Lettre ouverte aux présidents Emmanel Macron et Abdelmadjid Tebboune
Accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : un accord à améliorer mais pas dans le sens de l’extrême droite française..
Par Maîtres Fayçal Megherbi et Bernard Schmid, avocats au Barreau de Paris
L’Assemblée nationale a adopté, mercredi 29 octobre, par 185 voix contre 184, une proposition de résolution du Rassemblement national (RN) demandant la « dénonciation » de l’accord franco-algérien de 1968. Soutenu par une partie des députés de la Droite républicaine et du groupe Horizons, le parti d’extrême droite a ainsi pu marquer une victoire symbolique importante. Cette situation cristallise davantage la crise entre les deux pays qui dure depuis plusieurs mois.
Pour rappel, le président de la République française a multiplié depuis sa première élection, en 2017, les gestes mémoriels, reconnaissant la responsabilité de l’armée française dans la mort du mathématicien Maurice Audin ou de l’avocat anticolonialiste Ali Boumendjel.
Aujourd’hui, l’actualité du droit des étrangers est marquée par la dégradation de l’accueil des ressortissants étrangers et notamment algériens dans les préfectures françaises.
Des associations françaises de défense des droits de l’homme, avaient constaté des entraves liées à l’accès au guichet des préfectures pour le dépôt des demandes de régularisation. La Cimade avait revendiqué "la suppression des entraves à la régularisation" : Elle demandait "un accès effectif de tou.te.s aux procédures administratives en préfectures" et "une alternative à la dématérialisation".
En effet, cette dématérialisation est "aujourd’hui devenue un obstacle majeur à la régularisation des personnes sans-papiers, en les tenant durablement éloignées de l’accès aux guichets. Elle génère également d’importantes ruptures de droits (séjour, mais aussi emploi, protection sociale…) pour les personnes en renouvellement d’un titre qui n’obtiennent pas de rendez-vous dans les temps."
Les modifications ultérieures de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ont toujours tenu compte de l’évolution du flux migratoire ente la France et l’Algérie. >> Paragraphe déplacé plus loin
Lors de l’accession de l’Algérie à l’indépendance, en 1962, les Accord d’Évian reconnaissent aux Algériens la liberté de circulation entre leur pays d’origine et la France ainsi que le principe de l’égalité des droits sociaux et économiques avec les citoyens français.
Cet accord établissait l’obligation pour les Algériens de présenter un passeport aux frontières, mais sans la contrainte d’un visa. Un titre de séjour particulier était créé portant le nom de « certificat de résidence ».
Paragraphe déplacé :
Les modifications ultérieures de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ont toujours tenu compte de l’évolution des flux migratoires ente la France et l’Algérie.
Les deux avenants conclus par la suite (22 décembre 1985 et 28 septembre 1994) par les deux pays ont eu, de manière générale, pour objet de tenir compte des modifications du contexte migratoire, de rapprocher la situation des Algériens de celle des autres nationalités, sans toutefois que ce rapprochement soit total.
À titre d’exemple, et en application de l’avenant de 1985, un Algérien pouvait, sans difficultés, venir s’installer en vue de faire des études ou exercer certaines activités professionnelles. Il disposait alors de la liberté d’établissement en qualité de commerçant ou artisan. Cette situation « avantageuse » a bien changé, et les Algériens sont devenus, avec le temps, une catégorie d’étrangers à part…
Pourquoi ?
Prenons pour exemple la réforme en droit des étrangers (la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers). Cette dernière ne concerne, en aucun cas, les ressortissants algériens. Leur situation d’entrée, de séjour et de travail est « gelée » par l’accord franco-algérien et ses trois avenants.
En effet, depuis le 1er novembre 2016, les Préfets peuvent délivrer de nouvelles cartes de séjour pluriannuelles (CSP) telles que le « passeport talent », « travailleurs saisonnier » et « salarié détaché ICT » et « générale ».
