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REPORTAGE

Tchad : Les Tirs de Joie – Une pratique coutumière mortelle face à l'impératif sécuritaire


Alwihda Info | Par Hibé Ouadjouli Evarist - 1 Décembre 2025


La tradition de célébrer les unions par des salves d'armes à feu, profondément ancrée dans certaines communautés tchadiennes, transforme régulièrement les mariages en drames. Cette coutume, perçue comme un symbole de virilité et de puissance, constitue un fléau qui endeuille de nombreuses familles, nécessitant une intervention urgente et concertée.




 

Le cas survenu récemment au village d’Amdirib, dans la province du Batha, illustre de manière dramatique le risque inhérent à cette pratique. Un mariage a été brutalement interrompu par la mort du marié, atteint mortellement à la poitrine par le tir accidentel de l'un de ses frères. Transportée d'urgence à l'hôpital d'Ati, la victime a succombé à ses blessures.

 

Ces tirs, destinés à exprimer une joie extrême, se transforment malheureusement en cauchemar récurrent. Cette tragédie n'est pas un cas isolé ; chaque année, des citoyens tchadiens sont tués ou grièvement blessés par ces balles perdues qui retombent avec une force mortelle, frappant indistinctement les participants ou les passants.

 

 Un Cadre Légal Contourné par la Prolifération des Armes

 

Bien que le Ministère de la Sécurité Publique ait édicté des interdictions claires, cette pratique malsaine perdure, y compris dans la capitale, N'Djamena.

 

Le paradoxe réside dans l'écart entre la loi, qui réglemente strictement le port et l'usage des armes à feu, et la réalité du terrain. La prolifération des armes légères, héritage des conflits passés et de l'instabilité régionale, rend leur accès facile. Dans ce contexte, les forces de l'ordre sont souvent confrontées à la difficulté d'appliquer la loi par crainte de heurter des sensibilités communautaires ou de déclencher des conflits.

 

 Les Voix de la Raison s’Élèvent

 

Face à cette « hécatombe silencieuse », des citoyens, des leaders d'opinion et des figures religieuses appellent à une prise de conscience collective :

  • Critique religieuse et morale : Des fidèles musulmans rappellent que l’Islam prône la préservation de la vie et que cette coutume est dangereuse, illégale et contrevient aux enseignements fondamentaux.

  • Plaidoyer juridique : Me Kagonbé Alain a notamment rappelé la vocation létale des armes de guerre : « Une arme de guerre n'est pas destinée à la réjouissance. Une arme de guerre tue. Stop stop stop ».

 

 Plaidoyer pour une Action Concertée et Durable

 

Il est impératif que les autorités, les leaders communautaires et religieux, ainsi que la société civile, unissent leurs efforts pour éradiquer cette pratique d'un autre âge.

 

  • Sensibilisation : Des campagnes chocs et ciblées, sous des slogans comme "Mariage sans Balle" ou "Une balle en l'air, un deuil sur terre", doivent être lancées dans les médias, les mosquées et les lieux de rassemblement. Le message doit être clair : la joie s'exprime par la musique, les chants et les youyous, sans danger.

  • Application de la Loi : Un renforcement des contrôles policiers aux abords des lieux de fête et une application stricte et sans complaisance de la législation en vigueur sont cruciaux.



La célébration d'une union, pilier de la société, ne doit plus être entachée de sang. Il est temps de désarmer la fête et de réaffirmer que la vraie force et la vraie joie résident dans le respect de la vie et le partage d'un bonheur qui n'a pas besoin de faire de bruit pour être intense.




Pour toute information, contactez-nous au : +(235) 99267667 ; 62883277 ; 66267667 (Bureau N'Djamena)