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AFRIQUE

Tchad : le rôle de la BEAC dans l’économie tchadienne


Alwihda Info | Par Ndafogo Salmanou Ludovic - 23 Octobre 2025


Pour le pays enclavé et fortement dépendant des exportations pétrolières, la stabilité monétaire est un atout majeur dans un environnement économique souvent instable.


Tchad : le rôle de la BEAC dans l’économie tchadienne
La Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) occupe une place essentielle dans l’économie du Tchad. En tant qu’institution monétaire commune aux six pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), elle joue un rôle clé dans la stabilité macroéconomique, la régulation financière et la politique monétaire du pays.

Dans un contexte marqué par la volatilité des prix du pétrole, la pression sur les finances publiques et la recherche d’une croissance durable, l’action de la BEAC est plus que jamais déterminante. Créée en 1972, la BEAC est la banque centrale des États membres de la CEMAC : Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad.

Son mandat principal consiste à assurer la stabilité de la monnaie commune, le franc CFA, à maintenir la confiance du public dans le système financier et à soutenir les politiques économiques des États membres. Pour le Tchad, pays enclavé et fortement dépendant des exportations pétrolières, cette stabilité monétaire est un atout majeur dans un environnement économique souvent instable.

Le Tchad, comme ses voisins de la CEMAC, bénéficie de la garantie de convertibilité illimitée du franc CFA avec l’euro, un mécanisme qui repose sur un compte d’opérations logé au Trésor français. Cette garantie a permis de contenir l’inflation à un niveau relativement bas, autour de 4 % en moyenne en 2024, selon la BEAC, bien inférieur à celui de nombreux pays africains hors zone franc. Pour les ménages et les entreprises tchadiennes, cela se traduit par une certaine prévisibilité des prix et une stabilité du pouvoir d’achat, malgré les fluctuations du marché pétrolier.

Cependant, la politique monétaire conduite par la BEAC ne se limite pas à la stabilité des prix. Depuis la crise économique de 2016, liée à la chute des cours du pétrole, la banque centrale a adopté une série de mesures destinées à renforcer les réserves de change de la sous-région et à restaurer la crédibilité du franc CFA.

Ces mesures incluent une politique de resserrement monétaire, une meilleure surveillance des banques commerciales et la mise en œuvre d’un cadre de transparence budgétaire en collaboration avec le FMI. Au Tchad, la BEAC soutient la stabilité du système bancaire en régulant la liquidité et en contrôlant les conditions d’accès au crédit.

En 2024, le volume global des crédits accordés par les établissements bancaires tchadiens s’élevait à environ 960 milliards de francs CFA, en hausse de 8 % par rapport à 2023, selon le rapport annuel de la BEAC. Les principaux bénéficiaires sont les entreprises opérant dans les secteurs du commerce, des services et de la construction.

Toutefois, le coût élevé du crédit, souvent supérieur à 12 %, reste un frein majeur pour les petites et moyennes entreprises, limitant leur capacité à investir et à créer des emplois. La BEAC joue également un rôle central dans la gestion de la masse monétaire et la lutte contre l’inflation. En relevant son taux directeur passé de 3,5 % à 5 % entre 2022 et 2024, elle cherche à contenir la hausse des prix et à encourager la discipline budgétaire des États membres.

Cette politique a contribué à stabiliser la monnaie, mais elle a aussi réduit la marge de manœuvre du gouvernement tchadien en matière de financement interne, notamment pour les investissements publics. Au-delà des instruments monétaires, la BEAC s’implique dans la supervision du secteur bancaire. Elle veille au respect des normes prudentielles, à la solidité des bilans bancaires et à la lutte contre le blanchiment d’argent.

Le Tchad compte aujourd’hui une dizaine de banques commerciales, dont plusieurs filiales de groupes étrangers. La BEAC assure leur encadrement via la Commission bancaire de l’Afrique centrale (COBAC), qui relève également de son autorité. Grâce à cette régulation, le système financier tchadien demeure relativement stable, même si le taux de bancarisation reste faible, autour de 10 %, selon la Banque mondiale. Sur le plan macroéconomique, l’action de la BEAC influence directement les finances publiques du Tchad.

En période de tensions budgétaires, elle soutient le gouvernement à travers les opérations de refinancement ou de gestion des bons du Trésor. En 2024, le Tchad a émis pour près de 250 milliards de francs CFA de titres publics sur le marché sous-régional, avec des taux d’intérêt moyens oscillant entre 5,5 % et 7 %.

Ces émissions, validées et encadrées par la BEAC, permettent de financer le déficit budgétaire tout en préservant l’équilibre global de la zone monétaire. Mais certains économistes estiment que le cadre monétaire actuel limite la capacité du Tchad à mener une politique économique indépendante. La fixité du taux de change avec l’euro, bien qu’elle apporte de la stabilité, empêche toute dévaluation compétitive qui pourrait stimuler les exportations non pétrolières.

D’autres critiques portent sur la centralisation de la politique monétaire à Yaoundé, où siège la BEAC, réduisant la réactivité face aux besoins spécifiques de chaque pays. Malgré ces limites, la BEAC demeure un pilier de la stabilité économique tchadienne. Son rôle est d’autant plus crucial que le pays cherche à diversifier son économie, à renforcer son secteur privé et à mieux gérer sa dette publique. En soutenant une politique monétaire prudente et en favorisant la discipline financière, la BEAC contribue à créer un environnement propice à la croissance durable.

À moyen terme, le défi sera de concilier stabilité macroéconomique et dynamisme du crédit. Pour que la BEAC soit pleinement un levier de développement au Tchad, elle devra accompagner davantage les réformes financières, encourager l’inclusion bancaire et promouvoir l’innovation dans les paiements numériques. C’est à ce prix que la politique monétaire régionale pourra répondre plus efficacement aux réalités économiques locales et renforcer la résilience du pays face aux chocs extérieurs.



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