Ces cartes de séjour ne sont toujours pas destinées aux Algériens.
Ce changement des règles et principes du droit des étrangers constituait une réelle occasion pour les autorités algériennes de mettre en place, avec la France, un nouvel avenant à l’Accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
L’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 est relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles en France. Il met en place un régime spécifique qui déroge au droit commun français codifié dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (ci-après CESEDA). En effet, en vertu de l’article 55 de la Constitution française, les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie. De plus, l’article L. 111-2 alinéa 3 du CESEDA dispose que ses dispositions s'appliquent sous réserve des conventions internationales.
Seules les règles de procédures de droit commun sont applicables aux ressortissants algériens puisque celles-ci ne sont pas traitées par l’accord du 27 décembre 1968. Ainsi, certaines dispositions du CESEDA sont applicables à ces ressortissants, telles que celles portant sur les procédures de délivrance, de renouvellement ou de retrait des titres de séjour, sur la saisine de la commission du titre de séjour en cas de refus de délivrance d'un titre de séjour dont les conditions d'obtention sont identiques à celle prévues par le droit commun, le traitement des demandes d'asile, les mesures d’éloignement ou les retraits de titres de séjour pour fraude et aux infractions sont applicables aux ressortissants algériens.
Grands principes de la convention
La convention franco-algérienne du 27 décembre 1968 a pour but de faciliter la promotion professionnelle et sociale des travailleurs algériens, d’améliorer leurs conditions de vie et de travail et de favoriser le plein emploi des travailleurs algériens qui résident déjà en France. Pour se faire, elle facilite le regroupement familial et encadre la délivrance et le renouvellement des certificats de résidence des ressortissants algériens.
Problèmes posés
L’accord franco-algérien a été révisé pour la dernière fois par le biais d’un avenant le 11 juillet 2001. Or, le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile a fait l’objet grandes réformes entre autres par la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et l’intégration, la loi du 07 mars 2016, la loi du 10 septembre 2018 sur l’immigration et l’asile, la loi du 26 janvier 2024 dite « Loi Darmanin » ainsi que diverses circulaires ministérielles. Les nouvelles dispositions ne s’appliquent donc pas aux ressortissants algériens, ce qui peut les léser dans certaines situations exposées ci-après.
Les ressortissants algériens ne peuvent se voir délivrer les nouvelles cartes de séjour pluriannuelles (CSP)
Créées par la loi du 7 mars 2016, les dispositions relatives aux CSP sont codifiées par les articles L. 313-7 et s. du CESEDA. Elles permettent aux étrangers de bénéficier d’un droit au séjour sur plusieurs années. Il existe plusieurs types de cartes de séjour pluriannuelles tel que le « passeport talent » destiné aux salariés diplômés d’un master et aux salariés hautement qualifiés, la CSP « salarié détaché ICT » pour les salariés détachés d’entreprises non établies en France qui apportent une expertise en France ou la CSP « travailleur saisonnier » pour l’exercice d’un travail saisonnier.
La carte de séjour pluriannuelle permet aux étrangers ayant vocation à s’installer en France ou à rester en France pour une durée déterminée de bénéficier d’un droit au séjour reconnu sur plusieurs années.
Les avantages de l’accès à ces cartes de séjour pluriannuelles sont nombreux. Elles sont gage de stabilité, elles permettent de valoriser les salariés qualifiés mais également les étrangers ayant suivi de longues études apportant en France leurs compétences et leur expertise. Il est donc regrettable que les ressortissants algériens ne puissent bénéficier de tels titres de séjour.
Les dispositions de la circulaire du 23 janvier 2025 relative aux orientations générales relatives à l’admission exceptionnelle au séjour prévue aux articles L. 435-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne sont pas plus applicables aux ressortissants algériens.
