Depuis quelques années, le Tchad s'est engagé dans une série de réformes fiscales visant à améliorer la mobilisation des ressources intérieures et à renforcer la soutenabilité budgétaire. Face à la baisse des revenus pétroliers et à la pression croissante sur les finances publiques, l'État cherche à élargir l'assiette fiscale, moderniser la collecte des impôts et lutter contre l'informalité. Cependant, ces réformes ne font pas toujours l'unanimité, notamment parmi les petites et moyennes entreprises (PME), qui constituent l'épine dorsale de l'économie nationale.
Le secteur des PME et très petites entreprises (TPE) représente près de 90 % du tissu économique tchadien, selon la Chambre de Commerce, d’Industrie, d’Agriculture, des Mines et d’Artisanat (CCIAMA). Ces entreprises, souvent familiales ou individuelles, opèrent majoritairement dans le commerce, les services et la transformation agroalimentaire. Elles jouent un rôle crucial dans la création d'emplois, surtout pour les jeunes, mais évoluent dans un environnement fiscal jugé complexe et parfois contraignant.
Depuis 2018, la Direction générale des impôts (DGI) a entrepris plusieurs réformes visant à simplifier le système fiscal. Parmi les plus notables :
- Mise en place du Numéro d’Identification Fiscal (NIF) pour tracer les contribuables et sécuriser les recettes.
- Adoption d'un nouveau Code général des impôts, harmonisant les taux et introduisant des mesures incitatives pour les petites entreprises, comme le régime fiscal simplifié pour les microentreprises dont le chiffre d'affaires annuel ne dépasse pas 30 millions de francs CFA.
Pour de nombreux petits entrepreneurs, la fiscalité tchadienne est perçue comme lourde et peu lisible. Certains dénoncent une multiplication des taxes locales et parafiscales, parfois redondantes. Un commerçant du marché de Dembé a déclaré : « Nous payons des impôts sans vraiment voir les retombées sur nos activités. Les contrôles sont fréquents, mais les services d'accompagnement sont inexistants. »
Ce sentiment d'injustice fiscale alimente la méfiance des opérateurs vis-à-vis de l'administration, d'autant que la corruption et la lenteur des procédures persistent, malgré les efforts de digitalisation.
Cependant, plusieurs observateurs notent des évolutions positives. L'introduction du télépaiement et la modernisation du système de gestion des impôts ont commencé à réduire le contact direct entre contribuables et agents, limitant ainsi les pratiques abusives. De plus, la création du guichet unique pour les entreprises a simplifié certaines démarches administratives. Le Tchad, qui occupait la 182e place sur 190 dans le rapport Doing Business 2020 de la Banque mondiale, tente ainsi d'améliorer son climat des affaires.
L'impact des réformes fiscales sur la compétitivité reste mitigé. D'une part, la rationalisation du système et la lutte contre la fraude favorisent un environnement plus transparent. D'autre part, la pression fiscale accrue fragilise les marges des petites entreprises et freine leur croissance. Beaucoup d'entre elles peinent à se formaliser par crainte de charges supplémentaires, préférant rester dans l'informel. Selon la Banque africaine de développement, moins de 20 % des PME tchadiennes sont enregistrées officiellement, un chiffre parmi les plus bas de la sous-région.
Pour inverser la tendance, les experts préconisent une fiscalité plus progressive et adaptée à la taille des entreprises. Le Fonds monétaire international recommande également d'élargir la base d'imposition tout en allégeant la charge pesant sur les petites structures. Cela pourrait passer par :
- Une meilleure éducation fiscale.
- Un accompagnement technique.
- La réduction des coûts liés à la conformité.