L'absence de structures d'apprentissage adéquates contraint de nombreux jeunes Tchadiens à l'autodidaxie. Dieudonné, un jeune homme débrouillard, l'illustre : « C'est à travers les activités de chantier que j'ai appris le métier de la plomberie. » D'autres, comme Blaise, sont devenus menuisiers par la seule force de l'instinct et de l'observation.
Si ces parcours soulignent l'ingéniosité de la jeunesse, ils mettent surtout en lumière un vide structurel béant. La formation informelle, bien que louable, est souvent incomplète, non certifiante et limite fortement les perspectives d'évolution professionnelle, notamment l'accès au financement ou aux grands marchés publics.
Un horizon unique et dangereux : la fonction publique
Le modèle actuel, qui tend à placer la fonction publique comme unique horizon de réussite, est un piège pour l'avenir de la jeunesse. Comme le déplore Madame Tokary Virginie, enseignante, « la jeunesse est même perdue, puisque le seul espoir, c'est la fonction publique. »
Cette concentration des rares opportunités et des centres de formation existants dans la capitale génère un exode rural massif. Ce mouvement conduit à la saturation de N'Djaména, aggravant le désordre social : « Aujourd'hui, c'est la capitale N'Djamena qui absorbe les jeunes ; chacun rêve de trouver son compte. Ce qui fait que le désordre s'est installé, conduisant aux cas de banditisme accru », a-t-elle déploré.
L'avenir d'un pays ne peut plus se résumer à la seule réussite scolaire classique. Il est impératif que le gouvernement tchadien reconnaisse et investisse massivement dans les filières professionnelles.
L'impératif d'une politique d'investissement décentralisée
Pour juguler le désordre social et stimuler l'économie, l'État doit agir sur plusieurs fronts :
- Multiplier et décentraliser les CFP : Les centres doivent être répartis sur tout le territoire, y compris dans les villes secondaires et les campagnes. Cela permettrait de désengorger N'Djaména, de retenir les talents dans leurs régions d'origine et de participer activement au développement local.
- Valoriser les métiers manuels : Une campagne nationale s'impose pour changer la perception des métiers de l'artisanat et du BTP, souvent dévalorisés, et les présenter comme un vecteur de richesse, d'autonomie et de développement économique.
- Encourager les Partenariats Public-Privé (PPP) : Il est essentiel de mobiliser le secteur privé et les maîtres-artisans pour développer des programmes de formation en alternance qui garantissent une adéquation parfaite entre les compétences enseignées et les besoins réels du marché du travail.
En multipliant les formations dédiées aux petits métiers, l'État ne ferait pas qu'offrir une compétence ; il redonnerait de l'espoir à une jeunesse désespérée, lui permettant de devenir actrice de son propre développement et de celui de sa nation. C'est un investissement nécessaire pour la stabilité future du Tchad.