La circulaire du 23 janvier 2025 porte sur les conditions d’examen des demandes d’admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du CESEDA. Elle a pour but d’apprécier les demandes de séjour en vue de délivrer un titre de séjour portant soit la mention « salarié » ou « travailleur temporaire » lorsque l’étrange exerce un métier sous tension prévu dans les dispositions de l’arrêté du 21 mai 2025 fixant la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement en application de l'article L. 414-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Cette circulaire n’est pas applicable aux ressortissants algériens qui se voient délivrer des certificats de résidence d’une durée de dix ans s’ils prouvent avoir résider trois ans en France. Il serait donc opportun que ces ressortissants puissent se voir appliquer les dispositions de la circulaire du 23 janvier 2025.
Les ressortissants algériens en France ne peuvent invoquer les dispositions de l’article L. 313-4 du CESEDA.
L’article L. 313-4 du CESEDA prévoit la régularisation exceptionnelle d’une personne en situation régulière « pour des motifs humanitaires ». Cette disposition, créée par une loi du 24 juillet 2004 et modifiée par la loi du 20 novembre 2007, permet que soit délivrée une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » à un étranger au regard de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels.
Actuellement, l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne prévoit pas cette modalité d’admission au séjour. Le préfet dispose d’un pouvoir discrétionnaire et exceptionnel pour apprécier l’opportunité de recourir à cette disposition concernant les ressortissants algériens lorsque les étrangers bénéficiant des dispositions générales se voient accorder la possibilité d’invoquer cette disposition sans restriction. Il serait donc nécessaire de permettre aux ressortissants algériens d’avoir accès à cette voie de régularisation.
Enfin, la possibilité de régularisation du séjour à travers la règle des dix ans de présence sur le territoire français subsiste dans l’accord franco-algérien alors que Nicolas Sarkozy l’a fait supprimer dans le CESEDA en 2006.
L’article 6(1) de l’accord du 27 décembre 1968 prévoit que les ressortissants algériens peuvent bénéficier de plein droit d’un certificat de résidence « vie privée et familiale » d’un an lorsque ces derniers justifient avoir résider en France depuis plus de dix ans (ou quinze ans si la personne a eu la qualité d’étudiant au cours de cette période).
Dans le droit commun, les titres de séjour « vie privée et familiale » peuvent être délivrés de plein droit ou après demande. En vertu de l’article L. 313-11, ils sont notamment attribués de plein droit aux étrangers entrés en France par regroupement familial, aux étrangers entrés en France avant l’âge de treize ans, aux mineurs non accompagnés pris en charge par l’aide sociale à l’enfance avant l’âge de seize ans, aux conjoints d’un français, aux parents d’un enfant français mineur ou aux étrangers nés en France ayant une résidence d’au moins huit ans et ayant suivi une scolarité d’au moins cinq ans en France. Ils peuvent être délivrés dans le cadre d’une admission exceptionnelle au séjour, par exemple sur considérations humanitaires ou exceptionnelles.
Le titre de séjour « vie privée et familiale » est généralement délivré de plein droit, notamment par le biais de la délivrance d’un visa long séjour qui doit être validé dans les trois mois suivants l’arrivée de l’étranger en France. Il y a donc une grande différence de traitement entre les étrangers soumis au régime de droit commun et les ressortissants algériens pour lesquels la règle des dix ans est toujours d’actualité.
L’article 10 de l’accord franco-algérien relatif à la situation des mineurs algériens doit faire l’objet d’une modification.
L’article 10 de l’accord franco-algérien prévoit la délivrance d’un document de circulation pour étrangers mineurs tenant lieu de visa aux mineurs algériens de dix-huit ans non-titulaires d’un certificat de résidence.
Les dispositions de droit commun concernant le séjour des mineurs en France ne définissent pas la notion d’irrégularité du séjour d’un mineur. Il ne pourra donc pas leur être opposer l’irrégularité de leur séjour. Cependant, les personnes âgées de seize à dix-huit ans souhaitant exercer une activité professionnelle salariée reçoivent de plein droit une carte de séjour temporaire s’ils peuvent prétendre à leur majorité recevoir une carte de séjour « vie privée et familiale » ou à une carte de résident. La situation des mineurs algériens devrait être calquée sur les dispositions contenues dans le CESEDA.
