Le mythique groupe Kassav a séjourné à Dakar durant le mois de décembre pour y animer deux concerts. Une occasion que nous avons saisie pour échanger avec la chanteuse Jocelyn Bérouard, icône de Kassav, sur son parcours et sur la vie du groupe. Avec une étonnante simplicité et un grand sens de la repartie, elle a répondu à nos questions sans détours…
Le Témoin - Le groupe Kassav semble résister aux affres du temps car depuis 30 ans le succès est toujours au rendez vous, comment expliquez vous cela ?
Jocelyn Bérouard -Des échos que j’ai du public, il y a toujours, effectivement, un émerveillement. Kassav est la fierté de beaucoup de gens. Lesquels sont toujours heureux, à chaque fois, de voir que le groupe est encore là debout et a de l’énergie, malgré notre grand âge. En 2009, nous avons fêté nos 30 ans de création au stade de France, devant plus de 70 000 personnes. Il est vrai que cela fait trente ans que je tourne aux quatre coins du monde avec Kassav. Cela veut juste dire que notre orchestre est un groupe international et qu’il n’est ni antillais ni français. Nous avons pratiquement fait le tour du monde à l’exception de quelques pays d’Asie comme l’Inde et la Chine. Le décès de Patrick nous a beaucoup marqués. Il avait quitté le groupe, quelques années auparavant, pour des raisons de santé.
Avez-vous un secret qui justifie cette longévité et ce succès ?
Le groupe a su préserver sa base et deux des membres fondateurs sont toujours avec nous. Au départ, nous avions voulucréer une musique qui soit reconnue aux quatre coins du monde. C’était à la limite prétentieux et nous nous sommes pris au jeu. Il ya aussi le fait que nous avons toujours eu envie de chercher et travailler ensemble. Ce plaisir est toujours resté et même s’il arrive que Kassav s’arrête un ou deux mois, nous sommes souvent sollicités ailleurs, pour des expériences avec d’autres musiciens ou d'autres compagnies. Mais, le vrai plaisir, c’est quand les membres de Kassav se retrouvent ensemble sur scène. Nous avons su transcender nos différences et mettre le groupe au-dessus de nos égo et le résultat est là.
Comment arrivez-vous à occuper toujours le devant de la scène et à émerveiller votre public qui regroupe plus de trois générations de fans ?
Je ne saurais le dire mais une chose est sûre : notre style plait au public et c’est tant mieux pour nous. Je crois que c’est aussi parce que nous apportons une fraicheur et une joie de vivre communicative à travers notre musique. C’est aussi cette forte dose d’authenticité qui fait la différence. Kassav a créé et innové depuis ses débuts et nous récoltons les fruits de notre travail. Je n’aime pas le terme « rétro » en musique car quand elle plait elle touche forcément. Elle résisteainsi à l’‘usure du temps. Pourtant on ne parle jamais de « rétro » pour la musique classique ou le Jazz. Nous avons des fans qui sont âgés de plus de soixante ans et des jeunes qui n’ont même pas dix ans. Cela prouve que notre musique vient du cœur et qu’elle parle forcément à tout ce beau monde.
Quels sont vos rapports avec le Sénégal ?
Je me senscomplètement chez moi ici. Ma meilleure amie est sénégalaise et je ne saurai expliquer l’attrait que j’ai pour ce beau pays. Je me sensentièrement chez moi ici. C’est peut être parce que c’est le paysafricain le plus proche desAntilles. Toujoursest-il que j’aime ce beau pays et sa cuisine. Il me reste à découvrir la Casamance que j’aime bien mais que je n’ai pas encore eu la chance de visiter.Je suis vraiment heureuse d’être ici et c’est très sincère et je ne pourrai me l’expliquer. Hier, dans le taxi, j’ai écouté une très belle chanson de Souleymane Faye. Je ne savais pas ce qu’elle racontait mais j’ai beaucoup aimé et cela aussi fait partie de mes rapports privilégiés avec ce pays.
Vous êtes toujours célibataire, est-ce que cela ne vous gêne pas ?
Ah non pas du tout ! Cela fait trente ans que je tourne aux quatre coins du monde et aucun homme n’a réussi à m’attendre(Rires). La carrière artistique aide à trouver mais n’aide pas à conserver. Plus sérieusement, je reste convaincue que la vie d’une femme ne doit pas se résumer au fait de se marier et d’avoir des enfants. Elle peut aussi se résumer à chanter et à procurer du bonheur aux autres en racontant des histoires et c’est mon cas…
Propos recueillis par Fadel Lo
Publication en partenariat avec le journal Le Témoin
Publication en partenariat avec le journal Le Témoin