Au cœur de cette géographie instable se trouve la région du bassin du lac Tchad, où se rencontrent les frontières de quatre pays : le Tchad, le Nigeria, le Niger et le Cameroun. Le lac est devenu, pendant des années, un théâtre d’opérations ouvert pour Boko Haram. Toutefois, l’expérience tchadienne dans la lutte contre ce groupe, à travers la force militaire conjointe des quatre pays puis des approches sécuritaires, religieuses et communautaires, offre aujourd’hui un modèle important pour comprendre comment vaincre militairement les organisations extrémistes, tout en posant avec insistance la question de la prévention et du développement.
Dans ce contexte, le journal Al-Ahram Al-Arabi (l'un des journaux arabes les plus importants du Moyen-Orient) a interrogé le Dr Ahmat Yacoub Dabio, président du Centre d’études pour le développement et la prévention de l’extrémisme au Tchad (CEDPE). Ce centre de recherche a cherché à combler un vide majeur en matière de données et d’analyses de terrain, en menant une vaste enquête sur les anciens membres de Boko Haram du côté tchadien du lac Tchad. Il a constitué une base de données inédite concernant près de 7 000 repentis, dont des milliers de femmes et d’enfants, à travers plus de 16 000 formulaires de recherche détaillés.
Dans ce contexte, le journal Al-Ahram Al-Arabi (l'un des journaux arabes les plus importants du Moyen-Orient) a interrogé le Dr Ahmat Yacoub Dabio, président du Centre d’études pour le développement et la prévention de l’extrémisme au Tchad (CEDPE). Ce centre de recherche a cherché à combler un vide majeur en matière de données et d’analyses de terrain, en menant une vaste enquête sur les anciens membres de Boko Haram du côté tchadien du lac Tchad. Il a constitué une base de données inédite concernant près de 7 000 repentis, dont des milliers de femmes et d’enfants, à travers plus de 16 000 formulaires de recherche détaillés.
Dr Ahmat Yacoub Dabio rejette l’idée selon laquelle le terrorisme en Afrique serait incurable. Selon lui, cette vision est simpliste et pessimiste, et sert davantage certains récits occidentaux que les peuples africains. Il affirme que le terrorisme n’est ni une fatalité ni un phénomène homogène : il a des causes spécifiques selon les régions, et peut être réduit, voire éliminé, si l’on adopte une approche globale, patiente et intelligente, dépassant les seules opérations militaires ponctuelles.
Prenant l’exemple de Boko Haram, il explique que le groupe est né en 2009 à Maiduguri, au Nigeria, à partir d’un mouvement de protestation religieuse pacifique. La répression violente de cette protestation, l’arrestation et l’exécution extrajudiciaire de son leader ont provoqué une radicalisation brutale du groupe, qui s’est ensuite transformé en organisation armée exploitant la colère populaire.
Concernant le bassin du lac Tchad, il estime que Boko Haram est aujourd’hui presque neutralisé en tant qu’organisation centrale, grâce notamment à la force multinationale conjointe, dans laquelle l’armée tchadienne a joué un rôle clé. Toutefois, la menace persiste sous d’autres formes, notamment avec l’implantation de Daech dans la région.
Dr Ahmat Yacoub Dabio souligne que le succès relatif de cette lutte repose sur plusieurs facteurs : une action militaire coordonnée, des mesures sécuritaires strictes, l’implication des autorités religieuses de toutes confessions, l’action de la justice, et surtout un basculement décisif de l’opinion publique contre Boko Haram après les attentats-suicides meurtriers à N’Djamena en 2015.
Il insiste cependant sur le fait que la prévention reste le maillon faible. Selon lui, des pays comme l’Égypte ont réussi, à différents degrés, à combiner sécurité, développement économique, justice sociale et travail idéologique, tandis que les pays du bassin du lac Tchad ont largement échoué à traiter les causes profondes de l’extrémisme : pauvreté, analphabétisme, marginalisation et absence de perspectives pour les jeunes.