La situation des étudiants algériens :
De plus, les étudiants étrangers bénéficiaires d’un titre de séjour portant la mention « étudiant » peuvent librement exercer une activité professionnelle en parallèle de leurs études. Ce n’est pas le cas des étudiants algériens qui doivent obtenir au préalable une autorisation provisoire de travail (ATP) leur permettant d’exercer une activité salariée. La demande de cette autorisation de travail est à la charge de l’employeur, ce qui constitue un obstacle à l’embauche des étudiants algériens en France. Cette obligation d’obtention d’une ATP doit donc être supprimée.
Recommandations
Il est recommandé que le gouvernement algérien sauvegarde le principe de la régularisation des ressortissants algériens ayants la qualité de conjoint de Français, sans toutefois exiger d’eux un visa de long séjour ;
Prévoir la suppression de la règle du visa long séjour pour l’exercice des activités commerciale, industrielle et artisanale des ressortissants algériens en France et ;
Que la situation des étudiants et des diplômés algériens soit calquée sur les dispositions du CESEDA.
Le monde change ! Les flux migratoires d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier !
Il s’agit donc bien de tenir compte des évolutions et changements intervenus dans la réalité des migrations, et des rapports entre les deux pays. Simplement, l’actualisation salutaire des accords bilatéraux ne doit pas emprunter le chemin emprunté par l’extrême droite qui, elle, se situe dans une logique de fermeture, de rejet, voire de haine et de racisme. Qui, elle, présente les ressortissants algériens comme des prétendus privilégies du droit au séjour qu’ils ne sont en réalité aucunement.
Textes principaux
- Accord franco-algérien du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Par Maîtres Fayçal Megherbi et Bernard Schmid, avocats au Barreau de Paris
Accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : un accord à améliorer mais pas dans le sens de l’extrême droite française..
Par Maîtres Fayçal Megherbi et Bernard Schmid, avocats au Barreau de Paris
L’Assemblée nationale a adopté, mercredi 29 octobre, par 185 voix contre 184, une proposition de résolution du Rassemblement national (RN) demandant la « dénonciation » de l’accord franco-algérien de 1968. Soutenu par une partie des députés de la Droite républicaine et du groupe Horizons, le parti d’extrême droite a ainsi pu marquer une victoire symbolique importante. Cette situation cristallise davantage la crise entre les deux pays qui dure depuis plusieurs mois.
Pour rappel, le président de la République française a multiplié depuis sa première élection, en 2017, les gestes mémoriels, reconnaissant la responsabilité de l’armée française dans la mort du mathématicien Maurice Audin ou de l’avocat anticolonialiste Ali Boumendjel.
Aujourd’hui, l’actualité du droit des étrangers est marquée par la dégradation de l’accueil des ressortissants étrangers et notamment algériens dans les préfectures françaises.
Des associations françaises de défense des droits de l’homme, avaient constaté des entraves liées à l’accès au guichet des préfectures pour le dépôt des demandes de régularisation. La Cimade avait revendiqué "la suppression des entraves à la régularisation" : Elle demandait "un accès effectif de tou.te.s aux procédures administratives en préfectures" et "une alternative à la dématérialisation".
En effet, cette dématérialisation est "aujourd’hui devenue un obstacle majeur à la régularisation des personnes sans-papiers, en les tenant durablement éloignées de l’accès aux guichets. Elle génère également d’importantes ruptures de droits (séjour, mais aussi emploi, protection sociale…) pour les personnes en renouvellement d’un titre qui n’obtiennent pas de rendez-vous dans les temps."
