Accueil
Envoyer à un ami
Imprimer
Grand
Petit
Partager
REPORTAGE

Cancer du sein et du col de l’utérus : un sujet tabou dans le milieu tchadien


Alwihda Info | Par Mbainaissem Gédéon - 26 Octobre 2022


Le cancer du sein et du col de l’utérus tue les femmes africaines en général et les femmes tchadiennes en particulier par manque de connaissance et d’informations. Perçu comme un tabou ou une malédiction, le cancer de sein et du col de l’utérus fait chaque année des victimes en Afrique et au Tchad.


Le cancer du sein et du col de l’utérus est un sujet tabou dans le milieu tchadien mais Kadidja Mbodou Abakar a accepté de parler de son cancer de sein. Âgée de 48 ans, originaire de Mao dans la province du Kanem, elle garde l’anonymat sur le nom de son village. Kadidja raconte la série de calvaires qu’elle a subi concernant son cancer :
« je m’appelle Kadidja Mbodou Abakar, je suis une mère de huit enfants. C’est dix ans après mon dernier enfant que j’ai commencé à sentir une douleur à mon sein gauche. Trois mois plus tard, j’ai commencé à me sentir mal quand je touche mon sein gauche pendant mes toilettes intimes. J’avais du mal à en parler à mon mari. J’ai parlé à mes copines qui ont pensé que c’était un lancement. Elles m’ont amené voir des marabouts mais la douleur ne faisait que persister. J’ai fait presque deux ans en cachant cela à mon mari. Puis je ne pouvais pus supporter. Mon sein a commencé à augmenter de volume et à chaque fois que je touchait, je voyais l’écoulement d'un liquide jaunâtre. Peu après, le liquide est devenu gris. Dépassée, j’ai parlé à mon mari de la situation. Il m’a promis de m’amener voir une sage-femme. Quand il m’a amené au centre de santé du village, la sage-femme m’a caché la vérité. Elle me disait qu’elle va écrire une note pour nous orienter à l’hôpital de l’amitié (Tchad-Chine) et que là-bas ils auront des solutions à mon problème. C’est ainsi que nous sommes venus à l’hôpital Tchad-Chine. »
 
Un séjour difficile de Kadidja Mbodou Abakar à l’hôpital Tchad-Chine
 
Les docteurs, après consultations, avaient du mal à lui dire clairement qu’elle a un cancer de sein. « Ils ont refusé de me dire de quoi je souffre, et ce n'est qu’après qu’ils m’ont informé par le biais d’une fille kanembou qui travaillait ici à l’hôpital », explique Kadidja. 

"Apprenant la nouvelle, j’ai dit que c’est la volonté divine et que je n'y peux rien. J’ai posé la question si le cancer peut guérir. Ils m’ont dit qu’ils feront le nécessaire et cela fait probablement un an que je fais de va-et-vient entre Mao et N’Djamena. Mais la plaie ne fait qu'évoluer et je n’arrive pas à dormir. C’est grâce aux médicaments qu’on me donne que je dors un peu. Sans cela, il est impossible de dormir", affirme t-elle.

« Mon mari et mes parents ont dépensé beaucoup d'argent pour mon cancer mais c’est comme si les efforts sont tombés à l’eau. C’est maintenant que la maladie progresse. J’attends que la mort me prenne mais elle ne vient pas », se lamente-t-elle, en baissant la tête.
 
Tout comme le cancer de l’utérus, plusieurs femmes tchadiennes vivent avec le cancer du sein. Tabou au sein de la société, les victimes refusent d'en parler. Pourtant c’est un mal. C’est le cas d’une patiente X qui refuse de se prononcer. Nous l'avons rencontrée ce mercredi à l’hôpital Tchad-Chine lors d'un rendez-vous pour ses soins.

D’après les informations reçues de Dr. Zeneb Daoud Kinefour, gynécologue-obstétricienne, chef de service à la maternité de l’hôpital de l’Amitié (Tchad-Chine), ces femmes qui souffrent des cancers gynécologiques sont nombreuses mais arrivent tard à l’hôpital, après la dernière phrase. "C’est ce qui est déplorable", dit-elle.
 
C’est quoi les cancers de sein et du col de l’utérus ?
 
D’après Dr. Zeneba Daoud Kinefour, gynécologue-obstétricienne à l’hôpital de l’amitié, « le cancer en tant que tel est une maladie due à une cellule d’origine pathologique.» Le corps en tant que tel a ses cellules mais lorsqu’il y a une cellule qui commence à se développer localement et anarchiquement, ça donne ce qu’on appelle le cancer. Lorsqu’il est causé par un virus du papillome humain (VPH), il peut être chez toute femme sexuellement active à partir d’un certain âge. On parle de cancer de col de l’utérus.

Pour le cancer du sein, la plupart de cas enregistrés sont génétiques. Les études ont démontré que la multiparité (les femmes qui ont fait beaucoup d’enfants) sont épargnées du cancer du sein, mais aujourd’hui la pyramide est renversée car c’est plutôt celles qui ont fait beaucoup d’enfants qui ont généralement le cancer du sein. "C’est paradoxal", relève Dr. Zeneba Daoud Kinefour.
 
