. Un simple contentieux électoral débouche sur une guerre. Ailleurs, on recompte les voix en cas de litige électoral. En Côte d'Ivoire, on a préféré recompter les hommes en armes pour faire la guerre. Ils maintiennent Gbagbo sans jugement. Ils peine à lui trouver un motif de condamnation. Peu importe, il est déjà neutralisé. L'homme est jugé très dangereux pour les intérêts français en Côte d'Ivoire. Là aussi, les dirigeants Africains sont restés muets. Ils sont pourtant concernés par la guerre qu'on mène devant leur porte. 
 
J'ai bien aimé ce livre dans son ensemble. Je me permets de faire deux remarques :
 
- Si Aminata Dramane Traoré et Boubacar Boris Diop ont une lecture si bien éclairée de la situation dans nos pays, pourquoi se gardent-ils de créer des partis ou mouvements politiques, dans leur pays respectifs, le Mali et le Sénégal, afin de mieux combattre l'impérialisme occidental ? Dans les ex-colonies de la France, pouvoir et opposition se gardent soigneusement de critiquer la politique française en Afrique. En cas d'élection, la France a son candidat, qui doit gagner les élections à tous prix, sinon c'est la guerre. Devant un tel constat amer,  Il est donc temps de mettre en place des formations politiques qui remettent en cause la politique française en Afrique. Et Aminata Dramane Traoré et Boubacar Boris Diop sont bien placés pour le faire, eux qui ont des analyses très pertinentes de la politique africaine de l'Occident. Leur personnalité et leurs idées mobiliseront sans doute beaucoup de monde au-delà des frontières du Mali et du Sénégal, pour lutter contre ce que l'Occident fait subir sans cesse aux Africains.
 
- J'ai été déçu à un endroit du livre, pp 193-194. C'est Aminata Traoré qui écrit, au sujet d'un colloque international des musulmans de l'espace francophone, organisé à Dakar. Elle parle de Tarq Ramadan, comme d'un "intellectuel courageux d'une rare clairvoyance, qui n'est pas du genre à se laisser raconter des histoires à dormir debout..."  Tareq Ramadan est tout sauf un intellectuel courageux. Je dirais pourquoi. Plus loin, Aminata Traoré se demande "quel rôle pourrait jouer un électorat musulman éclairé dans la transformation du Mali en un pays souverain et respectueux des droits économiques". En Egypte, la Malienne écrit : "Les Frères musulmans ont été portés au pouvoir par des Egyptiens décidés à en finir à tout prix avec le système Moubarak, mais la confrérie, surtout préoccupée par son agenda, a commis l'erreur de sous-estimer les défis socio-économiques. N'aurait-elle pas dû chercher dans le Coran même quelques repères sur la voie du gérer autrement ?" Franchement, je pensais que "la gloire des imposteurs" s'adressait à tous les Africains meurtris par la politique esclavagiste de l'Occident, mais Aminata Traoré ramène tout à l'islam, aux musulmans, je commence à émettre des réserves. Je n'ai jamais cru un seul instant que cette brillante dame allait nous faire croire que la solution aux problèmes du Mali se trouve dans le Coran. Si c'est le cas, il ne restait plus qu'à souhaiter que les djihadistes s'emparent de Bamako. 
 
Aminata Traoré vient introduire la religion, cet autre instrument de domination culturelle qui ne dit pas son nom. On ne peut pas aujourd'hui, être intellectuel Africain, et penser que la solution à nos problèmes se trouve dans le Coran ou la Bible. Les religions ont commis un véritable génocide culturelle en Afrique et de ce fait figurent bel et bien parmi les causes du retard de l'Afrique. Il faut bien ouvrir les yeux pour faire le constat. Des religions ont été crées de toute pièces au Moyen-Orient et on été imposées aux Africains. Là où ces religions passent, les langues locales disparaissent. Les us et coutumes disparaissent car, considérés comme l'oeuvre de Satan. Les Africains portent désormais des prénoms arabes, ou européens. On impose aux Africains des habitudes alimentaires et vestimentaires nouvelles. On doit se saluer comme le font les Arabes ou les Européens. Nos dieux n'étaient pas les bons. Avant l'arrivée de ces religions, nos ancêtres étaient sous l'emprise de Satan le Mauvais. Pendant des millénaires, le bon Dieu n'a jamais daigné jeté, ne serait-ce qu'un petit regard de compassion sur notre vaste continent. Les religions dont nous nous réclamons, christianisme et islam, sont toutes les deux nées dans le même bassin. Arabes et Juifs sont des cousins. Il y a beaucoup d'histoire à dormir debout dans la Bible et le Coran. Et Tariq Ramadan, est un grand défenseur de la religion musulmane. Il se laisse donc forcément se raconter des histoires à dormir debout puisqu'il admet que le Coran est d'origine divine. Tarek Ramadan ne veut pas condamner la lapidation des femmes. Tarek Ramadan veut qu'on tue les homosexuels, car l'homosexualité est interdite dans son Coran. C'est ça intellectuel courageux ? Non. 
 
