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SENEGAL : Cheikh Tidiane Mara, nouveau procureur spécial de la CREI


Alwihda Info | Par Le Témoin - 13 Novembre 2014


Alioune Ndao limogé pour cause de trop grande intransigeance


La nouvelle aura réussi le tour de force d’éclipser momentanément la pourtant si médiatisée Déclaration de Politique Générale du Premier ministre, M. Mahammed Boun Abdallah Dionne devant la représentation nationale. La nouvelle ? Il s’agit bien sûr du limogeage du procureur spécial de la Cour de Répression de l’Enrichissement illicite (CREI), le très teigneux M. Alioune Ndao. Si l’intéressé a déclaré à des proches que c’est lui qui a démissionné, la vérité c’est qu’il a plutôt été limogé. Et ce pour cause de très grande intransigeance. Au niveau du ministère de la Justice, et même, plus haut, à la présidence de la République, on n’est pas loin en effet de comparer M. Alioune Ndao à une sorte de Néron qui voudrait brûler la République. Rien de moins ! Ce chevalier Bayard sans peur et sans reproche, qui avait déposé sa candidature pour le poste de procureur de la Crei, n’a en effet pas hésité à jeter en prison le gros gibier qu’est Karim Wade, fils de l’ancien président de la République. Ce en même temps que ses complices présumés Pape Mamadou Pouye, Ibrahim Aboukhalil dit Bibo Bourgi, Mbaye Ndiaye, ancien directeur général de l’agence des Aéroports du Sénégal, Pape Samba Diassé, mais aussi l’ancien directeur du Cadastre, Tahibou Ndiaye etc. Déjà, lors de sa première sortie devant la presse, il avait lu une liste de sept personnes dont il avait dit qu’elles allaient devoir justifier leur fortune devant la CREI. Et c’est sans faiblir qu’il avait mené les poursuites contre les personnalités faisant partie de cette première fournée de la juridiction spéciale. Au cours du procès de M. Karim Wade et compagnie qui se déroule présentement devant la Cour de répression de l’Enrichissement illicite dirigée par M. Henry Grégoire Diop, on a vu la hargne avec laquelle il soutient l’accusation et mène les interrogatoires des prévenus ou des témoins attraits devant cette Cour.
En fait si, au début, le zèle de M. Alioune Ndao, un ancien policier venu sur le tard dans la magistrature où il a été jusqu’à sa nomination à la Crei un obscur parquetier, si donc son zèle arrangeait le régime du président Macky Sall qui avait fait de la traque des biens mal acquis son cheval de bataille, il est très vite apparu à l’exercice que l’homme n’était guère maniable. C’est le moins que l’on puisse dire ! Car buté, obstiné, têtu même, M. Alioune Ndao l’était assurément. Et alors que les parquetiers sont généralement soumis à l’autorité de la chancellerie, c’est à dire du ministère de la Justice, M. Alioune Ndao, lui, s’est distingué par sa trop grande indépendance vis-à-vis de la hiérarchie. C’est justement cela qui l’a perdu. En effet, on apprend de source sûre que le procureur limogé voulait donner un coup d’accélérateur aux dossiers encore en instruction d’une dizaine de personnalités de l’ancien régime. Parmi ces personnalités, MM. Oumar Sarr, député et coordinateur du Parti démocratique sénégalais (Pds) mais aussi M. Doudou Diagne, ancien directeur général du Cadastre. Alors que la volonté du pouvoir est de lever le pied à quelques semaines de la tenue du sommet de l’Organisation de la Conférence islamique (OCI), les 29 et 30 de ce mois de novembre à Dakar, M. Ndao, lui, demandait que les dossiers de ces personnalités soient bouclés et lui soient transmis sans tarder. Ce dans le but, évidemment, d’envoyer ces personnalités en prison. Or, encore une fois, les autorités ont déjà fort à faire pour gérer la patate chaude que représente le dossier de M. Karim Wade qui passe actuellement en jugement. En même temps, elles veulent selon toute vraisemblance se sortir du guêpier que constitue la traque des biens mal acquis. Alertées sur les convocations que le procureur spécial Alioune Ndao s’apprêtait à lancer, les autorités avaient demandé au ministre de la Justice de réfréner ses ardeurs guerrières. A Me Sidiki Kaba qui lui demandait de mettre la pédale douce, Alioune Ndao a dit niet. Face à son intransigeance, le garde des Sceaux n’a donc eu d’autre choix que de le limoger.