Les modifications ultérieures de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ont toujours tenu compte de l’évolution du flux migratoire ente la France et l’Algérie. >> Paragraphe déplacé plus loin
Lors de l’accession de l’Algérie à l’indépendance, en 1962, les Accord d’Évian reconnaissent aux Algériens la liberté de circulation entre leur pays d’origine et la France ainsi que le principe de l’égalité des droits sociaux et économiques avec les citoyens français.
Cet accord établissait l’obligation pour les Algériens de présenter un passeport aux frontières, mais sans la contrainte d’un visa. Un titre de séjour particulier était créé portant le nom de « certificat de résidence ».
Paragraphe déplacé :
Les modifications ultérieures de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ont toujours tenu compte de l’évolution des flux migratoires ente la France et l’Algérie.
Les deux avenants conclus par la suite (22 décembre 1985 et 28 septembre 1994) par les deux pays ont eu, de manière générale, pour objet de tenir compte des modifications du contexte migratoire, de rapprocher la situation des Algériens de celle des autres nationalités, sans toutefois que ce rapprochement soit total.
À titre d’exemple, et en application de l’avenant de 1985, un Algérien pouvait, sans difficultés, venir s’installer en vue de faire des études ou exercer certaines activités professionnelles. Il disposait alors de la liberté d’établissement en qualité de commerçant ou artisan. Cette situation « avantageuse » a bien changé, et les Algériens sont devenus, avec le temps, une catégorie d’étrangers à part…
Pourquoi ?
Prenons pour exemple la réforme en droit des étrangers (la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers). Cette dernière ne concerne, en aucun cas, les ressortissants algériens. Leur situation d’entrée, de séjour et de travail est « gelée » par l’accord franco-algérien et ses trois avenants.
En effet, depuis le 1er novembre 2016, les Préfets peuvent délivrer de nouvelles cartes de séjour pluriannuelles (CSP) telles que le « passeport talent », « travailleurs saisonnier » et « salarié détaché ICT » et « générale ».
Ces cartes de séjour ne sont toujours pas destinées aux Algériens.
Ce changement des règles et principes du droit des étrangers constituait une réelle occasion pour les autorités algériennes de mettre en place, avec la France, un nouvel avenant à l’Accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
L’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 est relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles en France. Il met en place un régime spécifique qui déroge au droit commun français codifié dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (ci-après CESEDA). En effet, en vertu de l’article 55 de la Constitution française, les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie. De plus, l’article L. 111-2 alinéa 3 du CESEDA dispose que ses dispositions s'appliquent sous réserve des conventions internationales.
Seules les règles de procédures de droit commun sont applicables aux ressortissants algériens puisque celles-ci ne sont pas traitées par l’accord du 27 décembre 1968. Ainsi, certaines dispositions du CESEDA sont applicables à ces ressortissants, telles que celles portant sur les procédures de délivrance, de renouvellement ou de retrait des titres de séjour, sur la saisine de la commission du titre de séjour en cas de refus de délivrance d'un titre de séjour dont les conditions d'obtention sont identiques à celle prévues par le droit commun, le traitement des demandes d'asile, les mesures d’éloignement ou les retraits de titres de séjour pour fraude et aux infractions sont applicables aux ressortissants algériens.
Grands principes de la convention
La convention franco-algérienne du 27 décembre 1968 a pour but de faciliter la promotion professionnelle et sociale des travailleurs algériens, d’améliorer leurs conditions de vie et de travail et de favoriser le plein emploi des travailleurs algériens qui résident déjà en France. Pour se faire, elle facilite le regroupement familial et encadre la délivrance et le renouvellement des certificats de résidence des ressortissants algériens.
Problèmes posés
L’accord franco-algérien a été révisé pour la dernière fois par le biais d’un avenant le 11 juillet 2001. Or, le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile a fait l’objet grandes réformes entre autres par la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et l’intégration, la loi du 07 mars 2016, la loi du 10 septembre 2018 sur l’immigration et l’asile, la loi du 26 janvier 2024 dite « Loi Darmanin » ainsi que diverses circulaires ministérielles. Les nouvelles dispositions ne s’appliquent donc pas aux ressortissants algériens, ce qui peut les léser dans certaines situations exposées ci-après.
