Boko Haram : un fléau transfrontalier devenu menace régionale
Dans son analyse, l’auteur retrace la genèse du mouvement Boko Haram, né au début des années 2000 dans le nord-est du Nigeria, avant de s’étendre vers le Cameroun, le Niger et le Tchad. Selon lui, la position géographique du bassin du lac Tchad, espace transfrontalier difficile à contrôler, a favorisé l’installation durable de groupes criminels et terroristes, aujourd’hui bien enracinés dans les zones rurales marginalisées.
L’étude souligne que malgré les succès militaires annoncés, la menace demeure : entre 2019 et 2022, Boko Haram et sa branche dissidente — l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP) — ont continué de mener des attaques d’envergure contre les forces nationales et les populations civiles.
Des États fragilisés par leurs intérêts divergents
L’une des conclusions les plus fortes de la thèse concerne le manque de confiance politique entre les États riverains du lac Tchad. Abdoulaye Mahamat Abdoulaye observe que les rivalités économiques et les intérêts énergétiques concurrents sapent les efforts collectifs.
« La déstabilisation d’un État peut profiter à un autre, notamment en lui donnant un accès exclusif aux ressources du lac Tchad », écrit-il. Cette fragmentation, selon lui, affaiblit la Force multinationale mixte (FMM) créée pour contrer Boko Haram, et transforme parfois la géopolitique régionale en champ d’intérêts croisés plus qu’en alliance de sécurité.
Un appel à la coopération mondiale
Le chercheur tchadien insiste sur la nécessité d’un engagement accru des grandes puissances et des institutions internationales — États-Unis, Union européenne, ONU — dont l’attention reste souvent tournée vers d’autres crises. Il plaide pour que la lutte contre Boko Haram soit replacée au cœur des priorités de sécurité mondiale, au même titre que la lutte contre Daech au Moyen-Orient.
Dans cette optique, il suggère la création d’une architecture de sécurité régionale renouvelée, fondée sur la diplomatie, la gouvernance locale et la participation des populations, plutôt que sur la seule approche militaire.
Une vision humaniste de la sécurité
Au-delà de la stratégie militaire, la thèse d’Abdoulaye Mahamat Abdoulaye met en avant la dimension sociale et économique du combat contre le terrorisme. Boko Haram, explique-t-il, a su tirer parti du chômage, de la pauvreté et du sentiment d’abandon pour se présenter comme un acteur de protection sociale auprès des populations délaissées.
Il appelle donc à repenser la sécurité comme un bien public reposant sur la stabilité politique, l’éducation, la réduction des inégalités et le développement économique.
Un honneur pour le Tchad et l’Afrique
La soutenance de cette thèse en Russie représente une fierté nationale pour le Tchad. En alliant rigueur académique et engagement patriotique, le jeune chercheur contribue à valoriser la recherche africaine dans les grandes universités internationales. Son travail s’inscrit dans la continuité du rôle central du Tchad dans la lutte contre le terrorisme au Sahel.
« La paix durable ne viendra pas des armes seules, mais de la justice et de la coopération », conclut Abdoulaye Mahamat Abdoulaye.