AFP et Le Monde
GENEVE - Les soldats de l'armée tchadienne ont tiré sans avoir été provoqués sur la foule à Bangui en Centrafrique le week-end dernier, tuant au moins 30 personnes et faisant au moins 300 blessés, a indiqué vendredi l'ONU.
Dès que le convoi de l'armée nationale tchadienne a atteint la zone de marché du (quartier) PK12, ils auraient ouvert le feu sur la population sans qu'il y ait eu de provocation, a déclaré à Genève un porte-parole de l'ONU aux droits de l'Homme, Rupert Colville, présentant aux médias les premiers résultats des enquêteurs des Nations unies sur l'incident.
Alors que les gens fuyaient dans la panique dans toutes les directions, les soldats ont continué à tirer de façon indiscriminée, a-t-il ajouté.
Pourquoi ont-ils commencé à tirer ? Ce n'est pas clair, a-t-il indiqué, répondant à plusieurs questions des médias sur ce sujet.
Il semble que les tirs aient cessé lorsque des troupes congolaises sont arrivés, a-t-il dit.
Selon les premiers résultats de l'enquête, au moins 30 personnes ont été tuées et au moins 300 autres blessées, dont des enfants, des handicapés, des femmes enceintes et des personnes âgées.
Il a précisé que les soldats tchadiens impliqués étaient des membres de l'armée tchadienne, et non pas de la force africaine en Centrafrique (Misca).
Il semble que ces soldats soient venus du Tchad pour évacuer des Tchadiens et des habitants centrafricains musulmans, qui sont menacés par des milices locales.
Selon les informations recueillies par les enquêteurs de l'ONU, il semble que l'action des forces tchadiennes a été totalement disproportionnée, puisqu'ils ont tiré sur un marché bondé de civils non armés, a insisté M. Colville.
Le porte-parole a également estimé que le nombre de soldats tchadiens impliqués ne devait pas être très élevé et que ces individus avaient dû repartir directement dans leur pays.
Les enquêteurs de l'ONU se sont rendus sur les lieux des faits, une zone de marché, ainsi que dans deux centres médicaux où ils ont parlé avec des blessés.
Acteur clé de la crise centrafricaine et incontournable puissance régionale, le Tchad a claqué jeudi la porte de la Misca, dénonçant une campagne malveillante contre ses soldats, à nouveau mis en cause après avoir tué des civils le 29 mars à Bangui.
Il s'agit de l'incident le plus grave impliquant des troupes étrangères en Centrafrique depuis le renversement, en mars 2013, du président François Bozizé par la Séléka, une coalition à dominante musulmane appuyée par le Tchad.
Le contingent tchadien, qui avec environ 850 soldats aguerris est l'un des principaux fournisseurs de la Misca (6.000 hommes au total), va donc se retirer alors que les forces africaine et française Sangaris (2.000 soldats) réclament au contraire des renforts pour pacifier le pays, notamment en province, où l'armée française a commencé à se déployer cette semaine dans l'Est.
M. Colville n'a pas souhaité faire de commentaire sur le retrait du contingent tchadien, mais il a souligné que des soldats tchadiens (qui n'appartiennent pas à la Misca) ont déjà opéré en Centrafrique. Dans beaucoup de cas, ils ont sauvé des vies, ils ont évacué des Tchadiens et d'autres musulmans vers le Tchad.
Formées en réaction aux exactions contre la population perpétrées pendant des mois par les combattants essentiellement musulmans de la Séléka après leur prise du pouvoir en mars 2013, les milices anti-balaka, groupes formés à l'origine de paysans chrétiens de l'ouest de la Centrafrique, s'en prennent depuis à la population musulmane, qui fuit massivement le pays plongé dans les tueries interreligieuses.