Les ressortissants algériens ne peuvent se voir délivrer les nouvelles cartes de séjour pluriannuelles (CSP)
Créées par la loi du 7 mars 2016, les dispositions relatives aux CSP sont codifiées par les articles L. 313-7 et s. du CESEDA. Elles permettent aux étrangers de bénéficier d’un droit au séjour sur plusieurs années. Il existe plusieurs types de cartes de séjour pluriannuelles tel que le « passeport talent » destiné aux salariés diplômés d’un master et aux salariés hautement qualifiés, la CSP « salarié détaché ICT » pour les salariés détachés d’entreprises non établies en France qui apportent une expertise en France ou la CSP « travailleur saisonnier » pour l’exercice d’un travail saisonnier.
La carte de séjour pluriannuelle permet aux étrangers ayant vocation à s’installer en France ou à rester en France pour une durée déterminée de bénéficier d’un droit au séjour reconnu sur plusieurs années.
Les avantages de l’accès à ces cartes de séjour pluriannuelles sont nombreux. Elles sont gage de stabilité, elles permettent de valoriser les salariés qualifiés mais également les étrangers ayant suivi de longues études apportant en France leurs compétences et leur expertise. Il est donc regrettable que les ressortissants algériens ne puissent bénéficier de tels titres de séjour.
Les dispositions de la circulaire du 23 janvier 2025 relative aux orientations générales relatives à l’admission exceptionnelle au séjour prévue aux articles L. 435-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne sont pas plus applicables aux ressortissants algériens.
La circulaire du 23 janvier 2025 porte sur les conditions d’examen des demandes d’admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du CESEDA. Elle a pour but d’apprécier les demandes de séjour en vue de délivrer un titre de séjour portant soit la mention « salarié » ou « travailleur temporaire » lorsque l’étrange exerce un métier sous tension prévu dans les dispositions de l’arrêté du 21 mai 2025 fixant la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement en application de l'article L. 414-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Cette circulaire n’est pas applicable aux ressortissants algériens qui se voient délivrer des certificats de résidence d’une durée de dix ans s’ils prouvent avoir résider trois ans en France. Il serait donc opportun que ces ressortissants puissent se voir appliquer les dispositions de la circulaire du 23 janvier 2025.
Les ressortissants algériens en France ne peuvent invoquer les dispositions de l’article L. 313-4 du CESEDA.
L’article L. 313-4 du CESEDA prévoit la régularisation exceptionnelle d’une personne en situation régulière « pour des motifs humanitaires ». Cette disposition, créée par une loi du 24 juillet 2004 et modifiée par la loi du 20 novembre 2007, permet que soit délivrée une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » à un étranger au regard de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels.
Actuellement, l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne prévoit pas cette modalité d’admission au séjour. Le préfet dispose d’un pouvoir discrétionnaire et exceptionnel pour apprécier l’opportunité de recourir à cette disposition concernant les ressortissants algériens lorsque les étrangers bénéficiant des dispositions générales se voient accorder la possibilité d’invoquer cette disposition sans restriction. Il serait donc nécessaire de permettre aux ressortissants algériens d’avoir accès à cette voie de régularisation.
Enfin, la possibilité de régularisation du séjour à travers la règle des dix ans de présence sur le territoire français subsiste dans l’accord franco-algérien alors que Nicolas Sarkozy l’a fait supprimer dans le CESEDA en 2006.
L’article 6(1) de l’accord du 27 décembre 1968 prévoit que les ressortissants algériens peuvent bénéficier de plein droit d’un certificat de résidence « vie privée et familiale » d’un an lorsque ces derniers justifient avoir résider en France depuis plus de dix ans (ou quinze ans si la personne a eu la qualité d’étudiant au cours de cette période).