Prenant l’exemple de Boko Haram, il explique que le groupe est né en 2009 à Maiduguri, au Nigeria, à partir d’un mouvement de protestation religieuse pacifique. La répression violente de cette protestation, l’arrestation et l’exécution extrajudiciaire de son leader ont provoqué une radicalisation brutale du groupe, qui s’est ensuite transformé en organisation armée exploitant la colère populaire.
Concernant le bassin du lac Tchad, il estime que Boko Haram est aujourd’hui presque neutralisé en tant qu’organisation centrale, grâce notamment à la force multinationale conjointe, dans laquelle l’armée tchadienne a joué un rôle clé. Toutefois, la menace persiste sous d’autres formes, notamment avec l’implantation de Daech dans la région.
Dr Ahmat Yacoub Dabio souligne que le succès relatif de cette lutte repose sur plusieurs facteurs : une action militaire coordonnée, des mesures sécuritaires strictes, l’implication des autorités religieuses de toutes confessions, l’action de la justice, et surtout un basculement décisif de l’opinion publique contre Boko Haram après les attentats-suicides meurtriers à N’Djamena en 2015.
Il insiste cependant sur le fait que la prévention reste le maillon faible. Selon lui, des pays comme l’Égypte ont réussi, à différents degrés, à combiner sécurité, développement économique, justice sociale et travail idéologique, tandis que les pays du bassin du lac Tchad ont largement échoué à traiter les causes profondes de l’extrémisme : pauvreté, analphabétisme, marginalisation et absence de perspectives pour les jeunes.
Il révèle que, côté tchadien du lac Tchad, environ 7 000 personnes sont revenues de Boko Haram, accompagnées de plus de 13 000 enfants. La majorité de ces personnes ont un niveau d’éducation extrêmement faible, ce qui démontre le lien étroit entre analphabétisme et enrôlement dans les groupes extrémistes. La proportion élevée de femmes parmi les repentis s’explique par les méthodes violentes de contrôle des villages pratiquées par Boko Haram.
Enfin, il critique le manque d’exploitation réelle des données collectées par son centre et met en garde contre le risque de re-radicalisation si ces anciens combattants ne bénéficient pas de véritables programmes de réinsertion.
Sur le retrait des forces françaises du Sahel, le Dr Yacoub estime qu’il s’agit d’une évolution positive, affirmant que le développement et la sécurité doivent être d’abord une responsabilité africaine. Il ajoute que le principal problème n’est pas le manque de ressources, mais la mauvaise gouvernance, la corruption et l’absence de justice.
Pour lutter efficacement contre le terrorisme en Afrique, il appelle à une stratégie globale fondée sur des données fiables, la réinsertion sociale des repentis, l’éducation précoce à la tolérance, l’autonomisation économique des jeunes et le lien entre recherche scientifique et développement réel.
Enfin, il critique le manque d’exploitation réelle des données collectées par son centre et met en garde contre le risque de re-radicalisation si ces anciens combattants ne bénéficient pas de véritables programmes de réinsertion.
Sur le retrait des forces françaises du Sahel, le Dr Yacoub estime qu’il s’agit d’une évolution positive, affirmant que le développement et la sécurité doivent être d’abord une responsabilité africaine. Il ajoute que le principal problème n’est pas le manque de ressources, mais la mauvaise gouvernance, la corruption et l’absence de justice.
Pour lutter efficacement contre le terrorisme en Afrique, il appelle à une stratégie globale fondée sur des données fiables, la réinsertion sociale des repentis, l’éducation précoce à la tolérance, l’autonomisation économique des jeunes et le lien entre recherche scientifique et développement réel.
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Dr Ahmat Yacoub : "L’Afrique est capable de vaincre le terrorisme… et l’expérience égyptienne en est la meilleure preuve" (Al-Ahram)








