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LITTERATURE

Littérature : Un mariage peut-il être interdit ?


Alwihda Info | Par Franck CANA - 25 Mars 2014



par Franck CANA

Littérature : Un mariage peut-il être interdit ?
Cadre dans une compagnie pétrolière à Pointe-Noire, Houyivane épouse à coup de billets de banque Zibline, une femme séduisante à la peau décapée, rencontrée au sélect club le Lianzi. Dix ans après leur union, il est rattrapé par le démon de midi. Il reprend des libertés qui avaient été étouffées en lui et trompe sa femme. « Il était de bon aloi, à Ndjindji, qu'un homme, lorsqu'il avait de plus en plus d'argent, ait beaucoup d'épouses ou de concubines, c'était cela un vrai homme ». (page 13)
 
Après quatorze ans de mariage et quatre enfants, elle devient une femme battue qui va apprendre, sur le tas, à rendre les coups. Son mari utilise ce climat pourri pour multiplier sorties, au prétexte qu'il a plus de paix hors de chez lui. S'en suivent le refus de la femme de tout rapport sexuel par crainte d’attraper le sida puis le divorce.
 
Le confort matériel cache parfois de grands pièges
 
Ainsi, dans le roman « le mariage interdit » qu’Édouard Kali-Tchikati vient de publier aux éditions l'Harmattan, après un passage à vide, Houyivane qui ne manque pas d'argent, fait la rencontre de Landou, une jeune mère chrétienne abandonnée avec son enfant. Celle-ci jette finalement son dévolu sur cet athée après avoir vainement attendu les avances d'un chrétien. Chose que son entourage, en commençant par le pasteur, lui déconseille de faire. « Il insista sur le fait qu'elle devait absolument épouser un chrétien, c'est à dire quelqu'un qui vivait selon les prescriptions de la Bible et dans la crainte de Dieu. Son père aussi intervint et attira son attention sur le fait que cet homme n'était pas encore divorcé d'avec sa première femme ». (page 29)
 
Pourtant, elle espère qu'il sera transformé dans la maison de Dieu où à peine arrivé, il représente une cible de choix, « un véritable oiseau rare pour toutes les femmes célibataires de l'église ».
 
Le récit de ce quatrième ouvrage de l'auteur donne d'abord de la joie au projet de Landou. « Houyivane avait radicalement changé et participait religieusement aux cultes de l'église », peut-on lire page 31. Néanmoins, après un an de vie commune sans mariage, elle ne parvient toujours pas à concevoir. La tradition souhaite une grossesse peu après le début d'une vie commune ou d'une union entre un homme et une femme afin de démontrer la fertilité de la paire. Face à cette situation, la belle-famille menace. Pour les belles-sœurs, si elle est incapable de concevoir, elle doit libérer leur frère, évoquant même l'éventualité de ramener Zibline, car, elle avait fait ses preuves dans le domaine de la fécondité (chap 5).
 
Dans l'urgence, Landou multiplie les séances de prières, les journées de jeûne, les offrandes et dîmes diverses, en vain. Elle change d'église mais pour le même résultat. Et la belle-mère d'enfoncer le clou : « Nous avons appris que Landou fait désormais la ronde des églises...Pourquoi dois-tu continuer à vivre avec une femme stérile comme celle-là, alors que ton épouse légitime qui t'a fait de beaux enfants est toujours là, disponible ? » (page 44)
 
En guise de dernier avertissement à son fils, elle affirme : « Nous réinstallerons Zibline, ton épouse officielle, dans ses droits, que tu le veuilles ou non ». Landou consulte finalement les guérisseurs qui lui donnent des gris-gris censés conjurer le mauvais sort. Mais là aussi rien n'y fait. Le récit écrit de belle manière en douze chapitres nous permet de voir ce qui se déroule parfois derrière les murs d'un foyer. Nathalie, la fille aînée du personnage principal ne supporte pas sa belle-mère. Elle n'hésite pas à lui faire savoir qu'elle n'est qu'une simple concubine stérile de son père et que ce dernier ne l'épousera jamais, car il demeure le mari de sa maman.
 
Quant à l’intéressé, il ignore la cause de son incapacité à faire les démarches pour divorcer d'avec la précédente. En outre, soudainement, il se demande pourquoi il ne parvient pas non plus à faire ce qu'il faut pour épouser Landou, qui vit avec lui depuis des années. Le foyer rentre ensuite dans une zone de turbulences mystiques où la sorcellerie leur rend la vie impossible : aveuglement insolite, présences humaines invisibles dans la maison et dans le lit conjugal, flaque de sang sortant de nulle part devant la chambre, bruits d'animaux, apparitions d'immenses toiles d'araignées, décès étrange de leur chien, perte des sous vêtements dans la chambre...(chap 6)
 
Tu maries les autres et tu es incapable de te marier toi-même
 
L'épilogue nous rappelle « Le banquier de Dieu », un ouvrage du fortuné libanais Georges El Khoury, qui épousa réellement la mère de ses enfants après 31 ans de séparation et de divorce. Et, dans cette merveille littéraire d’Édouard Kali-Tchikati, dialoguée avec mesure, force et détail, la situation de Landou est difficile à vivre. Elle est hospitalisée après une forte dépression. D'autant plus que son compagnon qui est incapable de la conduire devant monsieur le maire, organise le mariage de sa fille Nathalie. Après 36 ans de vie commune sans mariage et âgée, Landou jette l'éponge et quitte définitivement leur domicile comprenant, enfin, que cet homme n'est pas le sien (chap 12). C'est alors que Zibline, qui est toujours, sur le papier « et selon Dieu », l'épouse de Houyivane et qui sera restée plus de trois décennies en embuscade, s'engouffre dans la brèche.
 
Franck CANA
« Le mariage interdit » d’Édouard Kali-Tchikati, éditions L'Harmattan, 119 pages,



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