Cheikh Anta Diop dont Boris Diop a longuement parlé dans le livre, est un grand Africain. Dans toutes les conférences qu'il a données, il a démontré que l'Afrique est le berceau de l'humanité. Jusqu'aujourd'hui, aucun savant ne peut contester les thèses de Cheikh Anta Diop. C'est d'Afrique que sont partis les premiers humains, pour peupler la planète. L'homme moderne n'est pas né homo sapiens, comme prétend le dire les livres révélés. Toutes les découvertes archéologiques, toutes les découvertes de fossiles, ne font que donner raison à Cheikh Anta Diop. Les religions renient en quelque sorte l'histoire de l'Afrique et Aminata Dramane Traoré qui se dit musulmane pratiquante semble accepter cet insulte à notre histoire. Géographiquement, Bible et Coran font naître l'homme au Moyen-Orient. Les Africains croyants se disent descendants d'Adam et Eve, ce qui est une aberration. C'est plutôt l'inverse : Adam et Eve qui sont visiblement des homo sapiens d'après leur description, sont des descendants des Africains, puisque, rappelons-le, c'est de l'Afrique que sont partis les premiers humains. Les religions nous ont dit que Dieu nous a oubliés car il n'a pas parlé à nos ancêtres : nous l'avons accepté. En effet, que pensait Dieu des Africains à l'époque de Jésus ou de Muhammad ? Pauvres Africains ! Dieu ne savait peut-être pas qu'ils existaient.
 
 Pour faire face aux défis qui se présentent devant l'Afrique, les Africains doivent réfléchir. Malheureusement, nous ne savons pas réfléchir. Nous avons toujours été une proie facile pour les peuples environnants qui passent leur temps à réfléchir et à faire des calculs. Oui, nous sommes une proie facile sur tous les plans. Comment comprendre que l'Afrique, ce vaste continent si grand, a comme langues officielles : l'arabe, le français, l'anglais, le Portugais, ou l'Espagnole, et comme religion, le christianisme ou l'islam dans son écrasante majorité ? Je plains les intellectuels Africains : ils tirent à boulet rouge sur l'impérialisme de l'occident, tout en faisant allégeance aux religions qui constituent une autre forme de domination culturelle inacceptable. Tout esprit intellectuel bien éclairé trouve du mal à croire que le Dieu tout-puissant a révélé sa parole à l'humanité dans la Bible ou dans le Coran. Ce Dieu oublie, non seulement les Africains, mais aussi les pauvres, Korowai de la Papouasie, ou encore les pauvres Indiens de la forêt amazonienne qui n'ont aucune chance que de connaître la "parole de Dieu". En effet, il existe encore en 2014, des tribus de la forêt amazonienne, qui refusent tout contact avec l'extérieur. Ils accueillent tout étranger curieux avec des envolées de flèches. Que doit-on faire d'eux ? Selon le Coran, il faut les tuer. Sans commentaire.
 
 L'histoire de l'humanité est pleine d'enseignement : les grands peuples qui dominent actuellement le monde sont des peuples qui se sont forgés une identité au fil de l'histoire, identité culturelle, religieuse... C'est ce que semblent oublier Aminata Traoré et Boubacar Boris Diop. Les Africains sont encore en train de se chercher sur le plan identitaire et c'est un processus qui peut prendre plusieurs siècles. Puisqu'ils s'alignent sur les identité des autres peuples, les Africains seront toujours en retard. Pendant ce temps, ils sont dominés sur tous les plans par les peuples qu'ils tentent de suivre. Si aujourd'hui, les pays asiatiques font peur à l'Occident, c'est en partie dû au fait, que ces peuples ont gardé leur identité au cours de l'histoire. La Chine et le Japon, pour ne citer que ces deux pays, ont leur langue, leur culture et leur religion majoritaire n'est ni christianisme ni islam. Ils ne s'appellent pas Jacques, Pierre ou Paul, ni Ahmed, Boubacar, ni Aminata. Un peuple qui perd son identité, perd tout. Un peuple qui adore des dieux étrangers sera toujours dominé.
 
Ce monde n'est qu'une jungle où le plus fort écrase le plus faible. C'est ce qu'on oublie souvent. Il ne faut pas attendre que les uns ou les autres, poussés par une charité musulmane ou chrétienne, accordent un respect aux Africains, leurs frères dans la foi. L'Afrique est un continent vaincu et les peuples africains ont encore plusieurs siècles de domination devant eux, et la situation semble s'empirer de décennie en décennie. Jusque-là quand on il faut exploiter un sous-sol, il faut faire appel à des entreprises étrangères à l'Afrique. Jusque-là, le franc CFA n'a jamais été remis en cause.  Jusque-là on intervient militairement sur le continent africain sans consulter les Africains ne serait-ce qu'à travers l'Union Africaine. En ce moment, la France et les Etats-Unis sont en train d'élargir leur base militaire en Afrique sans que les Africains aient leur mot à dire... Autant d'éléments de mauvais présage. Le pire est encore à venir dans le processus de la domination sauvage des autres continents. Bientôt il n'y aura même plus de larme.
 
Tel est le commentaire que je fais sur "La Gloire des imposteurs", un livre qu'il faut lire.
 
BELEMGOTO Macaoura



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