Dans le droit commun, les titres de séjour « vie privée et familiale » peuvent être délivrés de plein droit ou après demande. En vertu de l’article L. 313-11, ils sont notamment attribués de plein droit aux étrangers entrés en France par regroupement familial, aux étrangers entrés en France avant l’âge de treize ans, aux mineurs non accompagnés pris en charge par l’aide sociale à l’enfance avant l’âge de seize ans, aux conjoints d’un français, aux parents d’un enfant français mineur ou aux étrangers nés en France ayant une résidence d’au moins huit ans et ayant suivi une scolarité d’au moins cinq ans en France. Ils peuvent être délivrés dans le cadre d’une admission exceptionnelle au séjour, par exemple sur considérations humanitaires ou exceptionnelles.
Le titre de séjour « vie privée et familiale » est généralement délivré de plein droit, notamment par le biais de la délivrance d’un visa long séjour qui doit être validé dans les trois mois suivants l’arrivée de l’étranger en France. Il y a donc une grande différence de traitement entre les étrangers soumis au régime de droit commun et les ressortissants algériens pour lesquels la règle des dix ans est toujours d’actualité.
L’article 10 de l’accord franco-algérien relatif à la situation des mineurs algériens doit faire l’objet d’une modification.
L’article 10 de l’accord franco-algérien prévoit la délivrance d’un document de circulation pour étrangers mineurs tenant lieu de visa aux mineurs algériens de dix-huit ans non-titulaires d’un certificat de résidence.
Les dispositions de droit commun concernant le séjour des mineurs en France ne définissent pas la notion d’irrégularité du séjour d’un mineur. Il ne pourra donc pas leur être opposer l’irrégularité de leur séjour. Cependant, les personnes âgées de seize à dix-huit ans souhaitant exercer une activité professionnelle salariée reçoivent de plein droit une carte de séjour temporaire s’ils peuvent prétendre à leur majorité recevoir une carte de séjour « vie privée et familiale » ou à une carte de résident. La situation des mineurs algériens devrait être calquée sur les dispositions contenues dans le CESEDA.
La situation des étudiants algériens :
De plus, les étudiants étrangers bénéficiaires d’un titre de séjour portant la mention « étudiant » peuvent librement exercer une activité professionnelle en parallèle de leurs études. Ce n’est pas le cas des étudiants algériens qui doivent obtenir au préalable une autorisation provisoire de travail (ATP) leur permettant d’exercer une activité salariée. La demande de cette autorisation de travail est à la charge de l’employeur, ce qui constitue un obstacle à l’embauche des étudiants algériens en France. Cette obligation d’obtention d’une ATP doit donc être supprimée.
Recommandations
Il est recommandé que le gouvernement algérien sauvegarde le principe de la régularisation des ressortissants algériens ayants la qualité de conjoint de Français, sans toutefois exiger d’eux un visa de long séjour ;
Prévoir la suppression de la règle du visa long séjour pour l’exercice des activités commerciale, industrielle et artisanale des ressortissants algériens en France et ;
Que la situation des étudiants et des diplômés algériens soit calquée sur les dispositions du CESEDA.
Le monde change ! Les flux migratoires d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier !
Il s’agit donc bien de tenir compte des évolutions et changements intervenus dans la réalité des migrations, et des rapports entre les deux pays. Simplement, l’actualisation salutaire des accords bilatéraux ne doit pas emprunter le chemin emprunté par l’extrême droite qui, elle, se situe dans une logique de fermeture, de rejet, voire de haine et de racisme. Qui, elle, présente les ressortissants algériens comme des prétendus privilégies du droit au séjour qu’ils ne sont en réalité aucunement.
Textes principaux
- Accord franco-algérien du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Par Maîtres Fayçal Megherbi et Bernard Schmid, avocats au Barreau de Paris
Menu
Lettre ouverte aux présidents Emmanel Macron et Abdelmadjid Tebboune - Accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : un accord à améliorer mais pas dans le sens de l’extrême droite française








