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ANALYSE

De Paris à Abu Dhabi : le Tchad à la recherche d’un vrai décollage économique avec le PND


Alwihda Info | Par Barra Lutter - 10 Novembre 2025


Le Plan national de développement (PND) est censé représenter la boussole de la transformation économique et sociale du Tchad. Pourtant, l’amertume laissée par l’édition 2021 plane encore. Plus de 20 milliards de dollars avaient été annoncés lors de la table ronde de Paris. Une promesse colossale, incarnée par la phrase devenue célèbre du défunt Maréchal Idriss Déby Itno : « Je suis parti les poches vides et rentré les poches pleines ». Quatre ans plus tard, force est de constater que ces « poches pleines » n’ont rempli aucun secteur vital du pays : ni infrastructures structurantes, ni réformes visibles, ni amélioration notable du quotidien.


Le Tchad revient en 2025 avec un nouvel agenda, une nouvelle ambition, un nouveau slogan : « Tchad Connexion 2030 ». Mais derrière cette vitrine qui se présente à Abu Dhabi, une réalité s’impose avec la force d’un verdict : le PND 2021 a échoué. Et il a échoué là où le développement devait être visible, concret, indiscutable. Les routes n’ont pas été construites, les écoles n’ont pas été érigées, les structures de santé annoncées n’ont jamais vu le jour.

 
 

Des routes promises, jamais réalisées

 
Le précédent PND parlait de désenclavement, de corridors économiques, de fluidité commerciale. Pourtant, sur le terrain, rien n’a bougé. Les grands axes stratégiques attendus de N’Djamena à Abéché, de Massakory à Ngouri sont restés dans les discours. Les pistes rurales, essentielles pour l’agriculture, demeurent impraticables une grande partie de l’année. Les milliards promis n’ont produit ni bitume ni interconnexions régionales. Le pays reste morcelé, isolé, incapable de circuler et donc incapable de se développer.

 
 

Des écoles sur papier, mais pas pour les enfants

 
Le PND 2021 promettait un « saut qualitatif » dans l’éducation. Ce saut n’a jamais eu lieu. Dans des dizaines de localités, les élèves étudient toujours sous des paillotes, faute de salles de classe. L’engagement de recruter des enseignants n’a été ni respecté ni compensé, aggravant la surcharge des effectifs. Aucun programme massif de manuels scolaires, de mobilier ou de matériel pédagogique n’a été exécuté. Le pays s’est privé du premier fondement du développement : l’éducation de sa jeunesse.

 
 

Un système de santé resté à genoux

 
Les ambitions sanitaires du PND 2021 n’ont pas résisté à l’épreuve du terrain. Aucun hôpital de référence n’a été livré. Les centres de santé manquent d’équipement, d’électricité, de médicaments, parfois même d’un simple personnel formé. Les infrastructures rurales sont restées à l’abandon. Pendant ce temps, les indicateurs de mortalité demeurent parmi les plus alarmants du continent. La santé n’a pas été renforcée : elle a continué de s’effondrer.


 

Alors, que vaut le PND 2025 lancé à Abu Dhabi ?

 
C’est dans ce contexte de méfiance que le PND 2025 s’ouvre à Abu Dhabi, présenté sous le label « Tchad Connexion 2030 ». Le projet se veut modernisateur, plus structuré, plus aligné sur les standards internationaux. Mais la mémoire récente pèse lourd. Comment espérer un nouveau départ alors que le précédent plan, mieux doté que jamais, n’a laissé aucune empreinte visible ? La répétition des engagements internationaux sans traduction concrète fait naître une question simple : le Tchad peut-il réellement se développer sur la base de financements extérieurs qu’il peine à absorber et à transformer en projets ?

Le paradoxe demeure : pays pétrolier, riche en terres agricoles, en ressources minières et en potentiel énergétique, le Tchad continue de compter sur des partenaires extérieurs pour se hisser sur la trajectoire du développement. Cette dépendance structurelle fragilise tout discours de souveraineté économique. Au lieu d'être un instrument de transformation, le PND apparaît pour beaucoup comme un exercice diplomatique sans ancrage réel dans l'exécution.

 
Le défi est donc clair : convaincre, cette fois-ci, par des actes. Le Tchad n’a plus besoin de promesses financières, mais de résultats concrets : écoles construites et fonctionnelles, hôpitaux équipés, routes bitumées, réformes économiques appliquées, secteurs productifs soutenus. Tant que ces éléments resteront absents, chaque PND, aussi bien financé soit-il, ne sera qu’un catalogue d’intentions.

 
La table ronde de Abu Dhabi peut ouvrir une nouvelle fenêtre d’opportunité, mais seul l’État tchadien détient la clé. Développement ne rime pas avec les annonces, mais avec l'exécution. Et c’est là que le pays est attendu.



Pour toute information, contactez-nous au : +(235) 99267667 ; 62883277 ; 66267667 (Bureau N'Djamena)