Les facteurs de risques du cancer du sein et du col de l’utérus
 
Parmi les facteurs de risque du cancer du sein, la plus grande partie est génétique. S’il y a l'existence d’un gène pathogène du cancer dans la filière familiale (les ancêtres, les parents), il y a un risque de développer un cancer du sein dans le futur. Il y a aussi les facteurs d’ordre social (l’alimentation, tels que les colorants utilisés dans les sucreries que l’on consomme, la conservation de certains jus dans le plastique), les grillades faites à base d’huiles pourries, les irradiations des antennes de téléphonies mobiles sont autant de facteurs de risques du cancer du sein.

S'agissant du cancer du col de l’utérus, parmi les facteurs figurent la multiparité a partir d’un certain âgé, l’accouchement par voie base (lorsqu’une femme accouche par voie base, il y a des micro-lésions au niveau du col. Ces micros lésions laissent la latitude aux virus dans la filière génitale de s’incorporer dans les cellules, se métamorphoser et commencer par se développer, avant de se multiplier anarchiquement etde  donner ce qu’on appelle le cancer du col de l’utérus. Les maladies sexuellement transmissibles sont aussi des facteurs, explique Dr. Zenab.

Dr. Zeneb Daoud Kinefour, gynécologue-obstétricienne, chef de service à la maternité de l’hôpital de l’Amitié (Tchad-Chine). © Mbaïnaissem Gédéon/Alwihda Info
Dr. Zeneb Daoud Kinefour, gynécologue-obstétricienne, chef de service à la maternité de l’hôpital de l’Amitié (Tchad-Chine). © Mbaïnaissem Gédéon/Alwihda Info
Comment se manifestent les cancers du sein et du col de l’utérus ?
 
La gynécologue obstétricienne explique que le cancer du sein chez une femme est le cancer le plus méchant. Au début, il n'est pas douloureux. Il se manifeste par un ganglion et quand il atteint 1 cm, c'est qu’il a fait sa métathèse ailleurs ; soit il est greffé au foie, au poumon ou à un organe quelconque. Il peut aussi se manifester par des écoulements liquidiens ou du sang au niveau du mamelon, ou encore l’augmentation de taille brusque des mamelons. Le cancer du col de l’utérus se manifeste par le saignement chez une femme qui n’en avait pas auparavant. Subitement, elle saigne après un rapport sexuel. Si cela se manifeste chez une femme, après un rapport en dehors de ses règles, elle doit immédiatement se rendre à l’hôpital pour se faire dépister, détaille Dr. Zenab Daoud Kinefour.
 
Quelles sont les mesures de prévention ?
 
Dr. Zenab indique que les mesures de prévention sont simples. Pour le cas du cancer du sein, il faut une auto-palpation par les femmes elles-mêmes. Il faut qu’elles palpent leurs seins. Si elles sentent qu’il y a la présence d’un caillou ou une formation quelconque. S'il y a un écoulement, qu’elles se rendent automatiquement à l’hôpital. Il y a aussi le dépistage volontaire ; il est gratuit à l’hôpital Tchad-Chine. "Que les femmes se rendent pour se faire dépister par un spécialiste", préconise Dr. Zenab.

Pour le cancer du col de l’utérus, la spécialiste précise que la prévention existait déjà ailleurs par le vaccin contre le virus du papillome humain (VPH) que les femmes ou les filles prennent à l’âge de 12 et 16 ans révolu. Au Tchad, ce vaccin n'est pas encore vulgarisé, sauf en cas de commande. Il faut se faire dépister à partir de 25 ans, deux à trois fois. S’il n'y a rien, il faut le faire chaque trois ans. C’est ainsi que les femmes peuvent lutter contre le cancer du sein et du col de l’utérus.
 
Selon les données présentées par le président de la Ligue tchadienne contre le cancer (LTCC), Dr. Manikasse Palouma, lors du lancement de la 4ème édition d’Octobre Rose à N’Djamena, plus de 2,2 millions de cas de cancer du sein ont été recensés dans le monde en 2020, ce qui en fait le cancer le plus courant.

Le cancer du sein demeure la première cause de mortalité par cancer chez les femmes. Au Tchad, les données ne sont pas exhaustives car le registre du cancer n'a été lancé qu'en 2021. En 2020, l'unité d'anatomie et cytologie pathologiques du Centre hospitalier universitaire de référence nationale a montré que sur 367 cas de diagnostics histopathologiques, 108 étaient des cancers, tous organes et tous âges confondus, soit une proportion de 29,42%. Le cancer du sein vient en tête avec 10,18% des cas. Ces données prouvent à suffisamment que le mal est là et doit être combattu.
 
Les femmes et les jeunes filles doivent profiter du dépistage gratuit lancé par le Programme national de lutte contre le cancer (PNLCC) pour se situer sur leur santé. Elles doivent s’auto-palper et faire un dépistage précoce. Car cela est le moyen le plus efficace pour lutter contre le cancer du sein et du col de l’utérus, en attendant que le Tchad puisse avoir un cahier des charges et disposer d'un centre de prise en charge du cancer. 



Pour toute information, contactez-nous au : +(235) 99267667 ; 62883277 ; 66267667 (Bureau N'Djamena)