Selon des proches de l’intéressé, c’est plutôt au retour du président de la République de son voyage au Congo-Brazzaville l’autre week-end — sur invitation de son homologue Denis Sassou Nguesso qui l’avait convié à passer deux jours dans son village d’Oye —, qu’on aurait demandé à M. Ndao de lever le pied dans le dossier Karim Wade. Ce qu’il aurait refusé de faire. De source officieuse, on indique au contraire qu’il ne s’est agi à aucun moment de Karim Wade mais plutôt des nouvelles arrestations auxquelles il voulait procéder. Toujours est-il que c’est son intransigeance et son tempérament va-t-en guerre qui ont perdu le déjà ex-procureur spécial.
De fait, Ndao a toujours tenu tête à la Chancellerie et fait fi des instructions. Exemple : Contre la volonté des autorités, il tenait à jeter l’ancien ministre Abdoulaye Baldé, maire de Ziguinchor et leader de l’Union des centristes du Sénégal (UCS), en prison. Le pouvoir avait dû manœuvrer serré pour, avec l’aide du substitut Antoine Diome, envoyer le dossier devant la commission d’instruction… qui avait inculpé Abdoulaye Baldé avant de le mettre en liberté provisoire. Il ne fallait en effet pas mettre de l’huile sur le brasier du conflit casamançais ! De même, lorsque l’ancien directeur du Cadastre, Tahibou Ndiaye, avait refusé de faire muter ses biens au nom de l’Etat, Alioune Ndao avait voulu le renvoyer en prison alors qu’il était déjà en liberté provisoire.
Dans les colonnes de l’hebdomadaire Le Témoin, nous expliquions en août dernier comment, malgré les instructions écrites du ministre de la Justice en personne, il avait refusé d’autoriser la sortie du territoire national de M. Ibrahim Aboukhalil alias Bibo Bourgi. Après avoir demandé au ministre de lui notifier ses instructions par écrit, il avait écrit rageusement « je refuse » sur le dossier avant de le transmettre au président de la Crei. Lequel ne pouvait faire autrement que de suivre ses réquisitions…
Et cette semaine, malgré le contexte très tendu qui prévaut avec l’interdiction par le gouverneur de Dakar de toutes manifestations sur l’étendue du territoire régional pendant la période du 10 novembre au 05 décembre, et les menaces de l’opposition de tout brûler si elle n’est pas autorisée à tenir meeting le 21 novembre prochain à la place de l’Obélisque, M. Alioune Ndao voulait jeter en prison des responsables du Pds. Un casus belli, assurément ! « Alioune Ndao, c’est un fou et si on ne l’arrête pas, il va mettre le feu à ce pays » confie une autorité. D’où son limogeage et son remplacement par Cheikh Tdiane Mara, un parquetier qui rentre de 17 années de séjour à l’étranger, durant lesquelles il a travaillé dans les tribunaux spéciaux de l’ONU.
Selon les proches de l’intéressé, l’ex-procureur spécial était trop engagé pour reculer. « Il estime que même sa famille a été atteinte mystiquement par les marabouts de Karim Wade et qu’il fallait qu’il aille jusqu’au bout. De même, le fait d’avoir mis ce dernier en prison tandis que les autres étaient en liberté lui est toujours resté en travers de la gorge. Justicier, il voulait mettre tous les ripoux de l’ancien régime en prison et estime donc qu’on l’a trahi en voulant arrêter ces poursuites » poursuivent ces proches. Mystique, Alioune Ndao l’est en tout cas qui ne se sépare jamais de son Coran, de ses « khassaïdes » et de son chapelet car sachant que le camp de Karim Wade avait mobilisé un bataillon de marabouts pour « travailler » les membres de la Crei, qu’ils soient de la Cour ou du Parquet. Une chose est sûre, en tout cas : avec le limogeage de l’empêcheur de négocier en rond Alioune Ndao, on est parti vers un enterrement de première classe de la traque des biens mal acquis…
Mamadou Oumar NDIAYE
« Le Témoin » quotidien sénégalais ( Novembre 2014)




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